Le requin du Groenland peut vivre des centaines d’années, grâce à un mécanisme que les scientifiques viennent à peine d’expliquer. Cette découverte révèle une fois de plus les conséquences biologiques de la crise climatique : les océans vont continuer à se réchauffer, menaçant l’espérance de vie, jusque-là record, de ces vertébrés.
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Le requin du Groenland (Somniosus microcephalus) vit en moyenne 270 ans, et certains spécimens auraient même déjà atteint plus de quatre siècles. Les chercheurs ont longtemps supposé que cette longévité était liée à son environnement : en effet, le requin du Groenland habite l'Atlantique Nord et l'Arctique, jusqu'à 2 774 mètres de fond, là où l'eau peut atteindre des températures négatives. Pour survivre, son organisme doit conserver sa chaleurchaleur au maximum, en effectuant le moins de mouvementsmouvements possible, et en se déplaçant très lentement - ce qui n'empêche pas ce grand carnivore de capturer des proies 10 fois plus rapides que lui, comme le phoque ou le calmar. Mais qu'en est-il exactement de cette « conservation » par le froid ?
Pour vivre longtemps, il faut ralentir…
La réponse à cette question a été présentée lors de la conférence de la Society of Experimental Biology, qui s'est tenue à Prague du 2 au 5 juillet. L'auteur principal de l’étude et étudiant en doctorat à l'université de Manchester, Ewan Camplisson, explique que la longévité de ces requins pourrait être liée au fait de la stabilité de leur activité métabolique au fil du temps.
Le saviez-vous ?
Le métabolisme regroupe les processus chimiques par lesquels les enzymes décomposent les nutriments en énergie. Chez la plupart des êtres vivants, l’activité métabolique diminue avec le temps, entraînant une baisse de la production d’énergie par les cellules, un ralentissement de la régénération tissulaire, et une altération de la détoxification de l’organisme.
Pour étudier ce phénomène, les chercheurs ont mesuré l'activité de cinq enzymesenzymes différentes, prélevées dans des échantillons de muscles de 23 requins du Groenland, et ont ensuite déterminé l'âge de chaque spécimen, grâce au modèle d'estimation révélé dans une étude parue en 2016. Résultat : ils n'ont pas observé de changement d'activité enzymatiqueenzymatique entre les différents âges. Si cette découverte permet d'expliquer la longévité des requins du Groenland, elle soulève également une problématique imminente quant à leur survie.
Le requin est-il vraiment l'animal le plus dangereux au monde ? La réponse (et le palmarès) dans Science ou Fiction. © Futura
…face à un réchauffement qui s’accélère ?
Il faut savoir que l'activité enzymatique à tendance à augmenter avec la température, et les résultats de cette étude ne font pas exception à la règle. Est-ce une bonne nouvelle ? Non. Les estimations climatiques indiquent que la température de surface de la mer devrait augmenter de 1,2 à 3,2 °C d'ici à 2100, et selon WWF, la température moyenne de l'Arctique a déjà augmenté trois fois plus vite que la température mondiale. Pour les requins du Groenland, cela signifie une augmentation du métabolismemétabolisme, et donc probablement une diminution de l'espérance de vieespérance de vie. D'autant plus que leur maturité sexuelle est très tardive : ils doivent attendre environ 150 ans pour être capable de se reproduire. Le risque est donc qu'ils décèdent avant même d'avoir fait des petits, et à ce stade, c'est la survie de toute une espèce qui est en danger.