La géoingénierie, discipline polémique, vise à traiter les conséquences du réchauffement climatique à grandes échelles via différentes technologies. Une équipe de chercheurs en a imaginé une nouvelle, qui consisterait à former un bouclier de poussières entre la Terre et le Soleil pour limiter la quantité de rayonnements reçus par l'atmosphère. Mais n'est-ce pas partir dans une mauvaise direction ?


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    Depuis l'ère industrielle, la température moyenne a augmenté d'au moins 1,1 °C en moyenne dans le monde. 1,7 °C, en France. Pour ralentir ce réchauffement, nous pouvons choisir de traiter les causes, donc les émissionsémissions de gaz à effet de serre et la destruction de la biodiversité. Mais une telle manoeuvre nécessite de lourds changements sociétaux. Certains se tournent plutôt vers la technologie, et voient en la géoingénierie une solution possible au réchauffement climatique. Plusieurs méthodes ont déjà été envisagées, comme celle de l'envoi d'aérosols dans l'atmosphère pour limiter la quantité de rayonnements solairesrayonnements solaires qu'elle absorbe, ou celle d'un gigantesque parasol spatial.

    Une autre imaginée récemment et détaillée dans une publication dans Plos vise aussi à obscurcir directement la planète, en limitant la quantité de rayonnements solaires reçus par la TerreTerre. L'idée des chercheurs serait d'envoyer des poussières entre le SoleilSoleil et la Terre, poussières qui absorberaient un faible pourcentage des rayonnements solaires, environ 1,8 %. Ce montant, qui correspond à seulement six jours d'ensoleillement en moins dans l'année, suffirait en effet à limiter le réchauffement actuel. Mais d'autres problématiques sont en jeu dans le dérèglement que subit la Terre.

    L'idée des chercheurs est de diminuer l'ensoleillement de 1,8 % © Ralf Geithe, Adobe Stock
    L'idée des chercheurs est de diminuer l'ensoleillement de 1,8 % © Ralf Geithe, Adobe Stock

    Des poussières envoyées entre la Terre et le Soleil depuis le point de Lagrange L1

    Dans leur publication, les chercheurs ont envisagé deux scénarios, impliquant tous deux le point de Lagrange L1, situé entre le Soleil et la Terre. Dans le premier, ils ont imaginé le lancement d'une station spatialestation spatiale qui y stationnerait et enverrait de la poussière en continu, pour qu'elle reste en orbiteorbite entre les deux astresastres. Une telle solution éviterait d'envoyer des produits dans l'atmosphère, les poussières ne risquant pas de retomber sur Terre. Mais un problème empêche leur tenue au point L1 : les vents solairesvents solaires. Ceux-ci soufflent tellement fort qu'ils les éjecteront, d'après les simulations numériquessimulations numériques effectuées. Pas d'ombre en continu, donc, à moins d'un réapprovisionnement très régulier de la station, impossible logistiquement.

    Dans un scénario alternatif, les poussières sont envoyées directement depuis la surface de la Lune, en direction du Soleil. Selon les chercheurs, les grains lunaires auraient des propriétés efficaces comme pare-soleil, grâce à leur taille autour de la centaine de micromètresmicromètres et à leur forte teneur en carbonecarbone. Le procédé semble de plus très efficace pour les envoyer vers le point de Lagrange L1. Et cette fois, pas de problème d'approvisionnement. « Il est étonnant d'imaginer comment la poussière de lunelune - qui a mis plus de quatre milliards d'années à se générer - pourrait aider à ralentir l'augmentation de la température de la Terre, un problème qui a pris moins de 300 ans à se produire », a souligné dans un communiqué Scott Kenyon, coauteur de l'étude et chercheur au Harvard & Smithsonian Center for Astrophysics.

    Flux de poussière simulé lancé entre la Terre et le Soleil. Ce nuage de poussière est représenté alors qu'il traverse le disque solaire, vu de la Terre. Des flux comme celui-ci, y compris ceux lancés depuis la surface de la lune, peuvent agir comme un pare-soleil temporaire. © Ben Bromley, <em>University of Utah</em>
    Flux de poussière simulé lancé entre la Terre et le Soleil. Ce nuage de poussière est représenté alors qu'il traverse le disque solaire, vu de la Terre. Des flux comme celui-ci, y compris ceux lancés depuis la surface de la lune, peuvent agir comme un pare-soleil temporaire. © Ben Bromley, University of Utah

    Se détourner du vrai problème ?

    Malgré tout, de nombreuses réserves demeurent face à ces possibilités, notamment au niveau des coûts, et des études nécessaires pour un tel projet qui pourrait bien arriver trop tard. De plus, les quantités à injecter au point L1 sont de l'ordre de la dizaine de millions de tonnes par an, soit bien plus que ce que l'humanité a jamais envoyé dans l'espace

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    « Nous ne sommes pas des experts du changement climatique ou de la science des fuséesfusées nécessaires pour déplacer la massemasse d'un endroit à l'autre. Nous explorons simplement différents types de poussière sur une variété d'orbites pour voir à quel point cette approche pourrait être efficace. Nous ne voulons pas manquer une solution révolutionnaire pour un problème aussi critique », a finalement conclu Benjamin C. Bromley, premier auteur de l'étude et astrophysicienastrophysicien à l'Université de l'Utah. L'étude va dans le même sens, expliquant que cette solution de géoingénieriegéoingénierie ne pourra pas sauver le climat mais serait un tampon éventuel le temps de trouver une solution viable à long terme.

    La géoingénierie ne réglera pas les causes du dérèglement climatique, dont la dépendance aux énergies fossiles, ou les inégalités sociales. © Spectral-Design, Adobe Stock
    La géoingénierie ne réglera pas les causes du dérèglement climatique, dont la dépendance aux énergies fossiles, ou les inégalités sociales. © Spectral-Design, Adobe Stock

    Quel serait l'impact sur la biodiversité ?

    Chercher à traiter les conséquences au lieu des causes serait donc peine perdue. « Ces technologies détournent l'attention - et les financements - des vraies solutions pour baisser nos consommations d'énergies fossilesénergies fossiles », expliquait Heïdi SevestreHeïdi Sevestre dans un article de Futura sur la start-up Make Sunsets qui voudrait envoyer du soufresoufre dans l'atmosphère. Car le climatclimat est fragile, et la biodiversité dépend des apports en lumièrelumière. De plus, dépendre d'une solution elle-même limitée dans le temps sans traiter l'origine du problème créerait une dépendance de plus à cette technologie, si bien que sans elle, un réchauffement de plusieurs degrés en quelques années seulement pourrait se produire !

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    Comparé à d'autres systèmes imaginés par la géoingénierie, celui imaginé dans cette dernière semble ne pas avoir d'impact à long terme sur la Terre. Semble, car aucune étude n'a été faite sur ce sujet. Les auteurs l'expliquent d'ailleurs, leur publication sert surtout à conceptualiser l'idée, mais n'entre pas dans les détails techniques sur sa réalisation. Ni sur l'impact que quelques jours d'ombre en plus pourraient avoir.

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