Franchir un point de basculement – certains parlent de point de non-retour – peut coûter très cher. Pas seulement du point de vue des conséquences sur notre environnement de vie, mais aussi très littéralement cher.


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    Les points de basculement du système Terre, c'est un peu comme les dominos d'un jeu de cascade. Il suffit de faire tomber le premier pour que les autres suivent. Si c'est bien l'effet recherché pour les dominos, c'est au contraire ce que nous devons éviter pour les points de basculement. La réaction en chaîneréaction en chaîne qui ferait accélérer le réchauffement climatique anthropique et l'élévation du niveau de la mer ou provoquerait la multiplication incontrôlable des événements météorologiques extrêmes. De nombreuses études ont déjà questionné tous ces points.

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    La fonte des glaces au Groenland est affolante : le point de non-retour sera atteint dans 12 à 15 ans !

    Mais aujourd'hui, des chercheurs du Pacific Northwest National Laboratory (PNNL, États-Unis) attirent notre attention sur une autre problématique liée à ces points de basculement : leur coût. Ou plus exactement, le coût de la réparation des dégâts, de l'inversion des effets du réchauffement climatique avant et après le franchissement de l'un de ces points.

    Dans la revue npj Climate and Atmospheric Science, les auteurs de l'étude concluent qu'une fois la limite franchie, il faut presque quatre fois plus d'efforts - et de financements - pour ramener le système climatique là où il était juste avant le basculement que pour inverser la tendance avant le seuil. Et cela vaut pour la plupart des points de basculement. Des récifs coralliens tropicaux à la glace des calottes polairescalottes polaires.

    Un modèle mathématique pour estimer le coût des points de basculement

    Pourtant, chaque point de basculement - défini par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) comme « un seuil critique dans un système qui, lorsqu'il est dépassé, peut entraîner un changement significatif de l'état du système » - est unique. Les qualités physiquesphysiques qui déterminent son comportement (par exemple, l'étendue de la couverture nuageuse ou le transport de chaleurchaleur dans les eaux océaniques les plus proches) déterminent la façon dont les changements post-basculement se dessinent dans le système climatique.

    Mais au cœur de chaque point de basculement se cache une équationéquation commune qui décrit sa nature fondamentale. Grâce à cette universalité, les chercheurs peuvent sonder le comportement commun des points de basculement à l'aide de modèles mathématiques simplifiés. Pour identifier les signaux d'alerte précoce indiquant qu'un point de basculement se rapproche. Ou, plus utile encore, pour éclairer nos plans d'intervention.

    Une fenêtre de dépassement comme une dernière chance ?

    Ainsi la preuve est désormais faite que les mesures correctives après coup sont beaucoup plus coûteuses et intrusives que les mesures préventives. « Nous avons le choix. Soit, nous assumons le coût maintenant, juste avant que le point de basculement ne soit franchi. Soit, nous attendons, souligne Parvathi Kooloth, la mathématicienne à l'origine des travaux. Mais si nous attendons, le degré d'intervention nécessaire pour ramener le système climatique là où il était augmente considérablement ».

    Toutefois, les chercheurs du PNNL observent que certains points de basculement semblent présenter une « fenêtrefenêtre de dépassement ». Dans cette fenêtre de temps, juste après le franchissement du seuil, même si le coût de l'intervention augmente linéairement, il n'explose pas immédiatement. Parce qu'un phénomène intervient pour éviter les changements rapides au niveau du climat. Une chance ? Pas si sûr. Parce que Parvathi Kooloth prévient que « cette marge de manœuvre supplémentaire s'accompagne d'une augmentation encore plus marquée des coûts d'intervention une fois la fenêtre de dépassement entièrement franchie. Plus la fenêtre de dépassement est grande, plus le coût est élevé. »

    Faire l’effort maintenant pour éviter qu’il devienne insurmontable

    Ce qu'il faut surtout retenir de ces nouveaux travaux sur les points de basculements, c'est que certains effets du changement climatique - ceux en tout cas qui sont réversiblesréversibles, parce que tous ne le sont pas ; pensez à la disparition d'une espèce ; nous parlons d'ailleurs parfois non pas de points de basculement, mais de points de non-retour - pourraient exiger beaucoup d'efforts pour être inversés. Même plus que « l'effort » qu'il a fallu pour pousser le système climatique au-delà d'un point de basculement.

    « Le chemin vers l'avant et le chemin vers l'arrière ne sont souvent pas les mêmes, conclut Parvathi Kooloth. Imaginez que nous empruntions une trajectoire à fortes émissions de gaz à effet de serre, où la Planète se réchauffe suffisamment pour faire fondre toute notre banquise d'ici la fin du siècle. Si nous arrivons en 2100 sans banquise, réduire nos émissionsémissions aux niveaux que nous émettons aujourd'hui en 2024, alors qu'il nous reste encore de la glace, ne suffira peut-être pas à ramener la glace. Il se peut que nous devions réduire encore davantage nos émissions, jusqu'à des niveaux antérieurs à 2024. Il est important que nous prenions en compte cette asymétrie lorsque nous choisirons notre voie à suivre. »