L’élimination du CO2 de notre atmosphère va nous sauver du réchauffement climatique. Ils sont de plus en plus nombreux à nous le promettre. Mais en nous sauvant du réchauffement — et il est loin d'être acquis qu'elle y arrive réellement… —, la technique pourrait menacer notre sécurité alimentaire et causer des dommages irréversibles aux écosystèmes, nous préviennent aujourd’hui des chercheurs.
au sommaire
L'élimination du dioxyde de carbone (CO2). Depuis quelques mois, le monde entier semble plus n'avoir que ces mots à la bouche. Pour de mauvaises raisons, concernant les industriels des énergies fossiles qui en vantent les mérites. Ils y voient surtout une opportunité de continuer à vendre leur pétrolepétrole, leur gazgaz et leur charbon sans plus se soucier du réchauffement climatique en cours.
Pour de meilleures raisons, concernant les scientifiques car ils y placent l'espoir de pouvoir encore maintenir le réchauffement climatique anthropique sous la barre des +1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Mais la tâche s'annonce ardue. Le Giec, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, estime qu'il nous faudrait, pour cela, éliminer entre 5 et 16 milliards de tonnes de CO2 par an jusqu'en 2050. C'est colossal !
Et aujourd'hui, le tableau s'assombrit encore un peu plus. Une équipe internationale de chercheurs rapporte, dans la revue Science, que déployer à grande échelle des techniques d'élimination du CO2 pour atteindre les objectifs climatiques de l'Accord de Paris menacerait la sécurité alimentaire et les Droits de l'humain, causerait de graves dommages aux écosystèmes et nous ferait courir le risque de dépasser plusieurs limites planétaires de manière potentiellement irréversible.
L’élimination du CO2 menace notre sécurité alimentaire
Selon les conclusions de ces chercheurs, les niveaux d'élimination du CO2 qui sont considérés comme réalisables à un coût raisonnable par le Giec créent des risques élevés pour l'agriculture, les moyens de subsistance et l'environnement. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a tout simplement pas suffisamment de terres sur notre Planète pour réussir à éliminer d'aussi importantes quantités de CO2. Sauf à prendre la place d'autre chose.
Le saviez-vous ?
Les chercheurs se sont concentrés sur la question de l’élimination du CO2 par la bioénergie avec captage et stockage du carbone (BECCS) et par le boisement ou le reboisement (A/R), les deux approches les plus utilisées dans les scénarios d’atténuation climatique. Ils estiment par ailleurs prématuré de supposer que l’élimination du CO2 par d’autres méthodes « basées sur la nature » — comme les océans — ou par captage et stockage directs du carbone de l’air peut apporter une contribution substantielle à l’atténuation durable du climat.
Se basant sur les chiffres présentés par le Giec, les chercheurs calculent qu'il pourrait devenir nécessaire de convertir jusqu'à 29 millions de kilomètres carrés de terres en cultures bioénergétiques et en forêts. C'est tout de même trois fois la superficie des États-Unis ! Et cela pourrait plonger plus de 300 millions de personnes dans l'insécurité alimentaire. Soit presque l'équivalent de l'ensemble de la population américaine.
Pas d’élimination du CO2 sans atténuation des émissions
Du côté des gouvernements, les engagements existants mèneraient à produire deux fois plus de combustiblescombustibles fossilesfossiles que ce qui est recommandé pour nous maintenir sous la barre des 1,5 °C de réchauffement. Ainsi d'ici 2060, les pays prévoient de consacrer 12 millions de kilomètres carrés à l'élimination du CO2. Plus que la surface actuelle des terres cultivées !
« Les crises du climat et de la biodiversitébiodiversité sont les deux faces d'une même médaille. L'élimination à grande échelle du dioxyde de carbonedioxyde de carbone ne résoudra aucun de ces problèmes. L'élimination du carbone doit être soigneusement déployée à une échelle beaucoup plus petite que ce que suggèrent les plans climatiques actuels et la plupart des scénarios climatiques et parallèlement à une élimination rapide, juste et ordonnée des combustibles fossiles, si nous voulons atteindre nos objectifs climatiques », conclut Alexandra Deprez, chercheuse sur la coopération et la gouvernance internationale sur le climat à l'Institut du développement durabledéveloppement durable et des relations internationales, et auteure principale de l'étude.