Dans les esprits, gaz à effet de serre rime souvent avec CO2. De plus en plus aussi avec méthane. Mais la réalité scientifique est qu’il existe d'autres gaz à effet de serre. Parfois très puissants, même. Et les émissions de l’un d’entre eux dont on parle encore très peu, le protoxyde d'azote, ont littéralement explosé.


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    Le dioxyde de carbone (CO2). C'est le gaz à effet de serre dont on parle désormais au quotidien. Celui qui est responsable du réchauffement climatique anthropique. Ce dont on parle encore moins, c'est qu'il n'est pas le seul gaz à effet de serre en cause.

    Le réchauffement climatique a été mis en évidence pour la première fois en... 1856 ! Découvrez l'histoire de la femme qui l'a démontré dans Chasseurs de Science. © Futura

    Parmi les responsables, il y a aussi le méthane (CH4). Il commence à faire parler de lui. Mais c'est sur un troisième larron que des chercheurs du Global Carbon Project posent aujourd'hui un regard circonspect.

    Le saviez-vous ?

    Le protoxyde d’azote est peut-être plus connu sous le nom de « gaz hilarant ». Disponible en vente libre sous forme de cartouche, il est aujourd’hui de plus en plus prisé des jeunes pour son effet euphorisant. Mais les autorités sanitaires soulignent que sa consommation peut avoir des conséquences graves sur la santé. Des risques de perte de connaissance, de brûlure, d’asphyxie, de chute jusqu’à des anémies et des atteintes de la moelle épinière.

    Le protoxyde d'azoteprotoxyde d'azote (N2O), que l'on appelle aussi « gaz hilarant »,  est en effet un gaz à effet de serre plus puissant que le CO2. Et même plus puissant que le méthane. Or selon l'étude la plus complète réalisée à ce jour sur les émissionsémissions et les puits d'oxyde nitreux dans le monde, les émissions anthropiques ont augmenté de 40 % entre 1980 et 2020. Pire, alors que nous luttons pour réduire globalement nos émissions de gaz à effet de serre, celles de protoxyde d'azote se sont accélérées à un rythme sans précédent en 2020 et 2021. De 30 % au-delà de ce qu'il était au cours de la décennie précédente.

    L’agriculture émet de plus en plus de protoxyde d’azote

    Les chercheurs expliquent que les pratiques agricoles - l'utilisation d'engrais chimiques et de déchets animaux sur les terres cultivées - sont responsables de la plus grande part des émissions anthropiques d’oxyde nitreux. En 2020, elles ont atteint les 8 millions de tonnes. Soit une augmentation de 47 % par rapport aux émissions de 1980. Résultat, en 2022, la concentration de N2O dans notre atmosphèreatmosphère atteignait les 336 parties par milliard (ppb). Cela correspond à une augmentation de 25 % par rapport aux niveaux préindustriels. Et cela dépasse surtout d'assez loin les prévisions retenues par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) pour un réchauffement climatique... supérieur à 3 °C à l'horizon 2100 !

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    Rappelons que le protoxyde d'azote est un gaz à effet de serre près de 300 fois plus puissant que le CO2. En principe, il est naturellement détruit dans la haute atmosphère, par le rayonnement solairerayonnement solaire. Mais nos émissions actuelles sont tellement importantes que la nature n'arrive plus à suivre le rythme. Alors l'oxyde nitreux s'accumule, appauvrissant la couche d’ozone stratosphérique et participant au réchauffement climatique.

    Selon les chercheurs du <em>Global Carbon Project</em>, les sources naturelles d’émissions d’oxyde nitreux provenant du sol, de l’eau douce et de l’eau salée sont restées stables entre 1980 et 2020. © Global Carbon Project
    Selon les chercheurs du Global Carbon Project, les sources naturelles d’émissions d’oxyde nitreux provenant du sol, de l’eau douce et de l’eau salée sont restées stables entre 1980 et 2020. © Global Carbon Project

    Des pratiques pour limiter les émissions d’oxyde nitreux

    Mais, comme sur le front de la lutte contre les émissions de carbone, là non plus, rien n'est perdu. Les scientifiques expliquent que pour limiter les émissions de N2O, il faut éviter que des nitrates s'accumulent dans le sol. Ainsi, en tête des pratiques visant à réduire les émissions d'oxyde nitreux, ils appellent à une utilisation plus efficace des engrais, en fractionnant les apports ou en les ajustant strictement aux besoins des cultures. Et en les appliquant au bon endroit et au bon moment. Maintenir la porositéporosité des sols et éviter les périodes d'excès d'eau semble aussi essentiel à limiter les émissions de N2O.

    Certains pays ont déjà mis en place des politiques visant à réduire leurs émissions de protoxyde d'azote. Avec succès. C'est le cas en Chine - qui reste l'un des principaux émetteurs, tout de même -, notamment, qui a vu ses émissions ralentir depuis le milieu des années 2010. Idem pour l'Europe. Le tout sans porter atteinte à la productivité agricole.


    Ce gaz à effet de serre 300 fois plus réchauffant que le CO2 inquiète les scientifiques

    Pour atteindre les objectifs fixés par l'accord de Paris sur le climat et limiter le réchauffement à 2 °C -- voire 1,5 °C dans le meilleur des cas --, nous devons diminuer nos émissions de dioxyde de carbone (CO2). Mais ce n'est pas tout, nous avertissent aujourd'hui des chercheurs. Nos émissions en hausse de protoxyde d'azote (N2O) mettent plus que jamais notre avenir climatique en péril.

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer paru le 07/10/2020

    L’agriculture est le premier secteur émetteur de protoxyde d’azote (N<sub>2</sub>O) dans le monde. © Bits and Splits, Adobe Stock
    L’agriculture est le premier secteur émetteur de protoxyde d’azote (N2O) dans le monde. © Bits and Splits, Adobe Stock

    Le dioxyde de carbone (CO2), tout le monde connait maintenant. Mais savez-vous que le CO2 n'est pas le seul responsable du réchauffement climatique ? Des gaz à effet de serre, il en existe d'autres. Vous avez entendu parler du méthane (CH4) ? Probablement. Du protoxyde d'azote (N2O). C'est moins sûr. Pourtant, ce dernier présente, selon les chercheurs, un pouvoir réchauffant, tenez-vous bien... 300 fois supérieur à celui du CO2 ! Pour une duréedurée de séjour approximative dans l'atmosphère de 120 ans -- contre environ 100 ans pour le CO2 --, tout de même.

    Alors ne faudrait-il pas s'inquiéter également de nos émissions de N2O ? C'est la question que s'est posée une équipe internationale de chercheurs dirigée de l'université Auburn (États-Unis). Elle publie aujourd'hui l'évaluation la plus complète à ce jour de toutes les sources -- naturelles ou anthropiques -- et puits de protoxyde d’azote dans le monde. Une évaluation qui montre que les émissions augmentent plus rapidement que ce qu'imaginaient même les plus pessimistes des scénarios du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) qui mèneraient à une augmentation de la température moyenne de notre Terre de bien plus de 3 °C.

    Le taux de protoxyde d'azote dans l'atmosphère a augmenté de 20 % par rapport aux niveaux préindustriels. En 1750, il était de 270 parties par milliards (ppb). En 2018, il était de 331 ppb. Et au cours des 50 dernières années, la croissance des émissions a été encore plus rapide. Ces quatre dernières décennies, les émissions d'origine humaine ont augmenté de 30 %. Une nouvelle encore plus mauvaise lorsque l'on sait que le N2O est aussi aujourd'hui le plus important agent d'appauvrissement anthropique de la couche d'ozonecouche d'ozone stratosphérique.

    Le budget mondial de protoxyde d'azote (N<sub>2</sub>O) entre 2007 et 2016 en téragrammes – soit 109 kilogrammes - par an. Les flèches jaunes représentent les émissions de sources anthropiques (agriculture, eaux usées, combustion de la biomasse, combustibles fossiles et industrie et émissions indirectes). Les flèches vertes représentent les émissions à partir de sources naturelles. Les flèches bleues, les puits chimiques atmosphériques. © Tian et al. 2020, <em>Nature</em> ; <em>Global Carbon Project</em> (GCP) et <em>International Nitrogen Initiative</em> (INI)
    Le budget mondial de protoxyde d'azote (N2O) entre 2007 et 2016 en téragrammes – soit 109 kilogrammes - par an. Les flèches jaunes représentent les émissions de sources anthropiques (agriculture, eaux usées, combustion de la biomasse, combustibles fossiles et industrie et émissions indirectes). Les flèches vertes représentent les émissions à partir de sources naturelles. Les flèches bleues, les puits chimiques atmosphériques. © Tian et al. 2020, Nature ; Global Carbon Project (GCP) et International Nitrogen Initiative (INI)

    L’agriculture au banc des accusés

    Principale responsable de ces émissions : l'agricultureagriculture. Et d'abord, l'élevage et les cultures nécessaires pour nourrir les bêtes par l'utilisation d'engrais azotés en excès et la mauvaise gestion des déjections et des résidus de récolte. Ensuite, les rizières qui, immergées puis asséchées de façon intermittente, émettent - comme l'a montré une récente étude -, dans le monde, autant de N2O que 200 centrales à charboncharbon. Au total, le secteur compte pour plus de 85 % des émissions de protoxyde d'azote.

    En Chine, en Inde et aux États-Unis, les émissions sont dominées par celles des engrais synthétiques. En Afrique et en Amérique du Sud, il faut y ajouter celles de l'épandageépandage de fumier de bétail. En Europe, en revanche, les émissions ont diminué. Le résultat de mesures prises notamment pour une utilisation plus efficace des engrais.

    L'analyse des chercheurs de l'université Auburn révèle également une « rétroactionrétroaction » émergente N2O-climat. Le résultat des interactions entre les ajouts d'azote aux cultures pour la production alimentaire et le réchauffement climatique, augmentant encore davantage les émissions provenant de l'agriculture. D'où un besoin urgent de développer des stratégies d'atténuation efficaces. Comme l'usage d'engrais issus de déchets animaux ou végétaux. La diversification des maraîchages. Le recours à la permaculturepermaculture pour les petites surfaces. Ou encore, la diminution de notre consommation de viande.