Après un été 2023 record en termes de chaleur sous-marine, l’eau de la Méditerranée est à nouveau en surchauffe. Quelles sont les conséquences sur la nature, sur la pêche et l’aquaculture ? Un expert nous répond.
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Si les conditions météométéo restent favorables à la hausse des températures, les records de l'année dernière seront peut-être battus. Biodiversité, climat, économie... La chaleurchaleur excessive de l'eau est-elle vraiment un problème ? Nous avons posé la question à Frédéric Gazeau, directeur du LOV, le Laboratoire d’océanographie de Villefranche.
Où l'eau est-elle la plus chaude actuellement en Méditerranée et est-on en train de battre des records ?
L'eau est à 29,7 °C à proximité de la côte monégasque, et chez nous à Villefranche elle est à 29,13 °C. On approche le record de l'année dernière à Villefranche, il sera peut-être atteint, sauf s'il y a un coup de vent qui fait remonter des eaux froides des profondeurs. La température peut chuter de 10 °C en une journée dans ce cas. L'eau est toujours plus chaude dans le bassin oriental, par rapport au bassin occidental. Et nous sommes en vague de chaleur forte depuis le 25 juillet : nous ne sommes pas en vague de chaleur extrême comme c'était le cas pendant quelques jours l'année dernière.
Quelle est la principale conséquence sur la faune de cette chaleur sous-marine ?
Il y a une prolifération d'alguesalgues filamenteuses qui aiment la chaleur. Ce n'est pas nouveau, mais il y en a de plus en plus. Ces algues recouvrent d'autres plantes et les coraux. Elles empêchent les coraux de se nourrir et empêchent les autres algues d'avoir accès à la lumièrelumière. Elles ne peuvent donc pas effectuer leur action de photosynthèsephotosynthèse.
Quel est l'organisme qui souffre le plus de cette chaleur excessive sous l'eau ?
La plupart des organismes sont déjà à la limite thermique. Mais nous avons fait une expérience sur les moules et nous avons mis en évidence le fait que dès 2050, nous serons incapables de poursuivre leur culture. Elles ne tolèrent pas des températures aussi élevées sur une longue période. Il suffit d'une élévation de seulement 1 °C par rapport à la température ambiante pour qu'elles meurent. Nous avons simulé des températures de 2 à 3 °C supplémentaires et elles sont mortes. Ce qui veut dire que dans les 10 à 20 prochaines années, les moules vont mourir dès le mois de juin. À Villefranche par exemple, nous gagnons 0,3 °C dans l'eau par décennie, mais cette augmentation moyenne n'est pas linéaire. Les coraux souffrent aussi, mais si ça ne dure pas trop longtemps, ils sont capables de récupérer.
Est-ce qu'il y a des organismes marins qui apprécient cette chaleur de l'eau et qui en bénéficient ?
La chaleur provoque des changements de communauté, la nature a horreur du vide. La Méditerranée subit une colonisation en provenance de la mer Rougemer Rouge, comme c'est le cas avec les poissonspoissons lapins. On parle beaucoup des médusesméduses mais c'est plus compliqué. Il n'y a pas de relation de cause à effet entre la prolifération des méduses et la température, mais les méduses sont plus résistantes à la chaleur que les poissons.
Beaucoup de touristes se réjouissent de se baigner dans une eau chaude, mais est-ce que cette chaleur a aussi des conséquences négatives en ce qui nous concerne ?
Il y aura de plus en plus de conséquences économiques, car les pêcheurs sont obligés de pêcher de plus en plus profondément. Avec la chaleur, il y a moins d’oxygène en surface donc les poissons se dirigent davantage en profondeur. Les pêcheurs envoient leurs filets encore plus en profondeur. Et il faut se rappeler que l'océan, c'est 50 % de la production mondiale. Cette production diminue aussi car le mélange entre l'eau de surface et l'eau des fonds marins se fait plus difficilement. Il y a de moins en moins d'apport nutritif qui se fait, avec une diminution de la production primaire. Et avec le réchauffement, les océans sont aussi de moins en moins des puits de carbone. Si les océans n'absorbent plus autant le carbonecarbone, le réchauffement va être encore plus fort avec encore plus de conséquences.