Les fortes chaleurs se sont installées sur les Alpes depuis plus d’une semaine et certains jours ont été marqués par des températures caniculaires : pas seulement sur les bords de la Méditerranée et la Corse, mais aussi dans les Alpes.
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À Sallanches, en Haute-Savoie, le record absolu de chaleurchaleur (tous mois confondus) a été battu le 11 juillet dernier avec 40,2 °C relevé à 541 mètres d'altitude, et même 41,1 °C mesuré dans une station météo amateur (non-officielle) un peu plus haut. À plus haute altitude, les températures sont restées incroyablement élevées le même jour : à Chamonix, on a relevé 35 °C à 1 000 mètres, près de 30 °C à 1 500 mètres, et 15 °C à 3 000 mètres. Pour retrouver l'isotherme zéro degré, l'altitude minimale à laquelle la température atteint la valeur de 0 °C, il fallait monter jusqu'à 4 500, voire 5 000 mètres.
La chaleur provoque un pic dans les torrents de montagne
Certaines conséquences ont été immédiates, comme l'explique Gaétan Heymes, ingénieur nivologue pour Météo France, basé à Briançon dans les Hautes-Alpes : « Cela se voit directement sur le niveau des torrentstorrents des glaciers. Lorsque les températures montent aussi haut, la neige fond et les torrents gonflent d'un jour à l'autre, voire même en quelques heures. Quand il y a ces niveaux-là de température, il n'y a pas de regel possible la nuit. C'est la différence avec des températures estivales normales : le manteaumanteau neigeux regèle la nuit, ce qui limite la fontefonte. Le niveau des torrents est un marqueur très visible de la chaleur en altitude ».
Toute cette eau qui vient gonfler les torrents a-t-elle un impact sur nos réserves en eau potable ? Selon l'ingénieur nivologue, « la fonte provoque un pic temporaire dans les cours d'eau, mais la tendance générale reste quand même à la baisse. Les glaciers ont de toute manière de moins en moins de volumevolume, donc il y a moins d'apports en eau. Mais il faut préciser que nos glaciers alpins sont modestes comparés aux grands glaciers du monde, comme l'Himalaya. Donc, ils ne fournissent pas la majeure partie de nos réserves en eau ».
Des risques d'effondrements de glaciers plusieurs mois après
Pour autant, il n'y a pas de risques d'inondations liés à la fonte de la neige à cette époque, contrairement aux orages qui, eux, peuvent faire déborder les cours d'eau. Par contre, le risque majeur de ces fortes chaleurs en montagne se situe davantage au niveau des glaciers, et de manière décalée dans le temps. On se rappelle des images spectaculaires de l'effondrement du glacier italien de la Marmolada le 3 juillet 2022, causant la mort de 11 personnes.
L'événement s'était produit le lendemain d'un record de chaleur et après plusieurs semaines de températures au-dessus des normales de saison. « Ce n'est pas automatique, ce n'est pas parce qu'il y a une vague de chaleur qu'il y aura forcément un effondrementeffondrement. Mais cela augmente la probabilité que cela arrive, avec un décalage de plusieurs semaines à plusieurs mois. Il faut le temps que la chaleur se diffuse dans le sol, le processus n'est pas immédiat car le permafrostpermafrost fond progressivement jusqu'à ce que la rupture se produise », précise Gaétan Heymes.
Le 11 juin dernier, un éboulement massif s'est produit dans la vallée du Fluchthorn, entre la Suisse et l'Autriche. Selon les experts, il est très probable que le phénomène soit lié à la vague de chaleur de l'été 2022, soit un événement survenu près d'un an avant. Et comme le précise l'ingénieur de Météo France, le Briançonnais, en France donc, a aussi connu plusieurs éboulements importants entre septembre et décembre 2020, quelques mois après la vague de chaleur de l'été : « Ce sont des événements soudains qu'on ne peut pas prévoir ».
Le problème des canicules de l'été 2022 et de celle de 2023 est qu'elles arrivent tôt dans la saison. La première vague de chaleur de 2022 avait débuté en mai-juin, et celle de 2023 début juillet : « C'est précoce, le glacier est moins protégé et aura plus de mal à affronter les vagues de chaleur suivantes. En plus, les précipitationsprécipitations ont été insuffisantes l'hiverhiver dernier pour permettre de compenser la perte de glace en été », explique Gaétan Heymes. Les caniculescanicules précoces font justement partie des conséquences les plus concrètes du réchauffement climatique lié aux émissionsémissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre.