Les plus grands climatologues du monde représentent une communauté très homogène et une diversité très limitée, ce qui a pour résultat d'orienter directement leurs études, estime l’organisme environnemental Carbon Brief.
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En 2021, l’agence Reuters a dressé la liste des 1 000 climatologuesclimatologues les plus influents du monde, une liste basée sur le nombre de leurs publications scientifiques, mais aussi sur leur popularité sur les réseaux sociauxréseaux sociaux. Et parmi ces 1 000 climatologues, seulement 122 sont des femmes, et seulement une poignée d'entre eux sont originaires de l'hémisphère Sud ! La quasi-totalité des climatologues influents sont donc des hommes habitant dans l'hémisphère Nord. Les trois quarts des auteurs d'études climatiques proviennent d'Europe et d'Amérique du Nord. Moins d'1 % des auteurs proviennent d'Afrique.
9 climatologues sur 10 travaillent pour les pays riches
Carbon Brief estime que « cela crée un aveuglement concernant les besoins des personnes les plus vulnérables au changement climatiquechangement climatique », autrement dit les habitants des pays du sud et les femmes, surreprésentées dans les victimes des catastrophes climatiques. L'organisme environnemental regrette le fait que la communauté des experts du climat ne soit pas un échantillon représentatif de la communauté internationale : 9 climatologues sur 10 travaillent pour des organisations implantées dans des pays riches (des États européens, en particulier l'Angleterre, les États-Unis ou d'Océanie), 29 % des climatologues sont originaires des États-Unis.
À l'inverse, certains pays, pourtant très affectés par les conséquences du réchauffement climatique, n'ont absolument aucun climatologue. C'est le cas de nombreuses nations d'Asie et d'Afrique. Les raisons d'une telle disparité sont évidentes : l'accès à l'éducation des pays les plus pauvres, le manque de financement de l'État pour la recherche scientifique, le coût des nouvelles technologies, mais aussi de la publication des études dans les journaux scientifiques, ainsi que la barrière de la langue.
Une vision biaisée et un manque de partage de l’information
Carbon Brief estime que cela pose deux problèmes majeurs : tout d'abord, les scientifiques des pays les plus riches ne partagent pas forcément leurs données avec ceux des pays les plus vulnérables qu'ils étudient. Il existe évidemment des études sur le climat des pays africains et asiatiques. Mais lorsqu'elles sont réalisées par de grands instituts américains ou européens, les scientifiques qui se rendent sur place ne partagent bien souvent ni leur savoir ni leurs innovations technologiques, pas plus que les données climatiques ou météométéo recueillies sur place avec les scientifiques du pays en question.
Autre problème soulevé par Carbon Brief, le choix des pays étudiés et l'angle de l'étude, dictés par la vision de chercheurs de sexe masculin habitant dans les régions du nord. Comme le rappelle l'organisme, le cerveau des femmes et des hommes est différent : la faible représentation des femmes dans les études climatiques « nous prive d'une autre catégorie de cerveaux qui pourrait aussi contribuer à la science ».
De même, la « connaissance climatique est biaisée par la vision des pays riches et des régions plus froides » précise la professeure en sciences environnementales, Dr Farhana Sultana, de New York, interrogée par Carbon Brief. La science du climat serait donc élitiste, incomplète et étriquée dans une perspective bien spécifique aux pays de l'hémisphère Nord.
« C'est une erreur de croire que la science est neutre et que nous ne sommes pas influencés par tout ce qui se passe dans notre vie [...]. Le changement climatique est un problème global et notre champ de vision doit être bien plus large, en incluant ceux qui ne parlent pas anglais, les communautés indigènes et tous ceux qui ne sont jamais invités ni consultés, explique la spécialiste de l'environnement. Sans eux, nous ne pouvons pas prétendre connaître toutes les solutions ».