Ici, ce sont des records de chaleur qui tombent. Là, ce sont des trombes d’eau. Et plus loin, des forêts entières qui partent en fumée. Les scientifiques nous avaient avertis de ces conséquences du réchauffement climatique. Mais eux-mêmes sont aujourd’hui surpris de leur ampleur.
au sommaire
Intenses. Extrêmes. Hors normes. Sans précédent. À l'allure où vont les choses, les superlatifs pour qualifier vagues de chaleurchaleur, précipitations ou encore feux de forêt pourraient bien, très vite, nous manquer. Mais que se passe-t-il donc ? Notre planète a-t-elle brusquement perdu la tête ? Ou alors nous envoie-t-elle des signes de détresse ?
Pour trouver la réponse, revenons d'abord quelques mois en arrière. Avant le début de la pandémiepandémie de Covid-19Covid-19. Cela peut nous sembler loin. Mais cela ne fait même pas deux ans. Rappelons-nous, entre décembre 2019 et janvier 2020, l'Australie était dévastée par les flammes. Certains ont alors voulu croire à un événement exceptionnel. Mais depuis, tout semble vouloir aller de mal en pispis. Ces dernières semaines, la situation a même l'airair d'avoir totalement échappé à tout contrôle.
Il y a d'abord eu cette incroyable vague de chaleur qui a déferlé sur l'ouest des États-Unis et du Canada. Selon les experts, « la plus extrême que la Terre a connue depuis longtemps ». Faisant tomber un record de température de près de 5 °C !
Des Amériques à l’Europe…
Sur notre France ce sont plutôt les pluies qui ont fait parler d'elles. Le pays a été ébranlé par de violents orages accompagnés de fortes précipitations. Fin juin, du côté de la Marne, il est tombé presque autant de pluie en un seul jour -- entre 40 et 50 millimètres -- qu'habituellement durant le mois entier -- 60 millimètres. Alors même que durant tout le mois, Ajaccio et Bastia n'ont pas vu plus de 2 et 3 millimètres de pluie, respectivement.
L'Allemagne et la Belgique ont elles aussi connu un épisode pluvieux extrême. Les inondations dévastatrices qui en ont résulté ont fait quelque 200 morts -- selon un bilan provisoire qui évoque aussi toujours de nombreux disparus. « Des inondations qui dépassent l'imagination », a commenté cette semaine à la presse Angela Merkel, la chancelière allemande, en déplacement dans les régions touchées.
En passant par la Chine et la Russie…
Et du côté de la Chine, sur la ville de Zhengzhou, il vient juste de tomber, en 72 heures, 787,9 millimètres de pluie. C'est l'équivalent de ce qui tombe habituellement dans la région en... 15 mois ! Résultat : là aussi, des inondations monstres...
Un peu partout dans le monde, des records de température sont battus.
Des vagues de chaleur interminables sont enregistrées. La Finlande vient ainsi de connaître 31 jours consécutifs à plus de 25 °C, le seuil définissant l'événement sur la région.
En Sibérie, dans l'une des régions pourtant les plus froides du monde, de fortes chaleurs ont une fois encore mis le feufeu aux poudres. Ou plus exactement aux forêts. À Yakutsk, sous l'effet du réchauffement climatiqueréchauffement climatique, les températures en été ont augmenté 2,5 fois plus vite qu'ailleurs sur la planète. Et alors que près de 1,5 million d'hectares sont déjà partis en fumée, les scientifiques ont enregistré cette semaine des niveaux de particules finesparticules fines dans l'atmosphèreatmosphère au-delà de l'entendement. Supérieurs à 1.000 microgrammes par mètre cube. C'est plus de 40 fois le niveau de sécurité recommandé par l'Organisation mondiale de la santéOrganisation mondiale de la santé (OMS). De quoi entraîner la proclamation d'un « airpocalypse » avec « des effets immédiats et lourds » sur la santé de tous les habitants de la région.
Et presque ridiculiser le Bootleg Fire qui continue d'enflammer l'Oregon (États-Unis)...
Le monde entier est touché
Le Botswana, quant à lui, a enregistré ce jeudi 22 juillet une température de -9,7 °C et le Groenland pourrait voir ses températures monter à quelque 20 °C au-dessus des normales dans les prochains jours. Décidément, plus aucun endroit sur cette bonne vieille Terre ne semble sûr.
Mais alors, que se passe-t-il ? Le réchauffement climatique. Ni plus ni moins. C'est la réponse sans équivoque des scientifiques. À laquelle les sceptiques répondent que des inondations, il y a en régulièrement en Chine, l'été. Idem pour les feux de forêt en Australie. Ou même en Sibérie et aux États-Unis. Ou encore pour les vagues de chaleur ici ou là. Certes.
L’œuvre du réchauffement climatique
« Toutefois, affirment les chercheurs, le réchauffement climatique a clairement un effet amplificateur sur tous ces événements météorologiques extrêmes ». En octobre dernier, la commission d'enquête royale chargée de mieux préparer l'Australie à faire face aux catastrophes naturellescatastrophes naturelles mettait en garde : « ce qui était sans précédent est maintenant notre avenir. » « Avec le changement climatique, nous allons devoir revoir notre définition de la normale », confirmait récemment dans la presse Johannes Quaas, météorologuemétéorologue à l'université de Leipzig (Allemagne).
Des études ont ainsi déjà montré que le réchauffement climatique allait rendre les vagues de chaleur plus fréquentes, plus longues et plus intenses. Qu'il allait aussi permettre la multiplication des épisodes de pluies extrêmement abondantes. Tout comme les sécheressessécheresses prononcées. Aggravant les risques d'inondations. Tout comme les risques de feux de forêt.
Des événements météorologiques extrêmes plus nombreux et plus intenses
Pour mieux comprendre, développons un peu seulement l'un de ces exemples. Lorsque l'air se réchauffe, il retient plus d'humidité. 7 % pour une hausse de 1 °C des températures. Et lorsque l'air se réchauffe, l'évaporation devient aussi plus rapide, que ce soit au-dessus de l'eau ou au-dessus des terres. De quoi provoquer des précipitations extrêmes.
Notons également que les chercheurs s'interrogent toujours concernant les mécanismes en jeu sur les mois d'été. Selon le service météorologique national allemand (DWD), « le tableau n'est pas clair ». Ainsi, pour ce qui est spécifiquement des inondations qui ont touché le pays à la mi-juillet, les chercheurs réservent leur conclusion. Dans l'attente d'une étude plus avancée. « Tant que nous continuerons à émettre du CO2, nous continuerons à subir des épisodes pluvieux intenses », assure toutefois Johannes Quaas.
Des chercheurs de l'université de Newcastle (Royaume-Uni) pointent, quant à eux, un différentiel de température qui diminue entre les pôles et les tropiquestropiques en raison du réchauffement climatique. De quoi ralentir le déplacement des tempêtestempêtes et entraîner de fortes précipitations sur une région donnée. Multipliant le risque de crues éclairéclair. Car à la problématique strictement climatique, il faut généralement ajouter d'autres considérations. Un développement urbain qui empêche les précipitations de se dissiper. La destruction de barrières végétales. La disparition de nombreuses zones d'inondation naturelles.
Au-delà de ce que les scientifiques attendaient ?
« Nous nous occupons beaucoup trop peu de la préventionprévention. Que ce soit les infrastructures ou les bâtiments, rien n'est prévu pour résister aux inondations ou aider les populations à survire aux caniculescanicules, confirmait, il y a quelques jours, Jean-Pascal Van Ypersele, climatologueclimatologue au Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), sur un plateau télé. Pourtant, nous ne pouvons pas dire que nous n'avons pas été avertis. Les scientifiques tirent la sonnettesonnette d'alarme depuis tellement longtemps ».
Le saviez-vous ?
À la fin du XIXe siècle, le chimiste suédois Svante August Arrhenius étudiait déjà l’effet que pourrait avoir une augmentation du taux de dioxyde de carbone (CO2) dans notre atmosphère que le climat de notre Terre. Pour un doublement du taux de CO2, il envisageait une hausse des températures d’environ 5 °C. C’est à peine plus que ce qu’estime aujourd'hui le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Arrhenius, en revanche, imaginait que nous n’atteindrions pas ce niveau avant 3.000 ans, alors qu’au rythme actuel de nos émissions le Giec juge que nous l’atteindrons d’ici un siècle seulement.
Ils tirent la sonnette d'alarme, ça ne fait aucun doute. À tel point que nous les soupçonnons parfois de se montrer par trop alarmistes. Pourtant aujourd'hui, quelques-uns envisagent qu'ils pourraient avoir sous-estimé les conséquences du réchauffement climatique. « Je pense que cela mérite une comparaison à tête reposée des projections et des observations, pour dépasser le stade des impressions », nous confie Jean-Pascal Van Ypersele. « C'est déjà pire que ce que j'imaginais », estime de son côté Peter Kalmus, climatologue au JPL (Jet Propulsion LaboratoryJet Propulsion Laboratory) de la NasaNasa à la presse, il y a peu. « Nous avons fait un bon travail lorsqu'il s'est agi de prévoir que nous atteindrions un réchauffement de 1,2 °C » avec le taux de CO2 qu'il y a actuellement dans l'atmosphère, « mais nous n'avons pas vu à quel point les impacts seraient néfastes. »
“Nous avons encore beaucoup à apprendre.”
Un groupe de chercheurs s'est particulièrement intéressé à la vague de chaleur qui s'est abattue fin juin sur les États-Unis et le Canada. Une vague de chaleur dont l'intensité a surpris tout le monde. Et à laquelle les scientifiques avancent deux explications. La première, que même dans un monde que nous réchauffons, il reste une part de malchance. La deuxième, plus inquiétante, que nous aurions franchi un seuil au-delà duquel l'augmentation des températures extrêmes va se produire de manière non linéaire. « Ce qui est certain, c'est qu'une telle vague de chaleur aurait été impossible sans le réchauffement climatique anthropique », assurent les scientifiques. « Nous avons encore beaucoup à apprendre sur les détails de la dégradation du climat et sur la manière dont cela affectera la civilisation », reconnaît Peter Kalmus.
Même s'il est facilement explicable par la difficulté intrinsèque à anticiper des processus climatiques complexes, l'aveu est quelque peu déstabilisant. D'une vague inquiétude pour ce qui se passera dans le futur, nous sommes brutalement passés à une prise de conscience que le monde est en train de s'effondrer autour de nous. En ce moment même.