En combinant des techniques d’observation par satellite et d’écho-sondages, une équipe de scientifiques a mis en évidence la présence d’un vaste paysage de collines et de vallées formées par d’anciennes rivières qui ont été figées dans le temps sous la glace de l’Antarctique pendant des millions d’années. Selon les scientifiques, ce paysage, plus vaste que la Belgique, pourrait être prochainement exposé au grand jour sous l’effet du réchauffement climatique.


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    Le réchauffement climatique actuel compte parmi ses nombreux impacts l’élévation du niveau de la mer, d'une part due à l'expansion thermique de l'eau (plus il fait chaud, plus l'eau prend de la place), et d'autre part, à cause de la fontefonte des glaces, notamment au niveau des glaciers et des calottes glaciairescalottes glaciaires. Pour mieux appréhender ces changements, les scientifiques cherchent à quantifier les contributions potentielles aux variations du niveau de la mer des différentes massesmasses de glace réparties à la surface du globe. L'une des plus imposantes, et également l'une des moins connues, se trouve au pôle Sud, sur le continent Antarctique.

    Un continent recouvert de glace depuis plusieurs millions d’années

    L’Antarctique n'a pas toujours été le désert de glace que l'on connaît aujourd'hui. Il y a environ 160 millions d'années, au cours du morcellement du supercontinent Gondwana, qui regroupait également l'Inde et l'Afrique, le continent Antarctique reste attaché à l'Australie, à des latitudeslatitudes encore assez basses pour permettre un climat tropicalclimat tropical, avec une faunefaune et une flore luxuriantes. L'Antarctique se détache ensuite des autres continents et glisse progressivement vers le pôle Sud, tandis que les températures moyennes à la surface de la Planète baissent.

    Selon les scientifiques, la glace commence alors à apparaître sur le continent il y a environ 34 millions d'années, avec des épisodes successifs de retraits et d'expansion des masses glaciaires. Avec l'isolement du continent au pôle Sud, l'apparition du courant océanique circumpolaire, qui fait le tour de l'Antarctique, fait baisser davantage les températures à sa surface et permet la formation progressive d'une épaisse calotte de glace pérenne. Depuis environ 14 millions d'années, l'Antarctique est ainsi quasiment entièrement recouvert d'une épaisse couverture de glace, de 1 600 mètres d'épaisseur en moyenne.

     La calotte glaciaire de l’Antarctique oriental cacherait, figé, un ancien paysage composé de hautes terres et de rivières. © Artsiom P, Adobe Stock
     La calotte glaciaire de l’Antarctique oriental cacherait, figé, un ancien paysage composé de hautes terres et de rivières. © Artsiom P, Adobe Stock

    Un paysage figé dans le passé

    Pour mieux comprendre l'évolution de l'épaisse couche de glace en Antarctique et ses réponses aux variations climatiques, des glaciologues de l'université de Durham, au Royaume-Uni, se sont intéressés aux traces que laissent les mouvementsmouvements de la glace sur le socle rocheux sur lequel elle repose. Ils se sont intéressés particulièrement à la calotte glaciaire de l'Antarctique oriental, dont la fonte pourrait contribuer à une élévation du niveau de la mer de 52 mètres, selon une récente étude publiée dans la revue Nature.

    En scannant à l'aide d'observations par satellite combinées à des mesures radar pénétrant la glace les bassins sous-glaciaires de Schmidt et d'AuroraAurora, à environ 300 kilomètres de la côte, les glaciologues ont révélé un paysage figé sous la glace, composé de trois grands blocs de hautes terresterres vraisemblablement sculptés par le passage de cours d'eau, séparés par de profondes dépressions. Les chercheurs estiment que ce paysage, très similaire à d'autres formations actuellement à la surface de notre Planète, s'est vraisemblablement formé par l'apparition de faillesfailles lors de la dislocation du Gondwana, qui ont ensuite été érodées par le passage de cours d'eau. Ils présentent leurs résultats dans la revue Nature.

    En haut, location des bassins Schmidt et Aurora (ASB) dans le rectangle pointillé. En bas, variations des conditions climatiques et du volume de glaces au cours des 50 derniers millions d'années. © Jamieson et <em>al.</em>, 2023
    En haut, location des bassins Schmidt et Aurora (ASB) dans le rectangle pointillé. En bas, variations des conditions climatiques et du volume de glaces au cours des 50 derniers millions d'années. © Jamieson et al., 2023

    Les scientifiques avancent que ce paysage s'est formé il y a plus de 14 millions d'années, avant que la région ne soit recouverte de glace. Aux vues de la très bonne conservation de ce réseau de rivières et de vallées, ils estiment que la région s'est rapidement gelée, et que la calotte glaciaire de l'Antarctique oriental n'a pas reculé assez loin au cours des derniers 14 millions d'années pour exposer ce paysage à d'autres forces érosives, même lors de périodes interglaciaires, où le climat terrestre était globalement plus chaud.

    Le paysage de la région étudiée, sculpté par trois grands blocs couverts de crêtes et de vallées, et séparés par deux larges dépressions. © Jamieson et <em>al.</em>, 2023
    Le paysage de la région étudiée, sculpté par trois grands blocs couverts de crêtes et de vallées, et séparés par deux larges dépressions. © Jamieson et al., 2023

    Mais le paysage pourrait bien de nouveau être exposé à la lumièrelumière du SoleilSoleil, si les températures moyennes atteignent celles qui régnaient il y a entre 34 et 14 millions d'années (entre 3 et 7 °C de plus qu'aujourd'hui), quand l'Antarctique n'était que partiellement recouvert de glace. Cette nouvelle a de quoi inquiéter, quelques jours après l'annonce de l'accélération de la fonte de l'Ouest de l'Antarctique...