À l’occasion de la COP27, le débat, pourtant central, de la sortie des énergies fossiles a été subtilement mis de côté. À présent, à quelques semaines de la COP28, le sujet apparaît plus que jamais d’actualité. Une fois de plus, des chercheurs nous alertent. Au niveau de nos émissions actuelles de dioxyde de carbone (CO2), il nous reste moins d’une décennie avant de dépasser le seuil des +1,5 °C de réchauffement.
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Les ministres d'une cinquantaine de nations sont actuellement réunis aux Émirats arabes unis pour préparer la COP28 qui s'ouvrira officiellement le 30 novembre prochain. Une COP28 au cours de laquelle sera discuté le premier Bilan mondial destiné à évaluer les progrès vers la réalisation de l'accord de Paris sur le climat. Des travaux de chercheurs de l'Imperial College London (Royaume-Uni) publiés dans la revue Nature Climate Change devraient les éclairer sur la question.
Un budget carbone de plus en plus serré
Ils ont justement analysé notre budget carbonecarbone, comprenez, la quantité de dioxyde de carbone (CO2) que nous pouvons encore émettre tout en maintenant l'objectif. Pour garder 50 % de chance de rester sous la barre des +1,5 °C de réchauffement climatique, nous ne devons pas émettre plus de 250 milliards de tonnes de CO2. Notre budget carbone était nettement supérieur dans les estimations du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) en 2020 encore. Et le rapport 2021 de l'Organisation des Nations unies sur le climat estimait à une chance sur trois la possibilité pour qu'il soit aussi bas que cela aujourd'hui. De quoi définitivement confirmer que « nous n'en faisons pas assez pour maintenir le réchauffement en dessous de 1,5 °C. »
Et attirer aussi l'attention sur l'importance de ne pas considérer toujours les estimations centrales comme celles qui se produiront. D'autant que les incertitudes restent nombreuses. Mais puisque nos émissionsémissions de gaz à effet de serre ont continué d'augmenter, « la fenêtrefenêtre permettant de maintenir le réchauffement à des niveaux sûrs se ferme désormais rapidement. »
Atteindre au plus vite le zéro émission net
Les chercheurs ouvrent aussi de nouvelles perspectives sur les réponses potentielles de notre système climatique au zéro émission net. Ce moment où un équilibre sera atteint entre nos émissions et les absorptionsabsorptions de CO2. « À ce stade, notre meilleure hypothèse est que le réchauffement et le refroidissement -- grâce à une végétation qui pourrait pousser plus vite avec le changement climatique et donc absorber plus de CO2, entre autres -- opposés s'annuleront approximativement une fois que nous aurons atteint le zéro net. Or chaque fraction de degré de réchauffement rendra la vie plus difficile pour les populations et les écosystèmes. Cette étude est un énième avertissement de la communauté scientifique. Il appartient désormais aux gouvernements d'agir. » C'est le message très clair lancé aux dirigeants qui se retrouveront bientôt pour la COP28.
Si nous continuons comme cela, nous allons dépasser les +1,5 °C de réchauffement en 2028 !
Pour sauver le climat, nous devons réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Tout le monde le sait désormais. Pourtant, nos émissions de dioxyde de carbone (CO2), qui avait profité de la crise sanitairecrise sanitaire pour baisser en 2020, sont bel et bien reparties à la hausse. À cette allure, notre budget carbone pourrait être épuisé dans moins de 10 ans.
Article de Nathalie MayerNathalie Mayer paru le 29/03/2022
Il y a quelques jours, l'Agence internationale de l'énergieénergie (AIE) le rapportait déjà. Nos émissions de dioxyde de carbone (CO2) ont atteint un niveau sans précédent en 2021. Les chercheurs engagés dans le programme Carbon Monitor le confirment aujourd'hui. Après une baisse due à la crise sanitaire en 2020, ils ont enregistré un rebond de 4,8 % des émissions au niveau mondial. Et à ce rythme-là, notre budget carbone pourrait bien être épuisé dans moins de 10 ans !
« Les émissions sont reparties à la hausse dans la plupart des secteurs des grands pays », précisent les chercheurs. C'est toutefois le transport aérien qui a connu le rebond le plus important. Sur les liaisons intérieures, l'augmentation des émissions frôle les 26 % ! Et sur les liaisons internationales, elle dépasse les 18 %. Contre une hausse de « seulement » 5 % du côté de la production d'électricité, 2,6 % pour l'industrie et 8,9 % pour le transport routier -- pourtant historiquement l'émetteur le plus important (513 mégatonnes d'équivalent CO2 sur un total de 34,9 gigatonnes d'équivalent CO2).
Le saviez-vous ?
Le programme Carbon Monitor mesure presque en temps réel les émissions dues à la production d’électricité — dans 29 pays —, à l’industrie — dans 73 pays —, au transport routier — dans 406 villes — aux transports aérien et maritime et aux secteurs commercial et résidentiel — dans 206 pays.
Autre angle de lecture des données rendues publiques par le programme Carbon Monitor : les émissions de CO2 par pays. On apprend ainsi que si la Chine a connu un rebond de près de 6 %, la France dépasse malheureusement les 10 % ! Et seul le Japon semble avoir su maintenir ses émissions à un niveau à peu près constant (-0,32 MtCO2). Dans le « reste du monde » -- hors grands émetteurs de gaz à effet de serre --, les émissions ont augmenté d'à peine plus de 1 %.
Même les objectifs fixés de zéro émission seront insuffisants
Les chercheurs notent que le monde a déjà vécu de telles situations de baisse des émissions puis de rebond. Lors des crises énergétiques de 1974, de 1980-1982 et de 1992 ainsi que lors de la crise financière de 2008. Un peu comme si l'histoire voulait se répéter. Et finalement réduire la confiance que nous pourrions avoir dans les actions d'atténuation du réchauffement climatique.
« Notre budget carbone pourrait être épuisé dans moins de 10 ans », commentent ainsi les chercheurs du programme Carbon Monitor. Rappelons que le « budget carbone » correspond à la quantité maximale d'émissions mondiales de CO2 qui limiteraient le réchauffement à un niveau donné avec une probabilité donnée à partir d'une date spécifiée. Ainsi, à partir de 2020, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) estime notre budget carbone à 400 GtCO2 si nous voulons, avec une vraisemblance de 67 %, limiter le réchauffement à 1,5 °C. Il monte à 1.150 GtCO2 pour un réchauffement maintenu sous la barre des 2 °C. Ainsi nos émissions de 2021 ont, à elles seules, consommé près de 9 % de notre budget carbone pour un réchauffement de 1,5 °C.
Sur la base de ces chiffres, les chercheurs nous alertent. Si nos émissions devaient se poursuivre à ce rythme, sans mise en œuvre de stratégies de réduction immédiates, nous ne serions plus en mesure de limiter le réchauffement à 1,5 °C dès 2031 -- avec une vraisemblance de 67 % -- et à 2 °C dès 2052. Il apparaît même plus probable -- avec une vraisemblance de 83 % -- que le point de non-retour des 1,5 °C soit atteint dès 2028. Et celui des 2,0 °C dès 2045 !
Le plus inquiétant, c'est que les données 2022 du programme Carbon Monitor montrent déjà une nouvelle augmentation des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Et les chercheurs signalent que même si chaque pays respectait ses objectifs de zéro émission nette, les principaux pays émetteurs, à eux seuls, dépasseraient les 400 GtCO2 de notre budget carbone avant 2045 !