Pour nous aider à limiter le réchauffement climatique anthropique résultant de nos émissions de gaz à effet de serre, nous allons avoir besoin de compter sur des puits de carbone. Ces systèmes capables d'absorber une part de nos émissions. Des chercheurs en présentent un, aujourd’hui, auquel nous n’avions pas pensé. Mais il faudra le manier avec prudence.


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    La technosphère. C'est le terme que les scientifiques ont choisi pour désigner la somme de tous les artefacts fabriqués par l'humanité. Et c'est à cette technosphère que des chercheurs de l'université de Groningue (Pays-Bas) se sont intéressés. D'une manière qui pourra sembler pour le moins déroutante. Loin de les envisager comme des objets à éliminer, d'une manière ou d'une autre, ils ont étudié la technosphère comme un potentiel... puits de carbone.

    « Nous avons accumulé plus de carbonecarbone dans les objets fabriqués par l'humanité qu'il n'y en a dans le monde naturel, mais nous l'ignorons complètement, et ces stocks deviennent de plus en plus importants », explique l'économiste écologiste de l'Université de Groningue, Klaus Hubacek.

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    Dans la revue Cell Reports Sustainability, les chercheurs détaillent la manière dont ils sont parvenus à estimer ces stocks de carbone. À partir de données issues de différents secteurs économiques. Ils ont calculé la quantité de carbone entrant et sortant de ces secteurs en utilisant la teneur moyenne en carbone de différents produits. Par exemple, on estime que les plastiques contiennent en moyenne 74 % de carbone fossile. L'analyse tient compte non seulement les produits finis, tels que les plastiquesplastiques durables et le bitumebitume, mais aussi les matièresmatières premières à base de carbone fossile qui sont utilisées comme produits intermédiaires dans différentes industries.

    Des milliards de tonnes de carbone dans la technosphère

    Les chercheurs estiment ainsi qu'en 2011, seule année pour laquelle toutes les données étaient disponibles, 9 % du carbone fossile extrait s'est accumulé au sein de la technosphère dans des produits durables. Émise sous forme de dioxyde de carbone (CO2), cette quantité de carbone équivaudrait pratiquement aux émissions de l’Europe cette même année, soit environ 3,7 gigatonnes de CO2.

    Par extrapolation, les économistes calculent que 8,4 milliards de tonnes de carbone fossile ont été ajoutées à la technosphère entre 1995 et 2019. Essentiellement dans les bâtiments et les infrastructures (pour 34 % environ), mais aussi dans les plastiques et le caoutchouccaoutchouc (pour 30 %) et dans le bitume (pour 24 %) ainsi que dans les machines (pour 16 %).

    Se basant sur la duréedurée de vie moyenne des produits, les chercheurs avancent que 3,7 milliards de tonnes de carbone fossile ont été éliminées au cours de cette période : 1,2 tonne a été mise en décharge, 1,2 tonne a été incinérée, 1,1 tonne a été recyclée et le reste a fini comme déchet. Ainsi la technosphère pourrait-elle bien être considérée comme un puits de carbone jusqu'ici ignoré.

    Oui, la technosphère séquestre du carbone, mais…

    Mais... il y a un « mais ». « D'un côté, on peut considérer qu'il s'agit d'une forme de séquestration du carbone si ce carbone fossile finit séquestré dans une décharge. D'un autre côté, il représente un danger pour l’environnement et si on le brûle, on augmente les émissionsémissions de carbone », précise le coauteur Franco Ruzzenenti, lui aussi économiste écologique.

    Les chercheurs envisagent donc deux façons de réduire la quantité de carbone fossile entrant dans les flux de déchets : l'augmentation aussi bien de la durée de vie des produits que du recyclagerecyclage. Ils soulignent également l'importance de mettre en place des politiques visant à minimiser le rejet de déchets des décharges.

    Déjà, l'équipe prévoit de mener une analyse similaire sur le carbone biogénique, c'est-à-dire celui qui dérive de matières végétales. « Nous envisageons d'étudier le potentiel à long terme de la séquestration du carbone biogénique dans les biens durables, explique le premier auteur de l'étude, Kaan Hidiroglu. Cela nous permettra d'évaluer si la diversification des stratégies de séquestration du carbone, comme le recours au carbone biogénique dans les biens durables tels que les matériaux en boisbois pour la constructionconstruction, pourrait être une option viable. »