La France vient de vivre une année chaotique au niveau météorologique : d’octobre 2023 à octobre 2024, c’est un véritable déluge qui s’est abattu sur le pays. Comment expliquer une situation aussi extrême et faut-il s’attendre à des intempéries du même ordre ces prochaines années ? Nous avons interrogé Davide Faranda, climatologue spécialisé dans les phénomènes météo extrêmes.
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Davide Faranda a choisi de consacrer sa carrière à l'étude des phénomènes météométéo extrêmes. Ce climatologueclimatologue et physicienphysicien de l'atmosphère travaille pour le CNRS et l’ISPL, mais il est aussi à l'origine de la création de Climameter, un organisme dont le but est d'étudier le lien entre les catastrophes météo du monde entier et le réchauffement climatique.
Comment expliquer la multiplication des intempéries en France depuis un an, avec des épisodes pluvieux extrêmes chaque semaine et, surtout, après des années précédemment marquées par la sécheresse ? Le réchauffement climatique a-t-il été « écrasé » par le poids de la variabilité naturelle ?
Davide Faranda : Le réchauffement climatique d'origine humaine est la première cause de ces extrêmes, c'est ce qui explique les années très sèches, mais aussi les années très pluvieuses. En ce qui concerne les années sèches, il y a une « extrêmisation » des anticyclones : l'anticyclone devient plus intense et plus étendu, c'est l'effet montgolfière qui fait gonfler la structure anticyclonique et qui a un effet sur températures. La sécheresse est ensuite aggravée par l'évapotranspiration, la chaleurchaleur assèche les sols assez vite. Pour cette dernière année, la situation atmosphérique est opposée, elle a basculé dans un état de série de perturbations atlantiques, mais cela a un lien avec la chaleur des années précédentes !
Ces deux dernières années sont aussi associées à des températures records de l'océan Atlantique et du bassin méditerranéen. Chaque tempête est dopée en termes de précipitationsprécipitations à cause de l'évaporation des eaux liée à la chaleur. On voit que le réchauffement climatique « extrêmise » la variabilité naturelle du climatclimat. Il y a toujours eu des années plus sèches et des années plus humides, mais on se retrouve avec des extrêmes qui se suivent, qui sont les deux faces différentes du même problème.
Est-ce que les climatologues n’ont pas l’impression de s’être trompés après cette année pluvieuse ? Est-ce une critique que l’on vous fait et comment y répondez-vous ?
Davide Faranda : Non, on ne s'est pas trompé. Dans le rapport du GiecGiec, c'est bien marqué que l'on se dirige vers une variabilité du climat encore plus extrême, avec de forts contrastescontrastes. Il n'y a aucune contradiction : toutes les conditions atmosphériques sont extrêmisées et on doit s'attendre à davantage de contrastes de ce type.
Cette année pluvieuse a surpris tout le monde, mais est-il envisageable que cela dure encore des années dans ce contexte de changement climatique ?
Davide Faranda : Oui, on ne peut pas exclure qu'on se retrouve avec plusieurs années de suite de pluies extrêmes dans le futur. Le fait d'avoir des années sèches et pluvieuses est régi par la variabilité naturelle du climat. El NinoEl Nino nous concerne moins que d'autres pays, mais ce qui nous concerne plus, c'est l'oscillation atlantique multidécennale et l'oscillation décennale du Pacifique. Ces oscillations influencent le jet stream et cela peut nous amener des tempêtes ou des situations anticycloniques en série. Si ces phases d'oscillation en cours persistent, on peut se retrouver avec plusieurs années de suite très humides. Il faut donc penser à se demander comment on va pouvoir s'adapter à une série possible d'années très pluvieuses.
Ce changement de temps depuis un an a-t-il un rapport avec l’effondrement du courant océanique Amoc, dont le gulf stream fait partie ?
Davide Faranda : Il y a des changements sur ce courant, mais ce qu'on a en ce moment en termes de météo n'a pas l'airair de correspondre aux conséquences de l'effondrementeffondrement de cette circulation océanique. Ce qui est prévu avec l'arrêt de la circulation de l’Amoc, c'est une météo très froide l'hiverhiver en France avec des tempêtes qui viennent du pôle Nord, des températures qui peuvent chuter et des records de neige. Ce n'est pas du tout ce qu'on a observé en 2023 et en 2024, avec une circulation zonale, c'est-à-dire des tempêtes plutôt « chaudes » qui viennent de l'Atlantique.
Selon vous, à quel phénomène faut-il le plus se préparer en France ces prochaines années : les pluies extrêmes, la chaleur ou autre chose ?
Davide Faranda : Au niveau européen, je pense que ce sont les sécheresses, car une sécheresse peut déclencher d'autres évènements en cascade. Cela peut favoriser des incendies, un stressstress de l'agricultureagriculture, la mortalité des forêts et de la biodiversitébiodiversité. Cela affecte aussi la production énergétique et l'économie avec des prix qui augmentent. Beaucoup d'eau, c'est un problème, mais sans eau, il n'y a pas de vie, et on risque alors un effondrement systémique.