La COP qui se déroule actuellement en Azerbaïdjan jusqu’au 22 novembre est la 29e et pourtant, cet événement qui réunit plusieurs dizaines de milliers de personnes n’a toujours pas permis de freiner l’accélération du réchauffement climatique. En 2024, peut-on encore croire à l’intérêt des COP ? Nous avons interrogé le plus éminent climatologue français, Jean Jouzel, ancien membre du Giec et actuel président de l’association Météo et Climat.


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    Cette année, Jean JouzelJean Jouzel a décidé de ne pas se rendre à la 29e Conférence des parties (COP28) pour des raisons personnelles. Il précise que de toute manière, « l'équipe française a été très réduite en raison des tensions entre la France et l'Azerbaïdjan », avant d'ajouter que « cette COP ne part pas sur de bonnes bases au niveau diplomatique ».

    Vous avez été l’un des premiers scientifiques du monde à évoquer le problème du réchauffement climatique dans les années 1980. Est-ce que vous croyez toujours à l’intérêt de la COP après toutes ces années, avec le réchauffement qui continue à s’aggraver ?

    Jean Jouzel : Oui, il y a 30 ans quand on parlait de réchauffement climatique, on évoquait le scénario d'une hausse des températures de 5 °C par rapport à la période préindustrielle ; maintenant, on parle d'un scénario à 3 °C. C'est toujours beaucoup trop pour s'adapter, mais ce n'est pas 5 °C non plus. Donc, on ne peut pas dire que rien n'a été fait ; c'est clairement grâce au Giec et aux COP, sinon on serait toujours sur ce scénario à +5 °C. Ce sont vraiment les COP qui sont à l'origine de la mise en avant du problème du climat au niveau mondial.

     

     

    Les COP du passé ont-elles vraiment été suivies d’actions concrètes ? Si oui, pouvez-vous en citer une qui vous paraît importante, afin de convaincre ceux qui pensent que « ça ne sert à rien » ?

    Jean Jouzel : Le développement des énergies renouvelables est directement lié aux COP. Grâce aux décisions qui ont été prises, des solutions ont été mises en place plus rapidement. Les COP ont accéléré la transition, en particulier pour certains pays très pollueurs, comme la Chine.

    L’une des grandes décisions prises lors d’une COP, c’est l’Accord de Paris en 2015 : son but était de limiter le réchauffement climatique à + 1,5 °C, or nous sommes en train de dépasser ce seuil en 2024. Faut-il abandonner cet objectif ou bien décider d’un nouvel seuil à +2 °C ?

    Jean Jouzel : Non ! Les seuils sont établis sur la capacité d'adaptation des populations. Les objectifs sont fixés à partir du constat sur l'adaptation possible ou non à un certain seuil. On ne va pas changer les objectifs parce qu'on ne va pas les atteindre, surtout pas ! Les objectifs ne sont pas définis à partir de ce qu'on peut faire.

    Que répondez-vous à ceux qui disent que c’est contreproductif d’envoyer 40 000 personnes dans un pays pour une COP, avec le coût que cela entraîne, au niveau financier, mais aussi au niveau des émissions de gaz à effet de serre ?

    Jean Jouzel : La COP est l'un des seuls endroits où tous les pays de la Planète se retrouvent, et surtout les pays pauvres. Ce serait égoïste de notre part d'arrêter de faire des COP, égoïste envers les pays pauvres. C'est aussi le lieu de rendez-vous de tous ceux qui s'intéressent au climat, cela mêle des personnes très différentes : du secteur des transports, de la finance, de l'urbanisme...

    Que pensez-vous des choix des pays qui ont accueilli les COP ces dernières années ? Des pays très pollueurs qui vivent des énergies fossiles comme les Émirats arabes unis l’année dernière, et l’Azerbaïdjan cette année ?

    Jean Jouzel : On peut regretter que ce soit dans ce type de pays depuis trois années. C'est sous la pressionpression de la Russie que le choix a été fait pour Azerbaïdjan. La Russie ne voulait pas de pays allié à l'Europe, les diplomates se sont donc mis d'accord pour l'Azerbaïdjan. L'an prochain, la COP aura encore lieu dans un pays producteur de pétrole. Cela fait beaucoup, mais on ne peut pas discuter du pétrolepétrole sans échanger avec les pays producteurs. Si on se replie uniquement sur les pays vertueux, ce serait un entre-soi.

    Si vous aviez tous les pouvoirs lors de cette COP, quelle est LA grande mesure que vous prendriez, s’il n’y en avait qu’une, en priorité devant les autres ?

    Jean Jouzel : Je rejoins les deux objectifs importants de cette COP : tout d'abord, la priorité, c'est la solidarité nord-sud. Il faut rediscuter de l'aide apportée aux pays pauvres, c'est le plus important. Il faut bien plus, un nouveau chiffre doit être mis sur la table. Le succès ou l'échec de COP28 sera déterminé par rapport à ce nouvel objectif d'aide aux pays du sud. Sans cette solidarité, nous n'arriverons pas à lutter de manière efficace contre le réchauffement. Si l'Afrique se développe avec les combustiblescombustibles fossiles, on va dans le murmur ! Le second objectif est d'arriver à diminuer les émissions de gaz à effet de serre bien plus rapidement. Nous avons 45 % d'émissionsémissions en trop par rapport à 2030.