L’année 2020 a fini sur le podium des années les plus chaudes jamais enregistrées. Malgré l’influence d’un phénomène La Nina et de son effet naturellement rafraîchissant. Aujourd’hui, l’Organisation météorologique mondiale nous annonce que nous avons 40 % de chances pour que le monde dépasse le fameux 1,5 °C de réchauffement pour au moins une des cinq années à venir.
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Limiter le réchauffement climatique anthropique à 1,5 °C au-dessus des moyennes préindustrielles. C'est l'objectif de l'Accord de Paris sur le climat, adopté en 2015 et ratifié depuis par quasiment tous les États du monde. Mais, aujourd'hui, les experts de l'Organisation météorologique mondiale (OMM) nous préviennent. Il y a 40 % de chances pour que la température moyenne mondiale atteigne déjà ce seuil pour au moins une des cinq années à venir.
Le saviez-vous ?
Dépasser les 1,5 °C de réchauffement, même sur une année, est une mauvaise nouvelle. D’autant que le pourcentage de risques pour que cela se produise semble vouloir augmenter avec le temps. Il a d’ailleurs déjà pratiquement doublé depuis l’année dernière. Mais cela ne signifie pas pour autant que les limites fixées par l’Accord de Paris vont être franchies avant 2025. Il faudrait pour cela que nous dépassions 1,5 °C de réchauffement moyen sur plusieurs années.
En avril, le rapport annuel sur l’état du climat publié par l'OMM avait déjà conclu à une augmentation des températures de 1,2 °C en 2020. Son Global Annual to Decadal Climate Update for 2021-2025 confirme cette tendance. Au cours des cinq prochaines années, la hausse des températures devrait se situer entre 0,9 et 1,8 °C. Et les chances pour que l'une des cinq années à venir devienne la plus chaude jamais enregistrée sont de 90 %. Il reste cependant peu probable -- les experts estiment cette probabilité à 10 % seulement -- que la température moyenne mondiale atteigne le 1,5 °C fixé par l'Accord de Paris sur l'ensemble de la période.
« Ce ne sont pas que des statistiques, souligne le Secrétaire général de l'OMM, le professeur Petteri Taalas, dans un communiqué. L'augmentation des températures signifie plus de fontefonte des glaces, des niveaux de la mer plus élevés, plus de vagues de chaleur et la survenue d'autres événements météorologiques extrêmes avec des impacts plus importants sur la sécurité alimentaire, la santé, l'environnement et le développement durable. »
Limiter le réchauffement et s’y adapter
Les travaux publiés par l'OMM -- s'appuyant sur les meilleurs experts mondiaux en la matièrematière -- montrent que nous nous approchons désormais inexorablement de l'objectif inférieur de l'Accord de Paris sur le changement climatique. « C'est encore un autre signal d'alarme. Un autre signe que le monde a besoin d'accélérer les engagements pour réduire les émissionsémissions de gaz à effet de serre et atteindre la neutralité carboneneutralité carbone », insiste Petteri Taalas.
Aujourd'hui, les engagements nationaux pris dans le cadre de l'Accord de Paris semblent bien en deçà de ce qui est nécessaire pour limiter le réchauffement à 1,5 °C. La COP26 qui doit se tenir au mois de novembre prochain apparaît désormais comme une chance « décisive » d'empêcher le réchauffement climatique de devenir incontrôlable. Le thème sera d'ailleurs au centre des négociations du G-7 qui se réunira au Royaume-Uni entre le 11 et le 13 juin 2021.
Mais le réchauffement climatique anthropique est en marche. « Notre rapport souligne aussi la nécessité de l'adaptation au changement climatique. Seulement la moitié des 193 membres de l'OMM disposent de services d'alerte rapide de pointe. Les pays devraient continuer à développer les services qui seront nécessaires pour soutenir l'adaptation dans les secteurs sensibles au climat -- tels que la santé, l'eau, l'agriculture et les énergies renouvelables -- et promouvoir des systèmes d'alerte précoce qui réduisent les effets néfastes des événements extrêmes. Outre les limitations des services d'alerte précoce, nous avons de graves lacunes dans les observations météorologiques, en particulier en Afrique et dans les États insulaires. Avec un impact négatif majeur sur la précision des alertes précoces dans ces zones et dans le monde », conclut Petteri Taalas.
Les chances de limiter le réchauffement à 1,5 °C s’amenuisent
Depuis l'entrée dans l'ère industrielle, notre TerreTerre s'est déjà réchauffée de 1,1 °C. L'objectif des 1,5 °C maximum est-il encore atteignable ? La fenêtrefenêtre se referme rapidement, constatent les chercheurs. Pour éviter le pire, ce sont désormais tous les leviers identifiés par les experts qu'il faudra actionner fortement.
Article de Nathalie MayerNathalie Mayer paru le 18/05/2021
L'ambition de l'Accord de Paris est de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C. À 2 °C au maximum. Parce que, les climatologuesclimatologues l'affirment, au-delà, nous sortirons du système de climat que nous connaissons. Et nous pourrions être en proie à ce qu'ils appellent un « emballement climatique ».
« Si tous les leviers d'atténuation sont actionnés, il est encore possible de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C. Cependant, tous les scénarios que nous jugeons réalistes comptent au moins sur plusieurs leviers actionnés à des niveaux difficiles. Il n'y aura pas de solution miracle », prévient aujourd'hui Lila Warszawski, chercheur, dans un communiqué du Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK, Allemagne).
Avec son équipe, elle a analysé les plus de 400 scénarios présentés dans le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). Conclusion : seule une cinquantaine de ces scénarios permettront de rester sous la barre des 1,5 °C de réchauffement. Et parmi eux, une vingtaine seulement émettent des hypothèses réalistes concernant, par exemple, l'ampleur de l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre nécessaire ou la quantité d'arbresarbres à planter pour absorber nos émissions de carbone.
Actionner fortement tous les leviers
Le secteur de l'énergie -- la décarbonation de la production et de la consommation, mais aussi la réduction de la demande -- reste une clé de l'objectif. Mais d'autres stratégies devront impérativement être mises en œuvre si nous espérons maintenir le réchauffement en dessous de 1,5 °C par rapport aux températures préindustrielles. Le stockage souterrain du dioxyde de carbone (CO2) par exemple. Le reboisement ou encore la réduction des émissions de méthane (CH4) par le bétail ou par des fuites lors de l'extraction de pétrolepétrole ou de gazgaz.
“Nous avons eu la révolution industrielle. Maintenant, nous avons besoin d’une révolution durable ”
« Nous avons eu la révolution industrielle. Maintenant, nous avons besoin d'une révolution durable, soutient Tim Lenton, chercheur à l'université d'Exeter et impliqué dans ces travaux. Des actions au coup par coup et des engagements rhétoriques ne suffiront pas. »
Nebojsa Nakicenovic, un autre auteur de l'étude rappelle : « L'humanité est confrontée à un triple défi pour stabiliser le réchauffement climatique. Le premier est de réduire de moitié les émissions mondiales chaque décennie, ce qui nécessite un effort herculéen et une révolution de décarbonation en éliminant progressivement l'énergie fossile, en faisant un bond en avant en termes d'efficacité et de suffisance, et en adoptant des comportements et des régimes respectueux du climat. Le deuxième défi est de poursuivre l'élimination du carbone par la nature avec le reboisement et le changement d'affectation des terres. Le troisième défi est d'assurer un fonctionnement sûr des systèmes terrestres qui éliminent déjà la moitié des émissions mondiales de l'atmosphèreatmosphère. »
Nul doute, donc, que les réductions d'émissions nécessaires seront difficiles à réaliser. Aussi bien techniquement que politiquement. Elles appellent à des changements dans nos modes de vie et à une coopération internationale inédite. « Pourtant, je pense que limiter le réchauffement à 1,5 °C vaut tous les efforts. Cela limiterait le risque de donner une impulsion supplémentaire à certains éléments basculants du système terrestre, les calottes glaciairescalottes glaciaires ou des écosystèmesécosystèmes comme la forêt amazonienne. Aussi technique que cela puisse paraître, il s'agit vraiment d'assurer un avenir climatique sûr pour tous », conclut Johan Rockström, chercheur au PIK.