Limiter le réchauffement à 1,5 °C est peine perdue. C'est le triste constat d'une étude réalisée par une équipe de l'université de Hambourg, spécialisée dans l'étude des dynamiques sociales et climatiques liées à l'environnement. Leur autre conclusion porte sur les changements sociaux, essentiels pour atténuer au mieux le réchauffement climatique.
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Selon un rapport d'experts de l'université de Hambourg, respecter l'Accord de Paris sur le climat établi en 2015, visant à limiter le réchauffement climatique mondial à +1,5 °C, est peine perdue. Actuellement, nous sommes déjà à +1,1 °C de plus dans le monde depuis la fin du XIXe siècle. En France, c'est +1,7 °C. Les conséquences environnementales s'accumulent, à coup de canicules, vagues de froid, inondations dévastatrices ou phénomènes météorologiques extrêmes.
Pour le moment, peu de moyens sont placés en vue de cet objectif. Car pour l'atteindre, des changements profonds sont nécessaires, et une équipe d'experts de l'université de Hambourg les a analysés. Dénommée Cliccs pour Climate, Climatic change and society, elle comprend 60 experts de divers horizons scientifiques, économiques et sociaux. L'équipe a déjà publié un rapport en 2021, se penchant sur la décarbonation de notre économie, et les moyens à mettre en œuvre, ou au contraire à éviter. Il était, sans être qualifiable d'optimiste, encourageant, et estimait plausible la limitation à +1,7 °C de réchauffement.
Cette fois, la conclusion est bien plus alarmante : il nous sera impossible de parvenir à l'Accord de Paris, et presque impossible de rester sous les +2 °C de réchauffement. « En fait, en ce qui concerne la protection du climat, certaines choses ont maintenant été mises en mouvementmouvement. Mais si vous regardez en détail le développement des processus sociaux, maintenir le réchauffement climatique en dessous de +1,5 °C n'est toujours pas plausible », déclare dans un communiqué la professeure Anita Engels, conférencière du Cliccs.
L'environnement politique, social et économique doit être pris en compte
Pour arriver à cette conclusion, l'équipe s'est penchée sur 10 moteurs importants du changement social : la gouvernance climatique des Nations unies, les initiatives transnationales, la réglementation liée au climat, les manifestations et mouvements sociaux liés au climat, les litiges climatiques, le désinvestissement des combustibles fossiles, la production de connaissances, les médias, la réponse des entreprises et nos modes de consommation. Les sept premiers encouragent une décarbonation, mais insuffisante d'ici 2050. Le suivant, les médias, est considéré comme ambivalent, servant à la fois la cause climatique et son inverse. Les deux derniers freinent la décarbonation : notre consommation, et les réponses des entreprises.
Les chercheurs se sont aussi penchés sur ce qu'on appelle « des points de basculement », des seuils qui une fois franchis ont des conséquences désastreuses et irréversibles sur le climat. Ils citent notamment « le dégel du pergélisolpergélisol, l'instabilité Amoc (circulation méridienne de retournement atlantique) et le dépérissement de la forêt amazonienne », qui peuvent affecter la température mondiale. À l'inverse, la montée des eaux causée par la fontefonte des glaces, si elle a des conséquences environnementales, ne modifiera pas directement la température, selon les chercheurs. « Le fait est que ces points de basculement redoutés pourraient changer radicalement les conditions de la vie sur TerreTerre - mais ils sont hors de propos pour atteindre les objectifs de température de l'Accord de Paris », explique le professeur Jochem Marotzke, co-intervenant du Cliccs de l'Institut Max-PlanckPlanck de météorologiemétéorologie.
Reste encore à prendre en compte l'actualité qui influence l'évolution de chaque facteur : le rapport cite principalement la pandémiepandémie de Covid-19Covid-19 et la guerre en Ukraine, qui nécessite une sortie de la dépendance au gazgaz russe. Selon eux, la reconstruction économique accentue la dépendance aux énergies fossiles, et intensifie alors les émissionsémissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre. C'est enfin en considérant tous les facteurs environnementaux que l'équipe a modélisé la montée en température possible d'ici la fin du siècle.
Les objectifs de l'Accord de Paris ne seront pas atteints
« Nous concluons qu'atteindre une décarbonation profonde mondiale d'ici 2050 n'est actuellement pas plausible, compte tenu des trajectoires observables des moteurs sociaux ». Car selon le rapport, ce sont les changements sociaux qui vont mener la lutte contre le réchauffement climatique. Et pour le moment, « la décarbonation profonde requise progresse tout simplement trop lentement », déplore Anita Engels. L'étude encourage ainsi à maintenir ce qui est fait, et surtout à se préparer à une adaptation rapide face à la montée en température. Enfin, les chercheurs insistent sur le fait que « l'action humaine est fortement façonnée par les injustices et les inégalités sociales, qui inhibent la dynamique sociale vers une décarbonation profonde d'ici 2050 ».