L’Amoc. C’est ce courant océanique qui fait remonter la chaleur jusqu’à l'Europe. Mais pour combien de temps encore ? Des scientifiques apportent quelques précisions. Et elles ne sont pas rassurantes.


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    Dans la ville de Tromsø, en Norvège, les températures de janvier peuvent monter jusqu'à -1 °C. La ville de Cambridge Bay, au Canada, pourtant à la même latitude, elle, ne se sort généralement pas des -30 °C. Les scientifiques expliquent le phénomène par l'influence d'un courant océanique majeur qu'ils nomment l'Amoc - pour « Atlantic meridional overturning circulation », comprenez « Circulation méridienne de retournement atlantique ». Au fil des études, ils ont déterminé qu'il transporte d'énormes quantités d'eau chaude du golfe du Mexique jusqu'à la Norvège. Dans le nord de l'Atlantique, l'eau se refroidit, s'enfonce à près de trois kilomètres et change de direction pour rejoindre l'est du Groenland et retourner au sud de l'Atlantique. Mais le réchauffement climatique anthropique pourrait déstabiliser le système.

    Le saviez-vous ?

    C’est notamment la fonte des glaces de l’Arctique et l’augmentation des précipitations qui, en apportant de l’eau douce supplémentaire aux courants, pourrait perturber la stabilité de l'Amoc.

    Les scientifiques l'ont entrevu il y a une trentaine d'années, déjà. L'Amoc pourrait s'arrêter d'ici 2200. Les observations réalisées depuis une vingtaine d'années, quant à elles, semblent le confirmer. Dans certaines régions, l'Amoc a commencé à ralentir. Le flux aurait diminué de 15 % depuis le milieu du XXe siècle. Et grâce à un modèle plus détaillé que jamais, des chercheurs de l'Alfred WegenerAlfred Wegener Institute au Helmholtz Center for Polar and Marine Research (Allemagne) apportent aujourd'hui des précisions importantes sur ce qui attend l'Amoc dans le contexte de réchauffement climatique anthropique.

    Un modèle haute résolution pour comprendre l’Amoc

    Dans The Physical Review Letters, les auteurs expliquent comment ils ont exploité un modèle climatique dit de haute résolutionrésolution. Comprenez qu'alors que les modèles classiques divisent la Terre en cellules de 100 kilomètres sur 100 kilomètres environ, celui-ci quadrille la planète de cellules de 17 kilomètres de côté seulement. De quoi faire apparaître, notamment, les effets des tourbillons et des gyresgyres dans l'océan.

    Comme le prévoient aussi les modèles basse résolution, le modèle des chercheurs de l'Alfred Wegener Institute annonce - dans un scénario RCPRCP 8.5 de fortes émissionsémissions de gaz à effet de serre jusqu'en 2100 - un ralentissement général de l'Amoc. D'environ 8 millions de mètres cubes d'eau par seconde - sur un débitdébit total estimé entre 15 et 20 millions de mètres cubes d'eau par seconde - d'ici la fin du siècle par rapport au début. Mais de manière inattendue, le modèle haute résolution révèle une accélération de l'Amoc dans certaines régions. Dans l'Atlantique subarctique, notamment.

    L’Amoc et ses points de basculement

    Les chercheurs rapportent aussi que leur modèle à haute résolution a fait apparaître des points de basculement qui leur étaient inconnus. Rappelez-vous, ces seuils au-delà desquels un petit changement provoque le passage soudain d'un système d'un état à un autre. L'Amoc est connu pour être l'un de ces systèmes à point de basculement. On parle aussi parfois de point de non-retour. Et les scientifiques soupçonnent qu'il soit en train de s'en approcher dangereusement. La plupart des modèles l'annoncent pour avant 2095 !

    Or, ces nouveaux travaux révèlent que certaines parties de l'Amoc présentent des points de basculement indépendamment de ce qui peut se passer pour l'Amoc en général. C'est important parce que des changements de dynamique même régionaux peuvent avoir des conséquences pour les écosystèmesécosystèmes marins et pour notre climatclimat. Les scientifiques savent qu'ils en ont déjà eu par le passé. Provocant, par exemple, sur le Groenland, un réchauffement de plus de 15 °C en seulement 50 ans. Le tout au cœur de la dernière période glaciaire. En plein réchauffement global, l'Europe, elle, pourrait se voir infliger une gifle froide. Avec des températures qui baisseraient de 5 à 15 °C. Et des conséquences catastrophiques sur l'agricultureagriculture et les populations.