Les ours polaires pourraient disparaître de la surface de notre Planète d’ici la fin de ce siècle. La « dernière zone de glace » de l’Arctique, qui constitue leur seul refuge au cœur de l’été, est en effet gravement menacée. Mais il est encore possible d’inverser la tendance, assurent les scientifiques.


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    Celle que les scientifiques appellent la « dernière zone de glace », c'est cette région de quelques centaines de milliers de kilomètres carrés sur laquelle se trouve la glace de mer la plus épaisse, a priori la plus résistante et certainement la plus ancienne de l'Arctique. Avec le réchauffement climatique anthropique, les chercheurs ont noté que l'étendue de la banquise a tendance à se réduire. En été, la superficie est désormais deux fois moins importante qu'au début des années 1980.

    Aujourd'hui, les chercheurs se posent la question de ce qui pourrait arriver à la « dernière zone de glace ». Notamment parce qu'elle constitue un refuge pour certains animaux de la région. Les morses et les ours polaires, par exemple. « Si la glace disparaît, des écosystèmes entiers qui en dépendent s'effondreront et quelque chose de nouveau commencera », souligne Robert NewtonNewton, chercheur à la ColumbiaColumbia Climate School (États-Unis), dans un communiqué.

    Le saviez-vous ?

    Le long des bords et des fonds de glace pluriannuelle, les diatomées photosynthétiques prospèrent. Ils nourrissent de minuscules animaux vivants aux alentours. Eux-mêmes nourrissent les poissons, les phoques et les ours polaires. La topographie épaisse et irrégulière de la région offre, quant à elle, de nombreuses cachettes pour les phoques et des grottes pour les ours polaires. De quoi leur permettre d’hiverner et d’élever leurs petits. La glace les protège aussi des humains qui peuvent à peine naviguer dans la région, même à l’aide de brise-glace.

    Les résultats publiés par son équipe ne sont pas très encourageants. Après avoir étudié un million de kilomètres carrés de la « dernière zone de glace », du côté du nord du Groenland et des côtes de l'archipelarchipel canadien, les scientifiques concluent que, quel que soit le scénario de réchauffement désormais envisagé, la couverture estivale de la région va s'amincir considérablement d'ici 2050. En mai 2020, une faillefaille de 3.000 kilomètres carrés a déjà été observée dans la région. Au nord de l'île d'Ellesmere. Une première. Et dans un scénario dans lequel nous ne parvenons pas à infléchir nos émissionsémissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre, les chercheurs annoncent même que la « dernière zone de glace » disparaîtrait d'ici 2100. Emportant avec elle, phoques et ours polairesours polaires.

    Ici entouré de rouge, la « dernière zone de glace » de l’Arctique. En mauve, la zone protégée par le Canada. Et délimitées de noir, les zones économiques exclusives des nations arctiques. © Newton et al., Columbia Climate School
    Ici entouré de rouge, la « dernière zone de glace » de l’Arctique. En mauve, la zone protégée par le Canada. Et délimitées de noir, les zones économiques exclusives des nations arctiques. © Newton et al., Columbia Climate School

    Encore une chance de changer les choses

    Pour bien comprendre, il faut se rappeler que chaque hiverhiver, une partie de l'océan Arctique gèle. Il se forme alors une couche de glace qui peut atteindre un mètre d'épaisseur. Cela continuera probablement. Ce qui change avec le réchauffement climatique anthropique, c'est que cette glace fond de plus en plus en été. Or, si une fontefonte modérée aide à transporter de la glace de mer sur de longues distances vers les côtes les plus au nord de l'Arctique où elle peut alors s'accumuler -- et former la fameuse « dernière zone de glace » --, une fonte plus conséquente perturbe le phénomène.

    Même dans un scénario de faibles émissions de gaz à effet de serre, les chercheurs estiment que seule une glace formée très localement continuera d'alimenter la « dernière zone de glace ». Celle-ci ne dépassera plus le mètre d'épaisseur. Mais la faunefaune pourra s'en accommoder. Comme elle le fait déjà aujourd'hui en période estivale.

    Si nous prenions le chemin d'un scénario d'émissions de gaz à effet de serre plus pessimiste (business as usual), la région perdrait sa faune actuelle. « De nouveaux organismes pourraient s'y installer. Mais cela prendra du temps. Car même si les températures augmentent, le parcours de la TerreTerre autour du SoleilSoleil ne change pas et ceux qui voudront vivre là devront faire face à un long hiver sans lumièrelumière », commente Robert Newton.

    La bonne nouvelle, c'est que nous pouvons encore réduire suffisamment nos émissions de gaz à effet de serre pour sauver, puis reconstituer la « dernière zone de glace ». En 2019, le Canada a décidé d'une zone de protection marine de 320.000 kilomètres carrés dans le territoire inuit du Nunavut, couvrant le tiers médian de la « dernière zone de glace ». De quoi la prévenir d'une exploitation minière ou de tout autre développement pendant au moins cinq ans, voire pour toujours. Les chercheurs estiment que pour protéger l'ensemble de la zone, il faudra former d'autres zones protégées sur l'Arctique qui cache plusieurs milliards de dollars de réserves de pétrolepétrole et de gisementsgisements minérauxminéraux tels que le nickelnickel et le cuivrecuivre. Car déjà, la compagnie pétrolière russe Rosneft a acquis des droits au bail sur certaines zones qui ont traditionnellement alimenté en glace la « dernière zone de glace ».


    Arctique : « la dernière zone de glace » est menacée par le réchauffement climatique

    Les ours polaires pourront-ils toujours trouver refuge sur « la dernière zone de glace » ? Aujourd'hui, les chercheurs n'en sont plus sûrs. Ils révèlent qu'une partie au moins de la région est plus vulnérable au réchauffement climatique qu'ils ne l'avaient envisagé.

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer paru le 05/07/2021

    Les chercheurs voyaient dans « la dernière zone de glace », un refuge pour certaines espèces comme l’ours polaire. Mais la région pourrait être plus vulnérable au réchauffement climatique qu’ils ne l’envisageaient. © Kristin Laidre, Université de Washington
    Les chercheurs voyaient dans « la dernière zone de glace », un refuge pour certaines espèces comme l’ours polaire. Mais la région pourrait être plus vulnérable au réchauffement climatique qu’ils ne l’envisageaient. © Kristin Laidre, Université de Washington

    « La dernière zone de glace ». Des centaines de milliers de kilomètres carrés. Quelque part au large du Groenland. C'est la région du monde où l'on trouve la glace de mer la plus épaisse. La plus ancienne aussi. Elle forme un abri pour des alguesalgues essentielles à l'écosystème. Et au plus chaud de l'été, elle constitue un refuge pour certains animaux comme les ours polaires ou les morses.

    Dans le contexte de réchauffement climatique anthropique, les chercheurs l'envisageaient même depuis quelque temps comme le dernier refuge de ces espècesespèces dépendantes de la glace. Car la glace de mer, dans sa circulation naturelle à travers l'Arctique, a tendance à s'accumuler dans cette « dernière zone de glace ». Et lorsque les modèles climatiquesmodèles climatiques nous font avancer dans le cours de ce siècle, elle est celle où la glace se maintient le plus longtemps l'été.

    La zone concernée par les travaux des chercheurs de l’université de Washington (États-Unis) est ici entourée de noir. La dernière zone de glace apparait en grisé. © Schweiger et <em>al.</em>, <em>Communications Earth & Environment</em>
    La zone concernée par les travaux des chercheurs de l’université de Washington (États-Unis) est ici entourée de noir. La dernière zone de glace apparait en grisé. © Schweiger et al., Communications Earth & Environment

    Mais des travaux menés par l'université de Washington (États-Unis) font aujourd'hui la preuve de sa vulnérabilité. L'étude s'est concentrée sur l'état de la glace de mer dans la mer de Wandel durant le mois d'août 2020. Cette zone s'étendant du nord-est du Groenland jusqu'au Svalbard était autrefois recouverte toute l'année d'une épaisse couche de glace pluriannuelle. Or certaines parties de la dernière zone de glace ont déjà commencé à décliner. Le 14 août 2020, les images satellites ont même montré un amincissement record de 50 % ! Alors même que l'épaisseur de glace de mer au début de l'été était proche de la normale.

    Le 16 août 2020, le Polarstern, le brise-glace allemand, se trouvait dans la dernière zone de glace pour l’expédition Mosaic. Deux jours plus tôt, la concentration en glace mesurée là n’était que de 50 % par rapport à celle habituelle. Un record ! © Felix Linhardt, Université de Kiel
    Le 16 août 2020, le Polarstern, le brise-glace allemand, se trouvait dans la dernière zone de glace pour l’expédition Mosaic. Deux jours plus tôt, la concentration en glace mesurée là n’était que de 50 % par rapport à celle habituelle. Un record ! © Felix Linhardt, Université de Kiel

    La faune s’y adaptera-t-elle ?

    C'est ce phénomène que les chercheurs ont voulu éclairer. Grâce à des données satellites et à des modèles. Ils en concluent que 80 % de l'amincissement observé étaient dus à des facteurs liés aux conditions météorologiques. Des ventsvents inhabituels qui ont déplacé la glace de mer en dehors de la zone, par exemple. Mais les 20 % restants provenaient de l'amincissement à long terme de la glace de mer dû au réchauffement climatique.

    Les chercheurs expliquent que cet amincissement permet à davantage de lumière du soleil de réchauffer l’océan. Puis, lorsque les vents se lèvent, cette eau chaude fait fondre les banquises voisines. Ainsi, même lorsque des plaques de glace anciennes et épaisses arrivent dans la région -- comme cela a été le cas au cours de l'hiver et du printemps 2020 --, cela n'aide pas autant que les chercheurs le pensaient. Car il y a là déjà suffisamment de glace plus mince qui fond et expose l'océan à un réchauffement.

    Ces résultats semblent inquiétants. Mais les chercheurs soulignent qu'il faudra plus de données pour savoir s'ils peuvent être étendus à l'ensemble de « la dernière zone de glace ». Selon eux, ces travaux soulèvent finalement plus de questions qu'ils n'apportent de réponses quant à l'avenir des populations qui vivent dans la région.


    Les arches qui maintiennent « la dernière zone de glace » en Arctique sont en train de céder

    Les chercheurs la pensaient solidesolide. Capable de résister longtemps au réchauffement climatique anthropique. Mais de nouveaux travaux montrent que la dernière zone de glace de l'Arctique est plus menacée qu'attendu.

    Article de Nathalie Mayer paru le 16/01/2021

    Des chercheurs de l’université de Toronto (Canada) ont étudié les arches de glace — ici en forme de « u » inversé — qui se forment dans le détroit de Nares, dans « la dernière zone de glace » de l’Arctique. © MODIS Land Rapid Response Team, NASA GSFC
    Des chercheurs de l’université de Toronto (Canada) ont étudié les arches de glace — ici en forme de « u » inversé — qui se forment dans le détroit de Nares, dans « la dernière zone de glace » de l’Arctique. © MODIS Land Rapid Response Team, NASA GSFC

    Au fil des saisonssaisons, la glace de mer arctique fond et se reforme dans un cycle naturel. Un cycle naturel perturbé dernièrement par le réchauffement climatique anthropique qui touche la région deux à trois fois plus rapidement que la moyenne. Mais dans le nord de l'archipel arctique canadien et du Groenland, se trouve une région jusqu'à présent préservée. Sur des centaines de milliers de kilomètres carrés d'océan. La glace de mer la plus ancienne et la plus épaisse du monde. Une région que les scientifiques appellent « la dernière zone de glace ».

    L'ennui c'est que des chercheurs de l’université de Toronto (Canada) suggèrent aujourd'hui que cette dernière zone de glace -- celle que l'on imaginait pouvoir constituer un refuge pour les ours polaires ou les morses -- pourrait être plus menacée qu'on le pensait. Selon eux, avec le réchauffement climatique, cette glace de mer pourrait non seulement fondre, mais même flotter vers le sud pour fondre plus rapidement encore au contact d'une eau plus chaude.

    Grâce à des données satellites très précises, les chercheurs ont pu étudier les arches de glaces qui maintiennent la banquise dans la région. Et le long du détroit de Nares -- un passage de l'océan Arctique situé entre l'île Ellesmere et le Groenland --, ces arches apparaissent de moins en moins stables.

    Sur ces images, l’arche de glace qui s’est formée au sud du détroit de Nares en 2020. En haut, l’arche retient la glace de mer. En bas, la glace s’écoule vers le sud après l’effondrement de l’arche. © ESA
    Sur ces images, l’arche de glace qui s’est formée au sud du détroit de Nares en 2020. En haut, l’arche retient la glace de mer. En bas, la glace s’écoule vers le sud après l’effondrement de l’arche. © ESA

    Des arches de glace fragilisées

    Rappelons que ces arches de glace se forment lorsque la température baisse. Des plaques de glace convergent sur le détroit de seulement 40 kilomètres de large. Elles parviennent ainsi à bloquer le mouvementmouvement de la glace pluriannuelle. L'empêchant de filer du nord vers le sud. Mais au cours de ces vingt dernières années, les chercheurs observent que ces arches se désagrègent de plus en plus tôt dans l'année.

    « Avant, les arches de glaces persistaient environ 200 jours par an. Aujourd'hui, elles ne sont plus présentes que sur quelque 150 jours », commente Moore, physicienphysicien de l'atmosphèreatmosphère, dans un communiqué de l’université de Toronto. Le résultat tout simplement d'une glace plus mince, pensent les chercheurs.

    Ainsi une nouvelle menace semble planer sur l'ensemble de l'écosystème local. Sans glace de mer, ce ne seront pas que les ours polaires qui souffriront. Celles que l'on appelle les algues de glace et qui participent au cycle du carbone, de l'oxygène et des nutrimentsnutriments dans la région pourraient disparaître également. Mettant en péril le fragile équilibre local. Une action à l'échelle locale ne sera pas suffisante à inverser la tendance. « La seule chose que nous pouvons faire, c'est de refroidir la planète. Ensuite, nous espérons que les arches se reformeront naturellement et que la dernière zone de glace agira comme une sorte de graine pour aider la glace de mer à se reconstituer », conclut Kent Moore.