Sur fond d’invasion de l’Ukraine et d’excuses de la délégation russe, le deuxième volet du sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) vient d’être publié. Il est consacré aux conséquences du réchauffement climatique et aux mesures d’adaptation qui peuvent être envisagées. Qui doivent être mises en œuvre sans plus attendre, corrigent les experts.
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Au mois d'août dernier, le volet consacré aux bases scientifiques du sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) le confirmait. Notre responsabilité dans le réchauffement climatique en cours est « sans équivoque ». Et aujourd'hui, le volet consacré aux conséquences de ce réchauffement et aux moyens de s'y adapter souligne la menace « grave et grandissante » qui « ne se cache pas au coin de la rue, mais qui affecte déjà la vie de millions de personnes dans le monde ».
La publication est le résultat du travail de quelque 270 auteurs issus de 67 pays. Le concentré de plus de 34.000 publications scientifiques. Un concentré qui montre qu'un réchauffement climatique de « seulement » quelque 1,1 °C provoque déjà de dangereuses perturbations de notre environnement et de nos sociétés. Entre 3,3 et 3,6 milliards de personnes vivent dans des régions considérées comme hautement vulnérables au changement climatique.
Dans toutes les régions du monde, les chaleurschaleurs extrêmes provoquent des morts. Les feux de forêt sont à l'origine d'une augmentation des maladies respiratoires. Les inondations font progresser le choléracholéra. Et même la santé mentale des populations semble ne pas vouloir être épargnée. La production agricole et la qualité nutritive des cultures sont mises à mal. Des espèces migrent vers les pôles ou en altitude. L'acidification de l'océan se poursuit. Les glaces fondent.
Vagues de chaleur, sécheressessécheresses, inondations. Avec un réchauffement climatique de 1,5 °C, les aléas climatiques vont se multiplier. Et devenir encore plus extrêmes. En la matièrematière, les jeux semblent déjà faits. Car nous pourrions bien déjà avoir émis trop de gaz à effet de serregaz à effet de serre pour ne pas atteindre cette limite. Mais si le réchauffement se poursuit au-delà, certaines conséquences deviendront irréversibles, assurent les experts.
La nature au cœur de l’adaptation
« Les demi-mesures ne sont plus possibles », commente Hoesung Lee, président du Giec, à l'occasion de la publication du rapport. Des mesures, bien entendu, de réduction drastique de nos émissions de gaz à effet de serre. Mais aussi, des mesures d'adaptation au changement climatique. Des mesures sur lesquelles ce deuxième volet du sixième rapport du Giec offre un nouvel éclairage. Il souligne notamment le potentiel de la nature à limiter les risques climatiques tout en améliorant la qualité de vie sur TerreTerre.
« Les écosystèmes en bonne santé sont plus résilients au changement climatique et procurent des services vitaux comme la nourriture et l'eau potable, indique Hans-Otto Pörtner, coprésident du Groupe de travail II du GIEC. En restaurant les écosystèmes dégradés et en préservant efficacement et équitablement 30 à 50 % des habitats terrestres, océaniques et d'eau douceeau douce, la société profitera de la capacité qu'a la nature à absorber et à stocker le carbonecarbone et nous accéderons plus vite à un développement durable. Mais la volonté politique et un financement adéquat sont essentiels ». Une manière aussi certainement de combler les « écarts qui se creusent entre l'action engagée et ce qui est nécessaire pour faire face aux risques croissants ». Notamment au sein des populations à faible revenu.
Le saviez-vous ?
L’Organisation des Nations unies prévoit que d’ici 2050, 70 % de la population vivra en ville. Des villes fortement menacées par le réchauffement climatique. « La santé, la vie et les moyens de subsistance des gens, de même que les biens matériels et les infrastructures cruciales comme les systèmes d’énergie et de transport, sont de plus en plus touchés par les aléas dus aux vagues de chaleur, tempêtes, sécheresses et inondations, ainsi que par les phénomènes à évolution lente telle l’élévation du niveau de la mer », souligne le rapport du Giec publié ce lundi 28 février 2022. « Nos villes souffrent d’une croissance mal planifiée, de niveaux élevés de pauvreté et de chômage et d’un manque de services de base », explique Debra Roberts, coprésidente du Groupe de travail II du GIEC. « Mais elles offrent aussi des possibilités d’agir pour le climat. Des bâtiments écologiques, un approvisionnement fiable en eau propre et en énergie renouvelable, des modes de transport durables reliant les zones urbaines et rurales peuvent tous créer une société plus inclusive et équitable. »
Ce dernier rapport du Giec note par ailleurs comme jamais à quel point le climatclimat, la biodiversité et les populations humaines sont interconnectés. En intégrant davantage les sciences naturelles, sociales et économiques. Et en notant que le changement climatique interagit aussi avec diverses tendances mondiales comme l'utilisation non durable des ressources naturelles, l'urbanisation croissante, les inégalités sociales, les pertes et les préjudices causés par les événements extrêmes et une pandémie, qui compromettent le développement futur. « Notre évaluation montre clairement que, pour relever ces différents défis, tout le monde -- gouvernements, secteur privé, société civile -- doit œuvrer de concert », affirme Debra Roberts, coprésidente du Groupe de travail II du Giec.
Gare à la mal-adaptation
Le rapport évoque aussi la question de la mal-adaptation. Des mesures qui peuvent se révéler complètement contre-productives. Selon les experts, il en existerait « des preuves de plus en plus nombreuses dans beaucoup de secteurs et de régions du monde ». « Nous devons comprendre que le monde dans lequel nous vivons n'est pas celui dans lequel nous vivrons dans 5 ou 10 ans. Les adaptations qui nous semblent correctes aujourd'hui pourraient ne pas être les bonnes dans un futur très proche. Et nous avons besoin de plus de connaissances encore pour nous éviter de faire de mauvais choix », souligne Debra Roberts. C'est l'exemple de mesures qui répondent aux besoins alimentaires immédiats sans se soucier de leur effet sur la qualité des sols, par exemple. Ou encore de celles qui mènent à construire une digue pour protéger une région de la montée du niveau de la mer, entraînant avec elle, un développement non maîtrisé de la zone.
C'est pourquoi les experts appellent aujourd'hui à ne plus penser en termes de simple développement durabledéveloppement durable, mais réellement en termes de développement résilientrésilient face au changement climatique. Qui ajoute aux objectifs de développement durable, l'idée de réduction du risque climatique, de réduction de nos émissionsémissions de gaz à effet de serre et de protection de la biodiversitébiodiversité. Car même les mesures d'adaptation imaginées aujourd'hui auront leurs limites. Au-dessus de 1,5 °C, certaines solutions naturelles ne fonctionneront plus. « La balle est dans notre camp », conclut Hans-Otto Pörtner.