Les déchets plastiques sont partout. Dans les airs, dans les sols et dans les eaux. Ils infiltrent même le vivant. Mais le problème de la pollution plastique ne se limite pas à celui de la gestion des déchets. Il est bien plus vaste. Le plastique est aujourd’hui partout dans nos vies. Alors pour en venir à bout, un incontournable : limiter la production. C’est ce que la Fondation Tara Océan – et beaucoup d’autres – attend du futur Traité mondial de lutte contre la pollution plastique.
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L'année dernière, ce ne sont pas moins de 460 millions de tonnes de plastiquesplastiques qui ont été produites dans le monde. C'est colossal. Et à l'allure où vont les choses, ce chiffre sera multiplié par trois d'ici 2060. L'industrie du plastique semble inarrêtable. D'autant qu'elle déclare aujourd'hui un chiffre d'affaires annuel de pas moins de 1 000 milliards de dollars.
L'Organisation des Nations unies, pourtant, a fixé au monde un objectif clair : la signature d'un Traité de lutte contre la pollution plastique. Et ce, avant la fin de cette année 2024. Un comité international de négociation se réunira d'ailleurs au Canada d'ici quelques jours pour faire avancer les discussions. Les Organisations non gouvernementales, elles, ont d'ores et déjà arrêté leur position. « Nous demandons un accord de réduction de la production de 50 % minimum - par rapport à 2019 et à l'horizon 2040 voire 2050, pose Henri Bourgeois-Costa, directeur des affaires publiques à la Fondation Tara Océan à l'occasion d'une conférence de presse. C'est non seulement faisable, mais aussi souhaitable à tous les points de vue. »
Des déchets au réchauffement climatique, les plastiques posent problème
Et il explique ce qu'il entend par là. Rappelons d'abord que les premiers travaux scientifiques portant sur la problématique de la pollution plastique remontent aux années 1970. « Le monde a commencé par prendre conscience du problème en découvrant des déchets plastiques en mer. Puis, les chercheurs ont révélé la présence de microplastiques. De plus en plus. Et partout autour de nous. Dans les airsairs, les sols et les eaux. Désormais, ils traquent même les nanoplastiques. En nous avertissant à chaque fois des impacts sur les écosystèmes de la circulation de ces produits. »
“Les plastiques émettent plus de CO2 que les avions”
Mais le problème des plastiques est un peu plus complexe encore que seulement celui des 400 millions de tonnes de déchets qui sont générés chaque année par leur usage. « Aujourd'hui, on considère que le plastique menace de vivant et l'environnement tout au long de son cycle de vie. » Ainsi, les plastiques contribuent déjà à un peu plus de 3 % des émissionsémissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique anthropique. « C'est plus que le secteur aérien, remarque Henri Bourgeois-Costa. Et c'est en croissance importante puisque nous avons une projection jusqu'à environ 15 % des émissions d'ici 2060. »
Les plastiques, une menace pour notre santé ?
Avec la découverte de la présence de plastiques dans les organismes vivants et jusque dans les cellules humaines, la problématique de leur toxicitétoxicité a aussi émergé. « La coalition scientifique adossée au Traité estime qu'il se cache dans les plastiques quelque 16 000 produits chimiques. Or les chercheurs n'en connaissent à peu près correctement qu'environ 5 600. Sur ceux-là, quelque 4 000 sont considérés comme toxiques pour la santé ou pour l'environnement », précise le directeur des affaires publiques à la Fondation Tara Océan.
Ainsi, parmi les enjeux mis en avant par les ONG, il y a celui de la connaissance scientifique. La recherche doit encore progresser et apporter ses réponses. « Ce n'est pas simple. Notamment parce que les formulations qui peuvent être extrêmement complexes sont généralement couvertes par le secret industriel. Et au-delà de cela, parce que la quantité de moléculesmolécules et d'interactions qui interviennent est énorme. En attendant, c'est le principe de précautionprincipe de précaution qui devrait s'appliquer. »
Un résumé des coûts estimés de la production de plastiques dans le monde. Incluant les coûts cachés. © Fondation Tara Océan
Se passer du plastique, c’est aussi souhaitable, économiquement parlant
Si d'un point de vue environnemental ou encore de santé publique, il semble assez clair que nous devrions nous passer de plastiques, certains travaux suggèrent aussi que cela pourrait avoir un avantage... économique ! « L'estimation reste difficile à faire. Il y a aujourd'hui environ 35 000 plastiques différents en circulation. Sur les 16 000 molécules qu'ils utilisent, des travaux sur les coûts n'ont été menés que sur... quatre ! Et dans une partie limitée du monde - l'Europe, les États-Unis et le Canada. La science nous dit qu'en comptant simplement sur les ressources et les alternatives de substitution existantes, nous pourrions arriver à réduire de 50 % notre production. Les économistes avancent qu'il nous en coûterait quelque 3 250 milliards de dollars par an sur les 25 prochaines années. Cela peut sembler beaucoup. Mais le coût de l'inaction, lui, est estimé à presque le double. Pas moins de 5 920 milliards de dollars. C'est deux fois le PIB de la France, commente Henri Bourgeois-Costa. Des chiffres qui le mènent à une conclusion : réduire la production de plastiques de 50 %, ce n'est qu'une question de volonté politique. »
Le saviez-vous ?
Le recyclage n’est pas la solution à la pollution plastique. « Les projections donnent une multiplication par trois de la production plastique d’ici 2060. Dans le même temps, une augmentation des taux de recyclage au-delà de 12 % reste difficilement envisageable », explique Henri Bourgeois-Costa, directeur des affaires publiques à la Fondation Tara Océan. Une question à la fois économique et de structure physico-chimique. Résultat, en 2040, la quantité de déchets plastiques dans notre environnement pourrait atteindre les 20 millions de tonnes. De plus en plus sous la forme de micro- ou de nanodéchets, « plus difficiles à percevoir, mais potentiellement plus impactants car plus pénétrants ».
« Notre objectif, c'est donc de parvenir à un Traité mondial de lutte contre la pollution plastique qui appelle à diviser par deux notre production de plastique. Ce n'est pas d'un "retour aux âges des cavernes" dont il est question. Juste d'un retour à l'état de la production du milieu des années 2010. Et des modélisationsmodélisations estiment que pour atteindre les objectifs climatiques fixés par l'accord de Paris, nous aurions besoin de réduire la production de 75 %. Alors que les conclusions de la conférence de Stockholmconférence de Stockholm fixent même à zéro la quantité de nouvelles entités - dont les plastiques font partie - que nous devrions injecter dans le système pour rester dans les limites planétaires. Mais les pays pétroliers et "leurs alliés", notamment, militent de manière très ordonnée pour que le Traité ne porteporte que sur la question de la gestion des déchets. Et puis, nous sommes aujourd'hui au contraire sur la voie d'une multiplication par trois de la production de plastiques à l'horizon 2060. Moins 50 %, cela reste donc tout de même un objectif ambitieux. »