Les océans se meurent, on le sait. Mais qu'en sera-t-il dans le futur ? Pour mieux alerter sur les dommages causés par l'activité humaine, une équipe internationale d'experts a produit une liste de 15 problèmes qui auront un impact significatif sur la biodiversité marine et côtière durant la prochaine décennie. Parmi eux, la surpêche dans les eaux profondes, l'extraction du lithium en haute mer, et plus surprenant, les incendies de forêts.
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On sait que les activités industrielles dégradent l'environnement. La surpêche, la pollution, le plastiqueplastique, le réchauffement climatique... les causes sont nombreuses. Mais ce que l'on sait moins, c'est de quelle manière exactement, et surtout quels autres processus moins connus contribuent aussi à cette dégradation de l'environnement marin. C'est ce qu'a voulu étudier une équipe dans une étude publiée dans la revue Nature Ecology & Evolution, grâce à une collaboration internationale avec 30 chercheurs spécialisés dans les systèmes marins et côtiers. Ils se sont concentrés uniquement sur les problèmes émergentsémergents et leur futur impact dans les cinq à dix prochaines années.
Pour leurs recherches, ils ont commencé par établir une liste de 75 causes possibles en association avec les 30 chercheurs et leur réseau, qu'ils ont ensuite séparé en trois catégories : impacts sur les écosystèmes, exploitation des ressources, et nouvelles technologies. Ils ont ensuite soumis toutes leurs suggestions à des votes afin de petit à petit réduire la liste : chaque personne a noté de 1 à 1.000 chaque problème selon différents critères, puis un atelier participatif a permis d'isoler les 15 plus importants parmi les mieux notés.
Sur les écosystèmes marins : des impacts inattendus de l'activité humaine
Parmi les problèmes dénoncés, plusieurs inattendus sont apparus, comme celui des feux de forêts. Ces derniers, de plus en plus nombreux et de plus en plus graves, « libèrent des aérosols, des particules et de grands volumesvolumes de matériaux contenant des formes solubles de nutrimentsnutriments, notamment de l'azoteazote, du phosphorephosphore et des métauxmétaux lourds tels que le cuivrecuivre, le plombplomb et le ferfer », explique l'étude. Tous ces débris sont ensuite transportés sur de longues distances, parfois jusqu'aux côtes, donc jusqu'à la mer ou l'océan. Leur impact direct est ensuite dur à évaluer, mais de tels incendies ont déjà déclenché une prolifération de phytoplanctons, ou la mort de nombreux poissonspoissons. Un autre danger inattendu : l'assombrissement côtier. Les écosystèmes côtiers dépendent de la lumièrelumière du SoleilSoleil. Or, le changement climatique et les activités humaines modifient la couleurcouleur de l'eau, et donc, la pénétration de la lumière. Et se déclenche alors une réaction en chaîneréaction en chaîne, car l'assombrissement de l'eau provoque une prolifération d'alguesalgues, qui assombrissent à leur tour l'eau.
S'ajoute à cet assombrissement le problème des métaux lourds, ou de la pollution en général par le rejet dans l'eau de sédiments contaminés. Un effet qui va de pair avec le changement climatique : ce dernier rend les océans plus acidesacides, ce qui les rend plus susceptibles d'absorber les métaux et augmente leur toxicitétoxicité. En plus de tuer certaines espècesespèces, les métaux lourds peuvent tout simplement les contaminer : les auteurs citent notamment les bivalvesbivalves, comme les moules ou les huîtres. Mais toutes les autres espèces marines sont aussi impactées par le réchauffement climatique. Les chercheurs discutent en effet dans leur étude des acides grasacides gras essentiels, contenus en grande quantité chez les poissons, mais qui proviennent en réalité des phytoplanctons dont ils se nourrissent. Le réchauffement des océans les empêche de les synthétiser aussi efficacement, et cet effet pourrait impacter toute la chaîne alimentairechaîne alimentaire qui dépend d'eux.
La pêche en eaux profondes : un déclin assuré si rien n'est fait
Les chercheurs ont pointé du doigt l'exploitation des ressources des écosystèmes marins, utilisées à des fins industrielles. Le collagènecollagène par exemple. Ce sont « des protéinesprotéines structurelles de plus en plus utilisées dans les applicationsapplications cosmétiques, pharmaceutiques, nutraceutiques et biomédicales », explique l'étude. Elles sont contenues dans divers organismes marins, comme les méduses ou les éponges. Cette volonté d'extraire du collagène pourrait aggraver la surpêche, qui fait déjà partie des causes principales du déclin de la biodiversitébiodiversité marine. S'y additionne le risque de surpêche dans les eaux profondes des espèces mésopélagiques, qui vivent entre 200 et 1.000 mètres de profondeur. Ils sont « impropres à la consommation humaine mais pourraient potentiellement fournir de la farine de poisson pour l'aquacultureaquaculture ou être utilisés comme engrais », explique l'étude.
Or, ces derniers sont essentiels pour maintenir le stockage de carbone dans les océans. « Il y a des domaines où nous pensons que des changements immédiats pourraient empêcher d'énormes problèmes au cours de la prochaine décennie, tels que la surpêche dans la zone mésopélagique de l'océan », alerte le Dr Ann Thornton, première auteure de l'étude, et chercheuse au département de zoologie de l'université de Cambridge. « Limiter cela, non seulement arrêterait la surexploitation de ces stocks de poissons, mais réduirait la perturbation du cycle du carbonecycle du carbone dans l'océan - car ces espèces sont une pompe océanique qui élimine le carbone de notre atmosphèreatmosphère. » Enfin, les chercheurs discutent de la demande en batterie, qui pourrait être multipliée par cinq d'ici 2030. Ils craignent que l'exploitation minière soit détournée pour devenir de l'exploitation marine, dans des bassins de saumuresaumure qui abritent de nombreuses espèces endémiquesendémiques (qui n'habitent que dans un lieu précis).
Le but premier des chercheurs : alerter
Autre aspect des batteries : leur dégradation dans l'environnement. Elles sont souvent enfouies en fin de vie, mais « certains liants de batterie et certains électrolytes chimiques sont toxiques pour la vie aquatique ou forment des polluants organiques persistants lors d'une combustioncombustion incomplète », alertent les chercheurs. Ils citent ensuite la constructionconstruction de cités marines flottantes, qui permettraient d'optimiser la production d'énergieénergie pour qu'elle soit renouvelable et sur place. Mais, petit problème, de telles constructions pourraient favoriser la propagation d'espèces envahissantesespèces envahissantes. D'autres alternatives vertes n'échappent pas non plus aux chercheurs, comme les sacs biodégradablesbiodégradables. Utilisés pour remplacer ceux en plastique, certains n'ont pas été suffisamment testés au sein d'un environnement marin et pourraient s'avérer toxiques. Ceux contenant du « succinatesuccinate de polybutylène (PBS), l'acide polylactiqueacide polylactique (PLA) ou les matériaux à base de cellulosecellulose et d'amidonamidon peuvent devenir des déchetsdéchets marins et provoquer des effets nocifs similaires aux plastiques conventionnels ». À noter qu'ils restent néanmoins bien moins mauvais que les sacs plastique utilisés auparavant.
Finalement, le but premier de cette étude est bien d'alerter et d'inciter à une surveillance accrue des océans, alors que nous sommes depuis 2021 dans la « Décennie des Nations unies pour les sciences océaniques au service du développement durabledéveloppement durable ». « Les écosystèmes marins et côtiers sont confrontés à un large éventail de problèmes émergents qui sont mal reconnus ou mal compris, chacun ayant le potentiel d'avoir un impact sur la biodiversité, déclare le Dr James Herbert-Read, coauteur de l'étude et chercheur au département de zoologie de l'université de Cambridge. En mettant en évidence les problèmes futurs, nous indiquons où des changements doivent être apportés aujourd'hui - à la fois dans la surveillance et la politique - pour protéger nos environnements marins et côtiers. »