au sommaire
Floraison de l’Arabette des dames (Arabidopsis thaliana), plante de la famille des Brassicacées dont l’aire de répartition va de l’Europe jusqu’à l’Asie en passant par l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. © Marie-Lan Nguyen, Wikimedia Commons, CC by 2.5
La croissance, le développement et la reproduction de tout organisme vivant reposent sur un mécanisme fondamental : le cycle cellulaire. Il contribue notamment à générer la biomasse des quelque 600 milliards de tonnes de carbone que représentent les plantes terrestres. Dans une cellule eucaryote, les quatre étapes d'un cycle cellulaire sont la phase de synthèse (S) au cours de laquelle l'ADNADN est dupliqué, la phase de mitosemitose (M) correspondant à la division cellulaire et générant deux cellules filles identiques, et deux phases dites G1 et G2 (pour gapgap) préparant les phases S et M, respectivement.
La bonne progression du cycle cellulaire repose sur l'activité des complexes CDKCDK (Cyclin-Dependent KinaseKinase), qui est étroitement régulée en fonction des différentes phases du cycle. De nombreux travaux ont ainsi mis en évidence un rôle majeur du système de protéolyseprotéolyse protéasome dépendant de l'ubiquitineubiquitine en assurant la dégradation sélective et irréversible de régulateurs du cycle. Dans les cellules de mammifères, l'entrée en phase S est notamment contrôlée par le complexe ubiquitine ligaseligase SCFSkp2 qui reconnaît et dégrade les inhibiteurs de CDK. Un défaut dans cette régulation conduit au développement de tumeurstumeurs ou à une croissance ralentie des souris.
Chez les végétaux, le contrôle du cycle cellulaire présente d'importantes similitudes avec celui des animaux, cependant des travaux récents ont révélé des différences fondamentales, comme l'absence de certains régulateurs ou l'existence de régulateurs propres aux plantes, qui sont autant de mécanismes spécifiques à élucider. En particulier, la machinerie moléculaire spécifique aux plantes, contrôlant une des étapes clés du cycle cellulaire, à savoir l'entrée en phase de réplication de l’ADN, est encore bien mal décrite. Il est toutefois essentiel de comprendre cette étape du contrôle du cycle cellulaire car elle intègre de nombreux signaux endogènesendogènes (à l'intérieur du corps, comme les hormoneshormones de croissance) et exogènesexogènes (à l'extérieur du corps, comme des stressstress liés à l'environnement) contrôlant ainsi la prolifération cellulaire et donc la croissance des plantes.
En comparant la taille de la rosette de six semaines de la plante modèle Arabidopsis thaliana sauvage (à gauche) avec celle du mutant fbl17 (à droite), au même stade, on constate un retard important de croissance. Ce mutant présente différentes anomalies cellulaires et du développement, comme l’absence de branchement et d’endoréplication des trichomes, la désorganisation du méristème de la racine principale et des défauts de ségrégation des chromosomes (illustrés dans les trois encarts, à droite). © Pascal Genschik
La protéine FBL17, régulateur majeur du cycle cellulaire
L'équipe de Pascal Genschik à l'institut de Biologie moléculaireBiologie moléculaire des plantes (IBMP-CNRS), a mis en évidence qu'une protéineprotéine F-box appelée FBL17 et faisant partie d'un complexe ubiquitine ligase SCFFBL17, était essentielle au bon déroulement du cycle cellulaire à tous les stades de développement de la plante. Ainsi, la délétiondélétion du gène FBL17 conduit à un retard important de la croissance des plantes mutantes en partie dû à l'accumulation de protéines KRP pouvant inactiver les complexes CDK-cyclinescyclines de plantes. Malgré une forte inhibitioninhibition de la prolifération cellulaire, certaines cellules du mutant fbl17 gardent l'aptitude à entrer en phase S et même à se diviser. Cette incroyable plasticitéplasticité n'est pas sans dommage pour la plante mutante, puisque nombre de ses cellules présentent des anomaliesanomalies de ségrégationségrégation des chromosomeschromosomes et sont en situation de mort cellulaire.
Grâce à ces travaux publiés le 5 mai 2015 dans la revue The Plant Cell, les chercheurs confortent le rôle de FBL17 comme régulateur majeur du cycle cellulaire chez les plantes. Ils suggèrent de plus l'implication de cette protéine dans le maintien de l'intégritéintégrité du génomegénome végétal et mettent en évidence des similitudes fonctionnelles très intéressantes d'un point de vue évolutif avec la protéine animale Skp2.
L'élucidation du mode de fonctionnement de la protéine FBL17 devrait ouvrir de nombreuses perspectives sur le plan fondamental et évolutif pour la compréhension de la régulation du cycle cellulaire ainsi que sur le plan des applicationsapplications pour manipuler la croissance des plantes.