Des chercheurs danois et suédois ont réalisé une « photosynthèse inverse ». Cette réaction dégrade des molécules organiques grâce à la lumière du soleil et pourrait notamment permettre de produire des biocarburants.

De nombreuses bactéries et champignons possèdent des enzymes qui dégradent la matière végétale. Parmi ces enzymes, les LPMO (lytic polysaccaride monooxygenases) jouent un rôle majeur dans le renouvellement de la matière organique. Les substrats de ces enzymes sont par exemple la cellulose, l'hémicellulose, l'amidon, la chitine. Les LPMO sont des métalloenzymes qui oxydent les polysaccharides les plus récalcitrants, mais elles ont besoin de donneurs d'électrons extracellulaires. Les processus oxydatifs sont essentiels pour dégrader la biomasse végétale.

Dans un article paru dans Nature Communications, des chercheurs de l'université de Copenhague (Danemark) et de l'école polytechnique Chalmers (Suède) ont testé l'effet de pigments photosynthétiques comme donneurs d'électrons. En combinant LPMO et pigments chlorophylliens, ils ont montré que l'activité des enzymes peut être favorisée par la lumière : les LPMO combinées avec les pigments, en présence d'agents réducteurs, et à la lumière, ont permis une activité catalytique cent fois meilleure, ce qui n'avait jamais été observé auparavant. Il était possible d'atteindre le même niveau d'oxydation en cent fois moins de temps que sans lumière.

Le système « enzymes LPMO + pigments » forme donc un système très réactif à la lumière. Pour expliquer ce processus, les chercheurs proposent un modèle : le pigment excité par la lumière transfère un électron à l'enzyme LPMO ; l'électron réduit le cuivre de la LPMO qui active l'oxygène et oxyde le polysaccharide. La forme oxydée des pigments est réduite par un réducteur de potentiel redox inférieur : dans le cas présent, l'acide ascorbique ou la lignine (cf. schéma ci-dessous).

Schéma du mécanisme proposé pour la photosynthèse inverse. La lumière excite le pigment (Chl), qui, dans son état excité, transfère un électron à l’enzyme LPMO. Cet électron réduit le cuivre de l'enzyme qui oxyde le polysaccharide. L’oxydation consomme de l’oxygène (O<sub>2</sub>), oxyde du carbone et produit de l’eau (H<sub>2</sub>O). © Cannella<em> et al.</em> 2016, <em>Nature Communications</em>

Schéma du mécanisme proposé pour la photosynthèse inverse. La lumière excite le pigment (Chl), qui, dans son état excité, transfère un électron à l’enzyme LPMO. Cet électron réduit le cuivre de l'enzyme qui oxyde le polysaccharide. L’oxydation consomme de l’oxygène (O2), oxyde du carbone et produit de l’eau (H2O). © Cannella et al. 2016, Nature Communications

Une réaction ultra-rapide grâce à la lumière du soleil

Pour l'un des auteurs, Klaus Benedikt Møllers, de l'université de Copenhague, « nous utilisons le terme de "photosynthèse inverse" parce que les enzymes utilisent de l'oxygène atmosphérique et les rayons du soleil pour décomposer et transformer les liaisons carbone, dans les plantes entre autres choses, au lieu de construire des plantes et de produire de l'oxygène comme on le comprend généralement avec la photosynthèse ».

Grâce à cette méthode, il deviendrait plus facile de dégrader de longues molécules de glucides en plus petites molécules, utilisables pour diverses applications : production d'éthanol, de biogaz ou du méthanol. Ce procédé pourrait donc trouver des applications pour la conversion de biomasse en carburants ou en produits chimiques.

Sans la lumière du soleil, il faudrait des heures ou des jours pour aboutir à la même transformation. À la lumière du soleil, le processus est beaucoup plus rapide, comme l'explique David Cannella, de l'université de Copenhague : « La découverte signifie qu'en utilisant le soleil, nous pouvons produire des biocarburants et produits biochimiques pour des choses comme les matières plastiques - plus rapidement, à des températures plus basses et avec une meilleure efficacité énergétique. Certaines réactions, qui prennent actuellement 24 heures, peuvent être accomplies en seulement 10 minutes en utilisant le soleil ».

L'équipe ne sait pas si ce phénomène est répandu dans la nature mais plusieurs indices suggèrent que des champignons et des bactéries utilisent la photosynthèse inverse pour utiliser les nutriments et les sucres des plantes. Par exemple, une étude de 2015 a montré que les UV facilitent la dégradation de l'humus en climat méditerranéen.