À l’instar de Spider-Man qui tisse des toiles d'araignée à partir de trous dans ses poignets, la petite fleur jaune Dionysia tapetodes produit une sorte de longue fibre soyeuse, qui pourrait lui servir de protection contre le gel ou le soleil. Une prouesse dans le monde végétal.
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Dionysia tapetodes est une sorte de plante-araignée, capable de synthétiser une fibre soyeuse extrêmement fine sur ses feuilles. D'autres espèces de Primulacées, la famille à laquelle appartient la plante, fabriquent aussi une sorte de poudre composée de flavones, une classe de flavonoïdesflavonoïdes, des moléculesmolécules impliquées dans le métabolismemétabolisme des plantes et connues pour leurs propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes. Sauf qu'ici, il ne s'agit pas de l'enrobage poudreux habituel, mais d'une véritable « laine », tissée en filaments d'à peine un à deux micromètresmicromètres d'épaisseur (soit 70 fois moins qu'un cheveu humain). Les scientifiques se sont donc trouvés face à deux mystères : de quoi étaient composés ces filaments et comment étaient-ils « tissés » par la plante ?
Le saviez-vous ?
Dionysia tapetodes est une petite plante vivace de la famille des Primulacées (qui comprend notamment les primevères et les coucous) poussant naturellement au Turkménistan et dans le nord-est de l'Iran, en Afghanistan et au Pakistan. On la trouve sur des falaises ombragées entre 1.000 et 3.200 mètres d’altitude. Elle forme des grands coussins de petites fleurs jaunes pouvant aller jusqu’à 36 centimètres de diamètre.
Des petits trous dans les cellules
Une équipe de chercheurs de l'université de Cambridge, du Sainsbury Laboratory Cambridge University (SLCU) et du jardin botanique de l'université de Cambridge (CUBG) a entrepris de résoudre l'énigme. En analysant des échantillons de feuilles au microscope électroniquemicroscope électronique, les scientifiques ont vu que le fil émergeait de petits trous dans la cellule glandulaire des trichomes (les poils situés à la surface de la feuille). « Or, faire des trous dans la membrane cellulairemembrane cellulaire fait normalement exploser celle-ci comme un ballon de baudruche rempli d'eau, étant donné que la paroi maintient la pression osmotiquepression osmotique à l'intérieur de la cellule », observe Raymond Wightman, du SLCU et coauteur de l'étude qui vient d'être publiée dans la revue BMC Plant Biology.
Mais en zoomant sur les cellules glandulaires, les chercheurs ont remarqué que l'ouverture dans la cellule était juste assez large pour laisser passer la fibre, qui, comme indiqué précédemment, est extrêmement fine. « La cellule fabrique la fibre, puis l'enfile à travers cette minuscule ouverture en créant une sorte de cire qui agit comme un joint autour du fil lorsqu'il sort de la cellule », détaille Matthieu Bourdon, collègue de Raymond Wightman. Premier mystère résolu. Restait à présent à savoir de quoi est composée cette fameuse laine.
« Il a fallu ici procéder à des analyses sophistiquées de chromatographiechromatographie, de spectrométrie de massespectrométrie de masse et de spectroscopie par résonance magnétique nucléairerésonance magnétique nucléaire (RMN), car les échantillons étaient très petits et les molécules assez proches », témoigne Joséphine Gaynord, également coauteure de l'article.
“Comme du dentifrice qui sort d’un tube”
Ces analyses ont confirmé que la poudre était bien composée essentiellement de flavones, comme chez les autres Primulacées, mais ici mélangée à d'autres molécules formant une liaison hydrogèneliaison hydrogène stable avec les flavones pour produire une fibre allongée. « Lorsque ce mélange est extrudé à travers les trous, on obtient un fil continu un peu comme du dentifrice qui sort d'un tube », illustre Raymond Wightman.
Mais, au fait, à quoi peut bien servir cette fameuse laine ? Après tout, Dionysia tapetodes n'est pas une plante carnivore et n'a nul besoin de capturer des proies dans ses filets. Les chercheurs avouent ici n'avoir que des suppositions. « On pense qu'elle pourrait agir comme protection au gelgel, à la sécheressesécheresse et/ou au blocage des UVUV, suggère Simon Wallis, botanistebotaniste au CUBG. On a par exemple remarqué que d'autres espèces de Dionysia qui n'ont pas de farine laineuse sont plus sensibles aux brûlures du soleilsoleil. » Chouette, bientôt une crème solaire végétale ?