Le microbiote serait en partie responsable de la compétition entre ces espèces

La compétition, comme la coopération, entre les espèces est l'un des grands sujets d'étude de la biologie. Les différentes espèces évoluent dans ce que l'on nomme une niche écologique et ont des interactions entre membres de la même espèce - on parle d'interactions intraspécifiques - et avec les membres d'autres espèces - on parle alors d'interactions interspécifiques. De nombreuses choses sont connues concernant ces interactions. Néanmoins, les auteurs de l'étude soulignent que le rôle du microbiotemicrobiote dans ces interactions écologiques est encore peu étudié. Dans le même temps, les chercheurs rappellent que nous savons, depuis une décennie, que Drosophila suzukii s'est largement répandue en Europe et en Amérique causant des pertes majeures dans la production agricole de cerises, myrtilles et de baies en général. Dans la littérature scientifique, il existe beaucoup de recherches pour endiguer ce problème en contrôlant la prolifération de cette espèce. L'étude réalisée par cette équipe de scientifiques démontre l'intérêt de s'intéresser aux stratégies basées sur le microbiote.

Le microbiote joue un rôle dans la compétition entre les mouches

Dans cette étude, les investigateurs ont étudié la compétition entre deux espèces du genre Drosophila : D. suzukii (l'espèce invasiveespèce invasive qui pond dans les fruits avant qu'ils ne soient mûrs et les fait pourrir) et D. melanogaster (les mouches communes qui se posent sur vos jambes toute la journée en été et pondent dans des fruits déjà bien mûrs). Ils ont observé que D. suzukii n'engendrera pas de pontes inutiles si le substrat d'oviposition (c'est l'action de déposer des œufs dans le milieu le plus adéquat pour permettre une éclosion optimale) a été au préalable utilisé par des individus appartenant à l'espèce D. melanogaster si leur microbiote contenait des bactériesbactéries du genre Lactobacillus. En effet, c'est cette bactérie qui semble déclencher le comportement d'évitement chez D. suzukii. En transplantant le microbiote de D. melanogaster à D. suzukii, les chercheurs sont parvenus à endiguer ce comportement d'évitement, ce qui démontre bien l'importance cruciale du microbiote dans certaines interactions compétitives entre espèces.

La production de baies mondiales pourrait être menacée si l'on ne parvient pas à endiguer la prolifération de D. suzukii. © Cavan, Adobe Stock

Comment endiguer la prolifération de D. suzukii ? 

Dans l'article, les auteurs discutent des différentes stratégies déjà existantes pour tenter d'endiguer la prolifération de D. suzukii, notamment une moléculemolécule répulsive ayant donné de bons résultats, produite par certains champignons qui entrent en compétition avec les larves. Concernant les stratégies basées sur leur étude, ils préviennent que l'on ne peut pas directement pulvériser le microbiote de D. melanogaster dans les vergers, étant donné le risque pour D. suzukii d'acquérir les symbiontes qui composent ce dernier.

Selon eux, une meilleure solution serait d'identifier et d'utiliser les composés moléculaires sécrétés par les bactéries présentes dans le microbiote de D. melanogaster. Ils conseillent aux futures équipes de chercheurs qui se pencheront sur la question d'essayer de tester si D. suzukii peut éventuellement devenir résistante à ces molécules et de chercher des stratégies appropriées en réponse. Ils pointent aussi l'importance de caractériser les récepteurs chimiosensoriels et les circuits de reconnaissance impliqués dans le comportement d'évitement chez D. suzukii afin de se servir de ces connaissances pour créer un répulsif idéal. Finalement, cette étude établit que le microbiote est un médiateur de la compétition interspécifique et qu'il joue un rôle central dans certains comportements dépendants du contexte et de l'influence bactérienne.