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Schéma montrant des biomolécules piégées entre des feuilles de mica dans un océan primitif. Les lignes vertes représentent des feuilles de mica et les structures grises représentent diverses molécules biologiques anciennes et des vésicules de lipides. D'après l'hypothèse reposant sur le mica, le va-et-vient de l'eau entre les feuillets peut déplacer de haut en bas. Ces mouvements et l'énergie associée pourraient avoir forcé les molécules biologiques ou des acides gras à former des cellules. Crédit : Helen Greenwood Hansma, University of California, Santa Barbara
C'est en partie par hasard qu'Helen Hansma en est venue à postuler un monde de mica qui aurait précédé un monde à ARN (rappelons qu'il s'agit de l'hypothèse proposée par le prix Nobel Walter Gilbert pour expliquer l'apparition de la vie. Selon lui, l'ARNARN, avec ses propriétés auto-catalytiques, avait probablement précédé l'apparition de l'ADN). Hansma avait en effet commencé à effectuer des travaux de pionniers avec son ex-mari Paul K. Hansma en développant des techniques d'imagerie pour l'ADNADN et d'autres moléculesmolécules biologiques au moyen d'un microscope à force atomiquemicroscope à force atomique (AFM). Il se trouve que les feuillets de mica sont particulièrement plats et bien appropriés pour observer les détails de l'ADN avec un microscope à force atomique.
Prise de passion pour ce minéral dont les feuillets ne sont épais que d'un nanomètrenanomètre d'épaisseur environ, elle finit par observer un détail intriguant dans plusieurs échantillons qu'elle avait collectés dans une mine du Connecticut. La surface de certains des feuillets de mica était couverte de molécules organiques.
Elle s'est alors souvenue que l'ARN et le mica, tout comme beaucoup de protéinesprotéines et de lipideslipides, possèdent des charges négatives. Or, les groupes phosphatesgroupes phosphates de l'ARN sont espacés d'un demi-nanomètre, exactement la distance séparant les charges négatives sur le mica. Mieux, les feuillets de mica sont riches en potassiumpotassium avec une concentration très similaire à celle de nos cellules.
Une interview de Helen Hansma. Crédit : University of California, Santa Barbara/National Science Foundation
En jouant avec ces considérations, on en vient naturellement à imaginer que les premières molécules d'ARN et les cellules les contenant sont peut-être nées dans un film d'eau entre deux feuillets de mica, au bord des océans de la Terre primitive. Le cycle jour-nuit, en provoquant la dilatationdilatation et la contraction thermique des feuillets de mica dans ou au bord de ces anciens océans, aurait fourni l'énergieénergie nécessaire pour briser et reconstituer des molécules organiques à la surface des feuillets.
En outre, les feuillets de mica auraient aussi pu servir d'analogues des membranes des premières cellules en protégeant les fragiles molécules organiques synthétisées. Selon Hansma les surfaces de mica sont très accueillantes pour les cellules vivantes, les grosses molécules biologiques comme les protéines et bien sûr, les acides nucléiquesacides nucléiques, les glucidesglucides et les lipides. Elle mentionne par exemple un facteur favorable pour le développement des cellules : les surfaces ne s'assèchent pas facilement sans être trop humides, ce qui rend difficile l'apparition de cycles avec des conditions trop extrêmes.
Depuis 2007 Helen Hansma continue donc à développer son hypothèse d'un monde de mica ou plus précisément comme elle l'appelle en anglais sa life between the sheets hypothesis grâce à des fonds de la National Science Foundation (NSF) américaine. Elle pense que des observations conduites avec un microscope AFM sur des feuillets de mica plongés dans un liquideliquide reconstituant les conditions des océans primitifs pourraient finir par donner des clés supplémentaires pour comprendre d'où nous venons.