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La grotte Chauvet-Pont d’Arc, découverte le 18 décembre 1994 par Jean-Marie Chauvet et ses compagnons dans la vallée de l'Ardèche, près du spectaculaire Pont d'Arc (ce qui n'est probablement pas une coïncidence), est en cours d'étude, depuis 1998, par une équipe scientifique multidisciplinaire, formée et d'abord dirigée par moi-même, puis, depuis 2002, par Jean-Michel Geneste.
Cette grotte fut longuement fréquentée par les ours, dont les traces (poils et griffades des parois, empreintes, bauges) et vestiges (ossements) sont partout présents. Cela n'a pas échappé aux Hommes qui déposèrent un crânecrâne sur un rocher et plantèrent deux humérushumérus d'ours dans le sol non loin de l'entrée d'origine.
La grotte devint vite célèbre en raison de la qualité esthétique de ses représentations et de son âge ancien. En effet, deux grandes périodes de fréquentation y furent mises en évidence, grâce à une profusion de dates au radiocarbone (plus d'une centaine), presque toutes obtenues par accélérateur. Les passages humains les plus anciens, entre 29.000 et 33.000 avant le présent (également noté BP pour Before Present, en anglais), se situent à l'Aurignacien, et les plus récents, entre 25.000 et 27.000 avant le présent, au Gravettien, selon des datations non calibrées. La convergence des résultats obtenus dans plusieurs domaines de recherche (paléontologie, géologie, archéologie, datations diverses) fait de Chauvet-Pont d'Arc le site orné non seulement le plus daté mais le mieux daté au monde.
L'ensemble des bâtiments de la réplique et de la galerie de l'Aurignacien, dans son cadre. © Atelier 3A – Fabre&Speller
Des fresques animales et des représentations humaines
D'après les datations directes au radiocarbone, les conventions stylistiques et les thèmes figurés, la majorité des œuvres appartiennent à la première période, la plus ancienne, qui a connu plusieurs incursions et phases de dessins. Les dates calibrées placeraient celle-ci autour de 36.500 ans avant nous. Parmi les 430 figurations animales recensées, mammouths, félins, rhinocéros et ours représentent 63 % des espèces déterminables. Ces animaux impressionnants et redoutables, en général non chassés, deviendront très minoritaires dans l'art au cours des millénaires qui suivront.
Les autres espèces dessinées à Chauvet sont les chevaux, les bisons, les aurochs, les bouquetinsbouquetins, les cerfs (dont des mégacéros), les rennesrennes, les bœufs musqués. Il existe aussi d'exceptionnelles images de trois animaux : hibou, panthère et peut-être une hyène. Les thèmes humains comprennent le bas du corps d'une femme associé à un bison avec une main et un bras humains, plusieurs organes sexuels féminins (triangle pubien et vulvevulve) et des mains rouges, positives et négatives. Des centaines de ponctuations de grande taille, effectuées avec la paume de la main enduite de peinture, constituent l'une des originalités de la grotte.
La grotte est une suite de salles qui ne servaient pas d'habitations. Les premières peintures remontent à l'Aurignacien, ce qui les classent parmi les plus anciennes du monde. © Idé
Des techniques élaborées aux mains de grands artistes
Les techniques utilisées sont non moins originales, avec l'usage constant de l'estompe pour modeler le relief interne des animaux, celui du détourage pour en faire ressortir les contours et la recherche de la perspective. La gravuregravure, le fusain (charbonscharbons) et la peinture rouge (et dans deux cas la peinture jaune) ont été utilisés. La qualité esthétique d'œuvres aussi anciennes a bouleversé nos conceptions sur la genèse et le développement de l'art. Le paradigme de son développement progressif à partir de débuts frustes à l'Aurignacien s'est révélé erroné.
Il faut maintenant admettre que, parmi les Aurignaciens, comme chez leurs successeurs, il pouvait y avoir de grands artistes et que l'art, pendant le Paléolithique comme après, a connu nombre d'apogéesapogées et de déclins. Le caractère exceptionnel de la grotte Chauvet-Pont d'Arc a été officiellement reconnu par l'Unesco qui a placé la grotte, en 2014, sur sa célèbre Liste du Patrimoine mondial.
En couleur, les parties de la grotte répliquées dans l'espace ouvert au public. © Cabinet Perazio
Une réplique pour comprendre mais aussi ressentir
Le 25 avril 2015 ouvre « La Caverne du Pont d’Arc - Ardèche », ambitieux espace de restitution où l'essentiel des œuvres de la grotte Chauvet-Pont d'Arc est présenté au public au moyen de panneaux d'une très grande fidélité réalisés par les ateliers Alain Dalis à Montignac et Gilles Tosello à Toulouse. La société Kléber Rossillon en assure le fonctionnement. Comme la grotte Chauvet-Pont d'Arc ne pourra jamais être ouverte au public pour des raisons tenant à sa conservation (l'expérience de Lascaux a porté), il fallait une réplique qui respecte l'original dans les moindres détails et permette d'approcher des œuvres ainsi recréées sans les mettre en péril. Un comité scientifique international a suivi de près le projet pendant les huit ans de sa conception et de sa réalisation. Ce projet fut piloté par le Syndicat mixte de la Caverne du Pont d'Arc où s'associèrent le Département de l'Ardèche et la Région Rhône-Alpes. L'État (Ministère de la Culture) contribua également au financement.
L'ensemble comprend deux grands bâtiments majeurs : celui dévolu à la réplique, à l'architecture audacieuse évoquant des parois de grottes et bien intégré dans le paysage, et un centre d'interprétation, la « Galerie de l’Aurignacien », qui présente entre autres les principaux animaux grandeur nature (rhinocéros, bisons, cerfs mégacéros, etc.) et quelques scènes aurignaciennes.
Reconstituer à l'identique une grande partie des parois fut une aventure technologique de grande ampleur puisque la Caverne du Pont d'Arc est le facsimilé d'art rupestre de loin le plus important jamais réalisé dans le monde. Il fallait que les surfaces, les volumesvolumes, les couleurscouleurs, l'impression d'humidité soient véridiques et permettent aux visiteurs à la fois d'apprendre, de connaître et de ressentir, comme s'ils se trouvaient dans la vraie grotte.