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Le roi Henri IV est resté célèbre dans l'histoire de France, notamment parce qu'il était protestant avant de se convertir au catholicisme, et qu'il signa en 1598 l'Édit de Nantes, qui mit fin aux conflits opposant ces deux visions de la religion chrétienne. Son crâne aurait été séparé du reste du corps près de 200 ans après sa mort. Celui qu'on annonce comme tel est-il vraiment le bon ? © Frans II Pourbus, Wikipédia, DP
Il y a l'Histoire, et des histoires sans fin. Plusieurs siècles après sa mort, le roi Henri IVHenri IV fait de nouveau l'actualité. Assassiné par Ravaillac le 14 mai 1610, il est enterré à la basilique Saint-Denis, près de Paris. Le temps fait son œuvre et sept générations plus tard, Louis XVI, descendant direct, connaît également une fin violente, décapité le 21 janvier 1793. L'histoire dit même qu'un témoin de la scène a essuyé le sang du roi déchu avec un mouchoir, un bout de tissu qui aujourd'hui serait une relique de l'hémoglobinehémoglobine de la famille Bourbon. Durant cette période troublée, certains révolutionnaires s'adonnent au vandalisme. Ils exhument même les dépouilles des anciens souverains, et en profitent pour étêter Henri IV, qui, après avoir été exposé deux jours au public parisien, a fini dans la fosse commune. Il faut attendre Louis XVIII, en 1817, pour que ses aïeuls retrouvent leurs tombeaux en terre dyonisienne.
Mais les dégâts sont faits. Et plus d'un siècle après ces événements, durant l'entre-deux-guerres, un collectionneur privé se vante de posséder la tête d'Henri IV et se bat toute sa vie pour le prouver. Mais il a manqué de preuves. Derrière lui, d'autres reprennent le flambeau pour déterminer si, oui ou non, cette tête a été couronnée. En 2010, une analyse morphologique, dirigée par Philippe Charlier montre de nombreux points de concordance physiquephysique entre le crânecrâne momifié et les portraits de l'ancien roi, mort 400 ans plus tôt, comme un grain de beautégrain de beauté irrégulier ou une oreille droite percée.
D'autres spécialistes, de l'université de Barcelone, reviennent deux ans plus tard avec des preuves génétiquesgénétiques cette fois. Dans la revue Forensic Science International, ils comparent le chromosomechromosome Y de la tête avec celui retrouvé dans le sang séché de Louis XVI. Ce chromosome a la particularité d'être transmis tel quel de père en fils, et permet donc de déterminer une ascendance directe. L'étude conclut bien que les deux reliques sont liées par le sang, et amène des preuves supplémentaires attestant de l'origine royale du crâne momifié. Peu de doutes d'après les auteurs : c'est bel et bien Henri IV.
Voici le crâne de la discorde. Si morphologiquement il ressemble à celui d'Henri IV, la génétique pourrait révéler des différences. © Philippe Charlier et al., Forensic Science International
Une tête momifiée qui n’est pas de sang royal
Mais les arguments ne convainquent pas tout le monde. L'historienhistorien Philippe Delorme doute de l'authenticité de la relique. D'une part, la méthode d'embaumement ne ressemble pas à celle appliquée au roi. D'autre part, les fragments d'ADN n'étaient pas à leurs yeuxyeux assez bien conservés pour être irréfutables. Il entreprend donc une autre étude génétique, aidé du Belge Jean-Jacques Cassiman (université catholique de Louvain). Cette fois, il se sert de matériel génétiquematériel génétique frais : celui de trois hommes actuellement vivants de la lignée des Bourbon, descendants directs de Louis XIII, lui-même fils d'Henri IV. Leurs résultats sont publiés dans l'European Journal of Human Genetics.
L'analyse de leur chromosome Y révèle qu'ils descendent tous trois d'un même homme, et qu'il ne peut s'agir que de Louis XIII, comme l'affirme leur arbre généalogique. En revanche, le crâne présente des différences génétiques avec les trois volontaires : au moins deux cassures dans la lignée paternelle. L'analyse de l'ADN mitochondrial aboutit aux mêmes résultats. Les auteurs en concluent donc que le crâne ne peut être celui d'Henri IV de France. Et par extrapolation, en déduisent que le sang du mouchoir n'était pas celui de Louis XVI, qui lui aussi devait disposer du même chromosome Y que les trois participants.
Henri IV rentre un peu plus dans la légende
Le débat est donc relancé. Philippe Charlier, qui continue à croire qu'il s'agit bien de la momie royale, se défend en précisant une éventuelle inexactitude dans l'arbre généalogique des Bourbon, avec d'éventuelles fausses paternités, sous-entendant donc que les trois cobayes de cette expérience pourraient ne pas être des descendants directs d'Henri IV. Il rappelle d'ailleurs que 1 à 4 % des enfants ne sont pas nés du père qu'on leur attribue...
En revanche, les différents protagonistes s'accordent sur une chose : il faut identifier davantage de Bourbon liés au roi de France pour mener une étude qui tranchera la question de manière ferme et définitive. Mais aucun d'eux n'a les fonds suffisants pour mener à bien une telle entreprise. La légende continuera donc à être contée, tout comme celle de son fameux cheval blanc...