au sommaire
Reconstitution d'Hallucinochrysa diogenesi d’après José Antonio Peñaz. Les chrysopes seraient apparues au Jurassique, voici plus de 145,5 millions d'années. Leur technique de camouflage pourrait donc dater de cette époque. Seules de nouvelles découvertes de fossiles permettront de l’affirmer. © université de Barcelone
Le nord de la péninsule ibérique était recouvert d'abondantes forêts de résineux voici 110 millions d'années. Pour preuve, de nombreux invertébrés inclus dans de l'ambre ont été découverts sur le site de l'affleurement El Soplao en Cantabrie. Un fossile mis au jour en 2008 a particulièrement attiré l'attention de Ricardo Pérez de la Fuente de l'université de Barcelone. Cette chrysope unique vient d'être décrite dans la revue Pnas.
La famille des chrysopidés existe encore de nos jours, même si l'espèce découverte a depuis longtemps disparu. Si les adultes se nourrissent de miellatmiellat et de pollenpollen, leurs larves n'en sont pas moins carnassières. Elles utilisent ainsi leurs redoutables pièces buccales pour saisir puis déguster des puceronspucerons, des chenilleschenilles et même des acariensacariens. Afin d'accroître leurs chances de capture, mais aussi pour éviter toute prédation, les larveslarves de certaines espèces ont adopté une stratégie efficace : elles se fondent dans le paysage en se recouvrant, par exemple, de débris végétaux ou de restes d'autres insectes.
Selon différents experts, cette technique de camouflage serait ancienne, bien que son apparition n'ait pas encore été datée avec précision. C'est pourquoi l'insecteinsecte découvert en Espagne est important, il est en effet recouvert de débris végétaux ! Ainsi, cette stratégie de survie serait utilisée dans sa forme actuelle depuis au moins la fin du CrétacéCrétacé inférieur, ce qui recule le précédent record de 65 millions d'années. Ce n'est pas tout. Cette découverte correspondrait également au plus vieux cas de camouflage observé chez un insecte !
Selon des analyses morphologiques réalisées au microscope, tous les débris végétaux trouvés sur Hallucinochrysa diogenesi correspondraient à des trichomes de fougères. Il s'agit de poils pouvant assurer différentes fonctions. © université de Barcelone
Un vieux cas de mutualisme entre chrysopes et fougères ?
Le corps du névroptère trouvé mesure 4 mm de long. Il serait exclusivement recouvert par des trichomestrichomes de fougères, ce qui pourrait prouver que ce comportement était déjà évolué puisque l'animal semble avoir sélectionné ses attributs. Les larves actuelles maintiennent les débris grâce à de petites excroissances pourvues de villositésvillosités. Hallucinochrysa diogenesi possédait quant à lui de longs tuberculestubercules (voir la photographiephotographie ci-dessous) recouverts de poils terminés « en trompette ». Leur disposition devait à l'époque former une sorte de corbeille destinée à empêcher tout glissement des débris végétaux sur le dosdos de l'insecte. Cette morphologiemorphologie est unique à ce jour.
Selon les auteurs, la mise au jour de cette larve dévoilerait également un vieux cas de mutualisme entre deux espèces, chacune tirant avantage de l'autre. Les fougèresfougères pourraient avoir fourni un abri et du matériel de camouflage aux larves de chrysope en échange d'un habitat et d'une élimination de leurs parasitesparasites. Que cette hypothèse soit validée ou non, Hallucinochrysa diogenesi conserve le mérite d'avoir fourni de précieux éléments d'information sur le développement de certains comportements et stratégies de survie au cours de l'évolution.