C’est un triste destin qu’a connu cet oisillon, mort il y a 127 millions d’années alors qu’il venait tout juste de sortir de l’œuf. Aujourd’hui, pourtant, son fossile est une aubaine pour les paléontologues car il leur permet de remonter l’arbre évolutif des oiseaux jusqu’au temps des dinosaures.

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    Dans le gisement fossilifère de Las Hoyas, en Espagne, une équipe internationale de chercheurs a mis au jour un nouveau spécimen juvénile d'oiseau du Crétacé (-145 à -65 millions d'années). Le squelette presque complet, auquel il ne manque que les pattes antérieures et postérieures et le bout de la queue, mesure moins de 5 cm, ce qui fait de lui l'un des plus petits fossiles d'oiseaux datant de cette époque jamais découverts. L'animal ne devait pas peser plus de 10 g de son vivant.

    Le saviez-vous ?

    Dans les calcaires de Las Hoyas, en Espagne, des paléontologues ont trouvé le fossile d'un des plus anciens mammifères connus, Spinolestes xenarthrosus, datant lui aussi du Crétacé.

    Le minuscule fossile appartient à la sous-classe des Énantiornithes, des oiseaux à dents du Crétacé. Toutes les espèces de ce groupe ont disparu lors de l'extinction du Crétacé-Tertiaire. Il ne s'agit donc pas d'un ancêtre direct des oiseaux modernes, qui descendent des Euornithes. Il intéresse cependant les chercheurs car les Énantiornithes représentent une des plus anciennes divergences évolutives des oiseaux.

    Vue d’artiste de l’oisillon découvert dans le gisement fossilifère de Las Hoyas, en Espagne. Il est à peine plus gros qu’un cafard. © Raúl Martin, Fabien Knoll <em>et al.</em>, <em>Nature Communications</em>, 2018

    Vue d’artiste de l’oisillon découvert dans le gisement fossilifère de Las Hoyas, en Espagne. Il est à peine plus gros qu’un cafard. © Raúl Martin, Fabien Knoll et al., Nature Communications, 2018

    Bien qu'il ne soit pas le premier fossile d'Énantiornithes à passer entre les mains des paléontologuespaléontologues, cet oisillon est exceptionnellement rare puisqu'il est mort juste après l'éclosion. C'est un stade crucial pour analyser le développement du tissu osseux, qui renseigne sur certains traits évolutifs des oiseaux, telle la capacité de voler.

    « La diversification évolutive des oiseaux a donné lieu à un éventail de stratégies d'éclosion et a entraîné d'importantes différences dans la vitessevitesse de développement [des oisillons]. En analysant le développement osseux, nous pouvons observer une grande quantité de traits évolutifs, » explique en effet Fabien Knoll, co-auteur de la découverte, dans un communiqué de l'université de Manchester.

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    Pour analyser le développement osseux de l'oisillon, les chercheurs ont eu recours à l'imagerie par microtomographie synchrotron. Ils ont donc fait appel à des accélérateurs en Europe et aux États-Unis, dont le SLACSLAC en Californie et l'ESRF de Grenoble. Ce procédé leur a permis d'analyser la composition chimique du squelette, qui présente du ferfer (en rouge sur la photographiephotographie en tête d'article), du siliciumsilicium (en vert) et du phosphorephosphore (en bleu).

    Les chercheurs ont pu également observé la structure des os du minuscule fossile avec force détails, à l'échelle submicronique (inférieure au micronmicron). Ils se sont alors aperçus que le sternumsternum du spécimen était encore cartilagineux. Il ne s'était pas encore ossifié, ce qui signifie que l'oisillon ne pouvait pas voler.

    Le fossile révélé par imagerie au rayonnement synchrotron grâce au phosphore qu’il contient (à gauche) et une photographie du fossile (à droite). Il est aujourd’hui entreposé au Musée de Paléontologie de Castille-La Manche, en Espagne. © Fabien Knoll <em>et al.</em>, 2018

    Le fossile révélé par imagerie au rayonnement synchrotron grâce au phosphore qu’il contient (à gauche) et une photographie du fossile (à droite). Il est aujourd’hui entreposé au Musée de Paléontologie de Castille-La Manche, en Espagne. © Fabien Knoll et al., 2018

    De plus, les paléontologues ont comparé l'ossification présentée par cet oisillon avec celles observées dans de précédentes études chez d'autres fossiles juvéniles d'Énantiornithes. Ils en ont déduit que les stratégies de développement de cette sous-classe d'oiseaux seraient plus diversifiées que ce que l'on pensait, en termes de taille et de rythme de maturation du squelette. Par contre, leur découverte corrobore l'idée d'un développement des os du sternum et des vertèbres asynchroneasynchrone, c'est-à-dire à un rythme différent, chez les oiseaux archaïques.

    Fabien Knoll et ses collègues, aux universités de Madrid et de Manchester, et au Muséum d'histoire naturelle de Los Angeles, sans oublier les chercheurs affiliésaffiliés aux synchrotrons mobilisés pour l'analyse du fossile, ont détaillé leur découverte dans le journal Nature Communications.