La cuisine serait-elle apparue avec Homo erectus ? Une étude vient de montrer que c’est à partir de cette espèce que les bénéfices apportés par la cuisson sont inscrits physiquement dans la morphologie des individus.
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Une reconstitution de la tête d'Homo erectus, présentée au Muséum d'histoire naturelle de Washington. © Robert Goodwin, Flickr, CC by-nc-sa 2.0
L'Homme est le seul animal à modifier la majorité de sa nourriture grâce à différents procédés, dont la cuisson. De nombreuses recherches ont déjà montré que cette habitude était beaucoup plus qu'un simple plaisir gustatifgustatif. Les aliments cuits réduisent l'effort de mastication et sont plus faciles à assimiler : ils sont plus tendres, plus digestes, et permettent ainsi l'apport rapide de plus de caloriescalories. En diminuant la duréedurée des moments consacrés à s'alimenter, la cuisson a, pour les chercheurs, permis d'allouer plus de temps à d'autres activités, sociales, d'artisanat ou de chasse.
L'invention de la cuisine aurait donc joué un rôle important dans l'évolution vers l'Homme moderne en le libérant en partie d'une grande préoccupation : comment remplir suffisamment son estomacestomac. Pourtant, la façon dont nos ancêtres ont généralisé ce comportement et le moment où ils en ont tiré physiquement bénéfice étaient jusqu'à présent inconnus. Une équipe de l'université de Harvard affirme que c'est Homo erectus qui, le premier, a subi des transformations physiquesphysiques liées au nouveau mode d'alimentation.
Des repas rapidement expédiés
Pour parvenir à cette conclusion, Chris Organ et ses collègues ne s'appuient pas sur l'étude de foyers de cuisson ou de reliefs de repas. Leur méthode, apparemment inédite, repose sur des analyses statistiques, phylogéniques et morphologiques. Les scientifiques ont estimé le temps que passent l'Homme moderne et les primates non-humains à se nourrir. L'évolution et la taille du corps peuvent expliquer une différence, mais certainement pas le fossé observé : quand le chimpanzé passe près de la moitié de son temps à s'alimenter (48 %), l'Homme n'y consacre pas 5 %. Dix fois moins que ses cousins poilus !
Chez l'Homo erectus, selon l'équipe, le temps serait du même ordre que celui de l'Homme moderne. Pour les chercheurs, la seule explication est qu'un fort changement a eu lieu entre le moment où la lignée conduisant à l'Homme a divergé d'avec les grands singes. Ce bouleversement étant la préparation des aliments. Ils sont alors partis à la recherche d'indices anatomiques permettant d'en préciser le moment. C'est la variation de taille des molairesmolaires qui leur a fourni la réponse.
Alors que chez les premiers Homo (H. habilis et H. rudolfensis), la diminution de taille des molaires est cohérente et explicable par l'évolution du crânecrâne, une brusque diminution est observée chez Homo erectus. Le déclin se poursuit de façon irrégulière chez Homo sapiens et nous en avons encore une trace dans les dents vestigialesvestigiales, parfois absentes, nos « dents de sagesse ». Rien dans la phylogénie ou l'évolution de la taille du corps ne permet cette fois d'expliquer un tel changement. Pour les chercheurs, c'est la marque nette de la modification du comportement alimentaire.
La transformation des aliments avant de les consommer se serait donc généralisée à partir de 1,9 million d'années environ avant le présent, conjointement ou juste avant l'apparition d'Homo erectus qui devient ainsi le premier des cuisiniers. Les recettes ont dû toutefois bien changer...