La Crète, cinquième plus grande île de Méditerranée, a abrité dans les temps anciens des éléphants et… des mammouths nains. C’est ce que révèle une nouvelle analyse de molaires fossilisées trouvées au début du siècle. La découverte d’un os des membres antérieurs en 2011 confirme même qu'il s’agirait de la plus petite espèce de mammouth connue à ce jour.

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    Les îles méditerranéennes ont abrité des populations de pachydermes présentant des tailles particulièrement petites. L'éléphant de Sicile Palaeoloxodon falconeri, disparu maintenant depuis 500 ans, mesurait à peine 1 mètre de haut au niveau des épaules. Pourtant, son ancêtre Palaeoloxodon antiquus, qui vivait sur le continent, pouvait atteindre une hauteur au garrot de 3 mètres. Comment expliquer une telle diminution de taille ?

    Il s'agirait typiquement d'un cas de nanisme insulaire. Les animaux terrestres colonisant les îles sont souvent de bons nageurs. Ils peuvent traverser des étendues d'eau sans être suivis par leurs prédateurs. Une fois sur les îles, ils n'ont donc plus besoin d'afficher de grandes dimensions par mesure de protection. Par ailleurs, les ressources sont limitées sur ces espaces restreints. Les animaux de petites tailles, qui ont par exemple besoin de moins de nourriture, ont donc plus de chance de survivre.

    L'éléphant de Sicile a aussi été répertorié en Crète où il devait cohabiter avec une seconde espèce de pachyderme : Palaeoloxodon creticus. Des molairesmolaires fossiles appartenant à cet animal ont été découvertes en 1904 à Cape Malekas. Une nouvelle étude divulguée par Victoria Herridge et Adrian Lister, du National History Museum (NHM, Londres), dans la revue Proceedings of the Royal Society B vient totalement bouleverser cette théorie. En effet, les dents trouvées n'appartiendraient pas à un éléphant... mais bien à un mammouth ! L'espèce, qui a colonisé l'île voici 3,5 millions d'années (au maximum), a donc été renommée Mammuthus creticus.

    Victoria Herridge compare deux molaires appartenant respectivement à un mammouth de taille classique (pouvant atteindre une taille de 5 mètres au garrot) et à un spécimen nain (dans sa main). © <em>The Natural History Museum, London</em>

    Victoria Herridge compare deux molaires appartenant respectivement à un mammouth de taille classique (pouvant atteindre une taille de 5 mètres au garrot) et à un spécimen nain (dans sa main). © The Natural History Museum, London

    Le plus petit mammouth au monde

    Les deux chercheurs ont fait une nouvelle analyse des molaires découvertes au début du XXe siècle et complété leurs observations grâce à des dents trouvées en 2011. Les motifs des sillons et des crêtes, et donc les différentes formes de l'émailémail, seraient sans aucun doute à attribuer à des spécimens appartenant au genre des mammouths. Les scientifiques du début du siècle auraient mal classé le nouvel animal, une cohabitation entre des éléphants et des mammouths sur l'île leur paraissant inconcevable.

    Les dents ne permettent pas de déterminer une taille avec précision. Néanmoins, elles ont pu être utilisées pour montrer que le pachyderme trouvé en Crète devait être plus petit que la normale. Heureusement, un humérushumérus fossilisé, un os des membres antérieurs, a également été trouvé dans les fouilles ayant mis au jour les nouvelles molaires. Le mammouth nain de cette île méditerranéenne devait mesurer 1,10 mètre de haut (au garrot) et afficher un poids de 310 kgkg. Il avait donc la taille d'un éléphanteau d'Asie à la naissance, mais possédait des défenses courbes et une seule bosse sur la tête (les éléphants en ont deux).

    D'autres mammouths nains, appartenant aux espèces MammuthusMammuthus primigenius et Mammuthus exilis, ont respectivement été découverts dans le passé sur l'île Wrangel (Sibérie) et dans les îles Channel (Californie). Ils mesuraient 1,80 et 1,40 mètre de haut au garrot. La Crète a donc, et jusqu'à preuve du contraire, hébergé la plus petite espèce de mammouth connue à ce jour.

    Cet animal correspond à l'exemple le plus extrême de nanisme observé pour ce groupe. Il descendrait plus que probablement de Mammuthus meridionalis, mais il n'est pas possible d'exclure un lien avec Mammuthus rumanus. Cette découverte démontre également que le nanisme insulaire a pu agir sur deux lignées d'éléphantidés différentes simultanément en un même lieu.