Un oiseau fossile inconnu a été découvert en Chine. Âgé de 127 millions d’années, il appartient à une toute nouvelle espèce. Il pourrait aider les paléontologues à comprendre une énigme compliquée : comment les oiseaux primitifs à longue queue de reptile ont-ils évolué vers les oiseaux modernes ?

au sommaire


    L'histoire de l'évolution des oiseaux au temps des dinosaures se complexifie encore, après la découverte d'un étrange fossile âgé de 127 millions d'années dans le nord-est de la Chine. Les chercheurs de l'Institut de paléontologie des vertébrés et de paléoanthropologie (IVPP), affilié à l'Académie chinoise des sciences, qui l'ont découvert le décrivent comme une toute nouvelle espèceespèce dans un article paru dans les Pnas.

    Baptisé Jinguofortis perplexus, ce fossile datant du CrétacéCrétacé inférieur a de quoi dérouter les paléontologuespaléontologues. En effet, il présente une mosaïque de traits appartenant soit aux dinosaures non aviensaviens, soit aux oiseaux. Comme les dinosaures qui lui sont apparentés, il possède une mâchoire garnie de petites dents en lieu et place d'un becbec et dispose de griffes à l'extrémité de ses ailes. Cependant, le troisième doigt de la patte avant n'est constitué que de deux os, alors que les oiseaux plus anciens en ont encore trois.

    Fossile d’un oiseau du Crétacé découvert en Chine. Le spécimen appartient à une espèce nouvellement décrite, nommée <em>Jinguofortis perplexus</em>, où <em>Jinguofortis</em> provient du chinois <em>jinguo</em> signifiant « guerrière » et du latin <em>fortis</em> signifiant « courageux », pour rendre hommage aux femmes de science, tandis que <em>perplexus</em> rappelle son côté déroutant. © Wang Min <em>et al.</em>, 2018, <em>Pnas</em>

    Fossile d’un oiseau du Crétacé découvert en Chine. Le spécimen appartient à une espèce nouvellement décrite, nommée Jinguofortis perplexus, où Jinguofortis provient du chinois jinguo signifiant « guerrière » et du latin fortis signifiant « courageux », pour rendre hommage aux femmes de science, tandis que perplexus rappelle son côté déroutant. © Wang Min et al., 2018, Pnas

    Une des caractéristiques principales de J. perplexus réside dans sa queue raccourcie, une évolution notable par rapport à la longue queue articulée vue chez les tyrannosaurestyrannosaures et compagnie, ainsi que chez les oiseaux archaïques comme ArcheopteryxArcheopteryx. Le nouvel oiseau fossile appartient de fait au groupe Pygostylia, du nom d'un os typique des oiseaux modernes, le pygostylepygostyle, qui provient de la fusionfusion des dernières vertèbres caudales et qui porteporte les muscles ainsi que les plumes de la queue nécessaires au vol. Ce groupe rassemble tous les oiseaux à queue courte depuis le Crétacé jusqu'à nos jours.

    De nombreux autres traits témoignant d'une aptitude avancée à voler conduisent les paléontologues à affirmer qu'il s'agit d'un oiseauoiseau volant. Mais l'articulationarticulation de l'épaule de J. perplexus semble indiquer le contraire : l'omoplateomoplate et un autre os important, appelé coracoïde, sont fusionnés en un seul os, comme chez les dinosaures non aviairesdinosaures non aviaires et les oiseaux incapables de voler, telles les autruches. Par comparaison, l'articulation des oiseaux modernes constituée de deux os bien distincts est mobilemobile et facilite le battement des ailes. Autrement dit, J. perplexus aurait dû avoir toutes les peines du monde à voler...

    Comparaison de la morphologie des deux os principaux de la ceinture pectorale (omoplate et coracoïde) chez les principaux groupes de vertébrés à gauche. À droite, l’arborescence se concentre sur les oiseaux et montre la phylogénie (relations de parenté) entre les oiseaux primitifs du Jurassique et du Crétacé. Des schémas illustrent les changements majeurs dans l’évolution de l’épaule (à savoir la fusion de l’articulation ou la présence de deux os séparés) et de la patte avant (notamment la présence de deux ou trois os dans le troisième doigt). © Wang Min <em>et al.</em>, 2018, <em>Pnas</em>

    Comparaison de la morphologie des deux os principaux de la ceinture pectorale (omoplate et coracoïde) chez les principaux groupes de vertébrés à gauche. À droite, l’arborescence se concentre sur les oiseaux et montre la phylogénie (relations de parenté) entre les oiseaux primitifs du Jurassique et du Crétacé. Des schémas illustrent les changements majeurs dans l’évolution de l’épaule (à savoir la fusion de l’articulation ou la présence de deux os séparés) et de la patte avant (notamment la présence de deux ou trois os dans le troisième doigt). © Wang Min et al., 2018, Pnas

    Jinguofortis perplexus volait dans les forêts denses du Crétacé

    Les os qui forment la ceinture pectorale, ou pour parler simplement, l'articulation de l'épaule, sont de précieux indicateurs de la capacité des oiseaux à voler. Pour autant, le fait que J. perplexus possède encore une ceinture pectorale fusionnée en un seul scapulo-coracoïde comme chez les dinosaures non aviaires n'effraie pas les paléontologues, pour qui cela montre que l'évolution à tester plusieurs voies d'acquisition du vol et différentes façons de voler.

    En effet, d'après le reste de son squelette et ses plumes, J. perplexus volait bel et bien de son vivant, mais d'une manière différente de celle que l'on connaît chez les oiseaux modernes. Sa taille était celle d'un corbeau et ses ailes étaient courtes mais larges (voir la vue d'artiste en tête d'article). Cette forme, ainsi que le rapport entre le poids du corps et la surface portante des ailes - un critère déterminant pour le vol et l'atterrissage - indiquent qu'il était particulièrement adapté aux forêts denses, communes durant le Crétacé inférieur. Il consommait essentiellement des végétaux, comme l'indiquent les gastrolithes, ou « cailloux de gésier », qu'il avalait pour faciliter la digestiondigestion, tout comme les oiseaux herbivoresherbivores de nos jours.

    L’évolution de la capacité à voler a été plutôt brouillonne

    « On pense en général que [la ceinture pectorale] des oiseaux modernes a évolué par le perfectionnement graduel des plumes, des muscles et des os sur des millions d'années. Mais ce nouvel oiseau fossile montre que l'évolution de la capacité à voler était beaucoup plus brouillonne », explique Wang Min, premier auteur de la publication, dans des propos rapportés par National Geographic. Les paléontologues soulignent d'ailleurs que J. perplexus est une espèce pivot dans l'évolution de l'aptitude à voler.

    En tant que deuxième plus ancien représentant des Pygostylia après les espèces du genre Chongmingia (voir phylogéniephylogénie ci-dessus), ce fossile enrichit la diversité des oiseaux primitifs, tant par leurs traits que par leur façon de voler. Il apporte de nouveaux éléments pour comprendre le passage des oiseaux archaïques à longue queue aux oiseaux modernes.


    Un nouveau fossile d'oiseau découvert en Chine

    Le fossile d'un échassier encore inconnu jusqu'à présent et qui vivait il y a quelque 125 millions d'années a été découvert dans les sédimentssédiments de la province du Liaoning en Chine, la "mine d'or" des fossiles à plumes.

    Extrait du BE Chine N°25 - Ambassade de France en Chine, publié le 22/01/2006

    Hongshanornis longicresta vient enrichir un catalogue déjà fourni d'une vingtaine d'espèces d'oiseaux mis à jour dans cette région du monde. L'oiseau décrit par ZHOU Zhonghe et ZHANG Fucheng de l'Institut de paléontologie et de paléoanthropologie des vertébrés de l'Académie des sciences de Chine à Pékin appartient au groupe des ornithurines. Il possède de longues pattes, un corps relativement petit, un bec fin et dépourvu de dents. Le fossile, très bien conservé, révèle le plumage presque complet de l'oiseau aux ailes courtes et dont la tête était ornée d'une crête.

     <em>Hongshanornis longicresta</em>, oiseau du Crétacé<br />Crédits : Zhonghe Zhou, Fucheng Zhang, PNAS

    Hongshanornis longicresta, oiseau du Crétacé
    Crédits : Zhonghe Zhou, Fucheng Zhang, PNAS

    Les espèces d'oiseaux découverts en Chine et datant du début du Crétacé sont très variées tant par leur taille, que par leur morphologiemorphologie, leur capacité de vol, leur alimentation ou leur milieu naturel.

    Par Matthieu Masquelier