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Le problème soulevé par l'« explosion cambrienne était déjà connu de Darwin car il contredisait partiellement sa théorie initiale de l'évolution. En effet, si les paléontologuespaléontologues du XIXe siècle devaient encore se limiter à établir une chronologie relative, ils avaient bien remarqué ce qui semblait être un brusque début des temps fossilifères dans les couches géologiques dites du Cambrien. Nous savons aujourd'hui, grâce aux méthodes de datation absoluedatation absolue découvertes au XXe siècle, que cela correspond à un évènement qui s'est produit il y a environ 542 millions d'années (Ma).
La vie semble faire à ce moment-là un brusque saut sur l'axe de l'infiniment complexe qui décrit l'universunivers conjointement avec celui de l'infiniment petit et de l'infiniment grand. En effet, la plupart des grands embranchementsembranchements actuels de métazoaires, c'est-à-dire les animaux pluricellulaires, se mettent en place à cette époque, accompagnés par une grande diversification des espèces animales, végétales et bactériennes. Les spécialistes savent aujourd'hui que cette explosion n'a pas été aussi soudaine qu'ils le croyaient. Des métazoaires relativement complexes devaient exister avant cette date, même si les organismes unicellulaires, parfois regroupés sous forme de colonies, étaient majoritaires.
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Comprendre ce qui a causé l'explosion cambrienne est d'une très grande importance pour le biologiste cherchant à percer les mystères de l'évolution - et pas seulement à retracer ses différentes étapes. Plusieurs hypothèses ont été avancées au cours des années et l'une d'elle relie cette explosion à un changement de la géochimie planétaire causé par la vie elle-même : la production d'oxygène par des organismes photosynthétiques. Dans un récent article du journal Nature, la biologiste Patricia Sánchez-Baracaldo, de l'université de Bristol, est même plus spécifique. Pour elle, c'est l'apparition des cyanobactéries planctoniques productrices d'oxygène pendant le Néoprotérozoïque (la troisième et dernière ère du ProtérozoïqueProtérozoïque qui s'étend de 1.000 Ma à 542 Ma) qui a fortement contribué à l'explosion cambrienne.
Des horloges moléculaires pour comprendre l'explosion cambrienne
La vie a découvert la photosynthèse il y a plus de 3 milliards d'années. Elle devait être anoxygènique à ses débuts (c'est-à-dire qu'elle ne produisait pas de dioxygène) mais, il y a environ 2,4 milliards d'années, au moment de la fameuse Grande OxydationGrande Oxydation (Great Oxidation Event, ou GOE, en anglais), elle devait produire de l'oxygène qui a commencé à être présent dans les océans - après avoir provoqué la précipitation du ferfer -, puis dans l'atmosphèreatmosphère. Après ce premier bond, la quantité d'oxygène atmosphérique est restée encore peu importante et stable jusqu'à il y a environ 800 millions d'années. Elle a ensuite crû bien plus rapidement, en quelques centaines de millions d'années, pour atteindre une valeur comparable à celle d'aujourd'hui. C'est ce que l'on appelle en anglais le Neoproterozoic Oxygenation Event.
Or, Patricia Sánchez-Baracaldo a découvert, en utilisant les outils modernes de la biologie moléculairebiologie moléculaire, que c'est précisément de cette époque que daterait l'apparition des cyanobactériescyanobactéries planctoniques. Elles auraient évolué à partir d'ancêtres qui restaient confinés sur les fonds peu profonds des mers, des océans et peut-être même dans l'eau douceeau douce. Les cyanobactéries se seraient donc limitées à dominer les côtes pendant des milliards d'années avant de coloniser les océans, disposant d'une plus grande surface de développement et, par conséquent, pouvant produire bien plus d'oxygène par photosynthèsephotosynthèse.
Il est donc vraisemblable d'imaginer que cette révolution dans le monde des cyanobactéries a préparé et rendu possible l'explosion cambrienne car l'oxygène permet une activité biologique plus importante. D'autres facteurs ont cependant pu avoir un impact significatif. On évoque ainsi par exemple depuis un certain temps l'hypothèse de la Terre boule de neige. Cette glaciationglaciation massive aurait provoqué une extinction majeure et donc un goulot d'étranglementgoulot d'étranglement génétiquegénétique. Cela aurait conduit à une sélection de parentèles, c'est-à-dire que des associations d'organismes unicellulaires conduisant aux multicellulaires auraient été plus efficaces d'un point de vue adaptatif pour assurer la survie des organismes vivants.