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Le riche gisement de Cordebugle (Normandie) est connu depuis un siècle pour la qualité exceptionnelle de ses coquilles du Jurassique. Ce gisement a maintenant disparu, mais le Muséum national d'Histoire naturelleMuséum national d'Histoire naturelle, ainsi que l'Université de Paris VI (UPMC) conservent des collections de ce précieux matériel. Une équipe de paléontologuespaléontologues a donc eu l'idée de les réétudier afin de vérifier si ces coquilles portaient encore des motifs colorés.
Cette expérience a été menée en utilisant une méthode non destructive qui consiste à exposer les coquilles sous lumièrelumière UV (ultravioletultraviolet). En effet, sous UV, les parties de la coquille, autrefois colorées et que l'on ne voit plus en lumière naturelle, vont devenir fluorescentes, prendre des teintes jaune pâle ou rouges et vont ainsi dessiner les motifs.
Motifs colorés résiduels (ayant subi une altération naturelle du temps) d’un gastéropode (A) et d'un bivalve (C) du Jurassique supérieur (environ 160 Ma) de Cordebugle (Normandie). A, C photographiés en lumière naturelle B, D photographiés sous lumière UV. Les barres d'échelle mesurent 10 mm. © Bruno Caze, Didier Merle, Simon Schneider, Plos One
Les plus anciens motifs colorés
Sur 46 espèces étudiées sous lumière UV, 25 ont montré des motifs colorés. Ces espèces sont des gastéropodes et des bivalvesbivalves marins (deux classes de mollusquesmollusques) ayant vécu en milieu peu profond. Leur étude a permis de distinguer neuf types de motifs différents dont six chez les gastéropodes et trois chez les bivalves. Ces observations indiquent une phase de diversification des motifs colorés nettement antérieure à celle de l'ère tertiaire (-65 à -2,6 Ma). Mais elles montrent aussi qu'à l'instar de la faunefaune actuelle, les motifs colorés des gastéropodes du Jurassique sont déjà plus variés que ceux des bivalves.
Par ailleurs, l'existence de deux types distincts de fluorescence chez les gastéropodes met en évidence une différence majeure dans la composition chimique des pigments impliqués dans la formation de leurs motifs colorés. Cette différence est en effet d'une grande importance pour la classification des gastéropodes car elle permet de distinguer les membres de différents grands cladesclades. Ainsi, les Vetigastropoda émettent une fluorescence rouge tandis que les Caenogastropoda et les Heterobranchia émettent une fluorescence jaune-vert.
Enfin, jusqu'à maintenant, les plus anciens motifs colorés préservés et observés sous lumière UV datent du début de l'ère tertiaire et ont environ 55 millions d'années. Leur révélation chez des espèces âgées d'environ 160 millions d'années montre que l'étude de ces motifs colorés peut s'étendre à des périodes très anciennes, ce qui permettra de mieux comprendre leur évolution au cours du temps.
Ces travaux, publiés le 3 juin 2015 dans la revue Plos One, révèlent une diversification très ancienne des motifs colorés des coquillages.