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À la fin du Crétacé supérieur, les mosasaures formaient un groupe de redoutables prédateurs qui sévissait dans les océans du globe, voire dans quelques fleuves et rivières selon une récente découverte. Outre leur puissante mâchoire, ces reptiles marins (ou dulçaquicolesdulçaquicoles) pouvant mesurer jusqu'à 18 m de long possédaient également un corps allongé soutenu par des dizaines de vertèbres (jusqu'à 150 chez certaines espèces).
Selon l'image classiquement établie des mosasaures, cette colonne vertébralecolonne vertébrale se terminait dans une queue aplatie comparable à celle des anguilles. Ainsi, l'animal devait se déplacer en ondulant une grande partie de son corps, contraint de ne pouvoir exécuter que de courtes accélérations. À la lueur de nouvelles observations, cette représentation apparaît erronée.
Johan Lindgren (université de Lund, Suède) et deux de ses collaborateurs ont eu l'opportunité d'étudier un fossile dont des tissus mous ont été conservés au niveau de la queue. Ils délimitent très clairement la forme qu'avait la nageoire caudale du reptile, qui était donc hypocerque. En d'autres termes, elle était composée de deux lobes dont l'inférieur (qui abritait la fin de la colonne vertébrale) était plus grand que son homologue supérieur. Pour s'en faire une idée précise, il faut imaginer une queue de requin... mais avec le haut en bas et vice-versa. L'information a été publiée dans la revue Nature Communications.
Les contours de la queue hypocerque du mosasaure jordanien (ERMNH HFV 197) sont clairement visibles sur la droite de l’image. Ils ont persisté grâce à la conservation de tissus mous (en gris sur le schéma). La représentation du bas a été dessinée par Johan Lindgren. Elle fait mieux apparaître les détails du fossile, qui se compose également de quatre membres locomoteurs transformés en palettes natatoires. © Johan Lindgren
Le mosasaure performant comme les requins pélagiques actuels
Le fossile a été mis au jour en 2008 dans la formation géologique de Muwaqqar Chalk Marl, au centre de la Jordanie, précisément dans des roches calcairescalcaires datant du Maastrichtien (âge allant de 70,6 à 65,5 millions d'années). À l'époque, cette région se situait dans la partie sud de l'océan Néothétys (un nom qui reste débattu). L'espèce a pour la première fois été décrite, et nommée, en 2009. Cependant, il s'est avéré qu'elle n'avait pas été placée dans le bon genre (Tenerasaurus), ce qui lui a valu depuis un changement de nom. Elle s'appelle désormais Prognathodon hashimi, en référence notamment à la petite taille du fossile : 1,5 m de long. En réalité, le reptile marin catalogué sous la référence ERMNH HFV 197 est un individu juvénile.
Dissimulés sous une pellicule blanchâtre, les tissus mous ont pour leur part été remarqués en 2011 par l'auteur principal de l'article. Ainsi, les mosasaures avaient une nageoire caudale bilobée. Les implications liées à cette découverte ne sont pas négligeables. En effet, une telle morphologiemorphologie signifie que seuls la queue et l'arrière du corps ondulaient durant les déplacements de l'animal, avec pour conséquence directe que la tête et l'avant du corps formaient un bloc rigide maintenu dans l'axe de déplacement du reptile. Les mosasaures avaient donc un meilleur hydrodynamisme que ce qu'on pensait jusqu'ici, c'est pourquoi leurs performances de nage doivent être revues à la hausse.
Selon des comparaisons écomorphologiques, elles devaient sensiblement être les mêmes que celles des principaux requins pélagiquespélagiques actuels. Cette découverte, qui redessine la silhouette des mosasaures, démontre à quel point ce groupe était adapté à la vie marine à la fin du Crétacé et à son rôle de prédateur. Leur queue était donc comparable à celle des requins... qui peuplaient déjà le même milieu à l'époque. Ne serions-nous en présence d'un nouvel exemple de convergence évolutive, comme le suggère l'étude ? Les mosasaures ont depuis disparu en même temps que les dinosaures.