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Lluc, alias Anoiapithecus brevirostris, reconnaissable à son fin menton. © Universitat Autònoma de Barcelona
Lluc a un look moderne. C'est la conclusion de Salvador Moyà-Solà et de ses collègues de l'Institut catalan de paléontologie (ICP, Institut Català de Paleontologia, ICP), de l'Université Autonome de Barcelone. Cette appréciation vient de la forme de sa mâchoire, qui avance peu vers l'avant. Lluc est peu prognathe. Or c'est l'une des différences les plus visibles entre la lignée des hommes modernes, du genre Homo, et celle qui mène aux grands singes (chimpanzés, bonobos, gorilles, orang-outan). C'est le cas aussi pour Toumaï, découvert au Tchad en 2001. Mais lui vivait il y a environ 7 millions d'années alors que Lluc a été daté à 11,9 millions d'années, en plein milieu du MiocèneMiocène.
De plus, il ne vivait pas en Afrique mais en Europe puisque ses découvreurs l'ont trouvé à Abocador de Can Mata, en Catalogne, dans la région d'Anoia, sur le site de la commune de Els Hostalets de Pierola, qui a déjà donné un fossilefossile de primateprimate du Miocène. L'équipe, qui décrit sa découverte dans les Pnas, l'a officiellement baptisé Anoiapithecus brevirostris, ce qui signifie à peu près singe d'Anoia à face courte.
Les restes du crâne de Anoiapithecus brevirostris montrent un mélange de caractères propres à la lignée humaine et à des cousins plus lointains (cliquer sur l'image pour l'agrandir). L'ouverture nasale large, la racine de l'os zygomatique assez haute et le palais profond sont des caractères d'hominidés tandis que d'autres, comme des dents à émail épais et à capsides globuleuses, se retrouvent chez d'autres primates fossiles. De plus, certains caractères le rapprochent des kenyapithécinés, ancêtres possibles des hominidés.
© Salvador Moyà-Solà et al. / Pnas
Une histoire qui reste à écrire
Si les chercheurs l'ont surnommé Lluc, c'est pour rappeler le mot latin luxlux, qui signifie lumièrelumière, et affirmer ainsi que ce nouveau membre de la famille dont font partie les hommes éclaire d'un jour nouveau l'histoire des primates et des hominidéshominidés.
Ce prognathisme discret ne suffit pas à faire de Anoiapithecus brevirostris un nouvel ancêtre de l'homme actuel. Mais on peut le situer à coup sûr parmi les hominoïdeshominoïdes, un groupe dont la définition varie selon la classification utilisée mais qui réunit toujours les hominidés (l'homme actuel et les australopithèquesaustralopithèques), les chimpanzés et les gorilles.
Ce nouveau squelette devrait permettre de mieux préciser les liens qui entre ces représentants disséminésdisséminés sur des millions d'années. Il donne aussi des indications sur les zones géographiques où se sont déroulées l'évolution et les divergences de ces lignées de primates anthropoïdesanthropoïdes.
Les auteurs indiquent que, désormais, le groupe des kenyapithécinés (kenyapithecins en anglais), des grands singes fossiles (les kenyapithèques et les griphopithèques), sont de bons candidats au titre d'ancêtre de la famille des hominidés. Pour eux, ces primates anthropoïdes, venus d'Afrique entre 15 et 13 millions d'années, seraient à l'origine des premiers hominidés, apparus sur le pourtour de la Méditerranée et répartis ensuite en Eurasie.
Plus tard, ces ancêtres des grands singes et des hommes actuels auraient redécouvert l'Afrique, où serait née la lignée des Homo. Encore hypothétique et controversée, cette histoire reste encore à écrire mais Lluc constitue désormais un chapitre clé.