
Cette flûte à deux trous en ivoire de mammouth aurait entre 42.000 et 43.000 ans. Elle a été découverte dans la grotte de Geißenklösterle dans le Jura Suabe, dans le sud-ouest de l'Allemagne. © University of Tübingen
Plusieurs cultures se sont succédé dans l'histoire d'Homo sapiens. L'Aurignacien, entre -40.000 et -25.000 ans, serait la première à avoir laissé des traces durables d'art figuratif sous la forme de statuettes d'ivoire, de divers éléments de parure ou de blocs de pierre sculptés ou peints. Des œuvres d'art et des objets vieux de 40.000 à 38.000 ans, datant donc du Paléolithique supérieur, ont déjà été trouvés en Allemagne, en Bulgarie, en Espagne, en France ou en Italie. Les plus vieilles peintures du monde produites par des Aurignaciens auraient été peintes il y a 29.000 à 32.000 ans dans la grotte Chauvet en Ardèche. Elles représentent très bien ce dont étaient capables les Hommes modernes de l'époque.
En Allemagne, la grotte de Geiβenklösterle dans le Jura Souabe a abrité certains des premiers Homo sapiens lors de leur arrivée en Europe, comme en témoignent de nombreux objets (pierres taillées, bijoux, statuettes, etc.) trouvés à l'intérieur. Pour en être sûrs, des chercheurs de l'université d'Oxford (Royaume-Uni) et de Tübingen (Allemagne) viennent de redater la couche archéologique qui les abritait en appliquant une technique de datation à haute résolutionrésolution sur des ossements. Les nouvelles données, présentées par Tom Higham dans le Journal of Human Evolution, bouleversent quelque peu les connaissances déjà acquises sur cette culture.
Les os d'animaux analysés, dont certains portent des traces de coupures et de morsures humaines, seraient en effet âgés de 42.000 à 43.000 ans, repoussant ainsi de 2.000 à 3.000 ans l'âge de l'apparition de la culture aurignacienne. Ce résultat a plusieurs implications majeures.

De très nombreux bijoux, tels que ces pendentifs, de la culture aurignacienne ont été trouvés dans la grotte de Geiβenklösterl, à proximité des instruments de musique et des ossements ayant fait l'objet d'une datation à haute résolution. © University of Tubingen
Une flûte européenne vieille d’environ 42.500 ans
La méthode de datation repose sur l'analyse de radiocarbone mais, contrairement à d'autres, elle aurait été améliorée grâce à une meilleure élimination des fibres de collagènecollagène, sources de biais dans les mesures, présentes au sein des échantillons. Les datations sont donc plus précises qu'auparavant. Les os se trouvaient dans la même couche archéologique que des instruments de musique. Ainsi, les flûtes faites d'ivoire de mammouth ou d'os d'oiseau (naturellement creux) de la grotte de Geiβenklösterle correspondraient toujours aux plus vieux instruments trouvés en Europe, mais seraient plus vieilles de 7.500 ans par rapport aux résultats obtenus avec les première datations.
Certains aspects de l'expansion des Hommes en Europe peuvent également être revus puisque l'une des premières traces de la culture aurignacienne se trouve dorénavant en Allemagne. Une hypothèse avancée par des chercheurs de l'université de Tübingen voici plusieurs années se voit confirmée. Le Danube aurait pu servir de couloir de migration lors de l'arrivée des premiers Hommes modernes voici 45.000 ans. Leur migration aurait, contrairement aux anciennes théories, précédé le refroidissement climatique européen H4, ou « événement Heinrich 4 », survenu il y a 40.000 ans. L'ancienne théorie plaçait l'arrivée des premiers Hommes modernes dans la partie supérieure de la vallée du Danube tout de suite après la disparition du H4.
Homo sapiens serait entré en Allemagne pendant une période de redoux du dernier âge glaciaire, dans des conditions climatiques particulièrement défavorables à la présence de l'Homme de Néandertal. Malgré tous les efforts entrepris, aucune trace de cohabitation ou d'hybridationhybridation entre ces deux espècesespèces n'a été trouvée dans cette région allemande jusqu'à présent, mais les efforts de recherche se poursuivent.
La vallée du Danube et les grottes du Jura Souabe sont dorénavant vues comme un nouveau berceau possible de la culture aurignacienne. Il est cependant nécessaire de préciser que des traces de dispersion d'Hommes modernes préaurignaciens vieilles de 45.000 ans ont été découvertes dernièrement en Italie.