Les animaux qui peuplaient notre Planète au Carbonifère sont parfois considérés comme primitifs. Mais des fossiles trouvés récemment au Canada montrent que les ancêtres des mammifères, qui vivaient sur terre à cette époque lointaine, faisaient déjà preuve d’une attention particulière envers leur progéniture.
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« Il s'agit de la plus ancienne preuve de soins postnataux prolongés chez un vertébré », assure Hillary Maddin, chercheur à l'université de Carleton (Canada). La preuve en question, c'est un fossile vieux de près de 310 millions d'années. Des fossiles de lézard, plus exactement. Des animaux ressemblant aux varans de nos jours. Ils ont été trouvés sur une île de Nouvelle-Ecosse (Canada).
« L'animal adulte semble cacher et protéger l'un de ses petits dans une tanière », précise Hillary Maddin. Le petit est disposé sous la patte arrière de l'adulte et encerclé par sa queue. Et les deux animaux ont été trouvé à l'intérieur d'une souche d'arbre lithifiée. « Ce type de comportement est commun chez les mammifères d'aujourd'hui. Il est intéressant d'observer que cet animal le présentait aussi tôt », poursuit Hillary Maddin.
Une histoire évolutive à préciser
Car même si le Varanopidae retrouvé a l'aspect d'un lézard, il s'inscrit bien dans la branche évolutive qui a conduit aux mammifères. Laissant les reptiles, les oiseaux et les dinosauresdinosaures à leur propre destin.
Rappelons que les soins parentaux constituent une stratégie comportementale coûteuse pour le parent. Il détourne en effet des ressources dont il pourrait user à son propre bénéfice pour augmenter les chances de survie de sa progéniture. En la matièrematière, les soins postnataux prolongés sont probablement même les plus coûteux. C'est une pratique courante chez les mammifères dont les petits dépendent de leur mère pour se nourrir. Mais l'histoire évolutive de ce comportement reste encore peu connue.
L'histoire des animaux : les soins parentaux il y a 500 millions d’années
Parmi les premiers animaux marins, il y a un demi-milliard d'années, certains couvaient déjà leurs œufs, protégeant ainsi la croissance des embryonsembryons. C'est ce qu'ont découvert deux paléontologuespaléontologues en réexaminant, avec des techniques d'imagerie et d'analyse chimique poussées, des fossiles de Waptia fieldensis, un petit arthropodearthropode ressemblant à une crevette, trouvé il y a un siècle dans les schistesschistes de Burgess, un site fossilifèresite fossilifère exceptionnel de l'ouest du Canada.
Article de l'INSU paru le 02/01/2016
Les animaux actuels développent une grande variété de stratégies reproductives adaptées à leurs conditions de vie. Certains, comme le krill dont se nourrissent les baleines, libèrent dans le milieu une énorme quantité d'œufs, dont une infime partie seulement aura une chance de conduire à un animal mature. D'autres misent au contraire sur une production beaucoup plus faible associée à des soins parentaux donnant plus plus de chances de survie à chacun. Jusqu'à présent, on ignorait presque tout des stratégies reproductives des premiers animaux marins, apparus au Cambrien.
Deux paléontologues du Laboratoire de géologiegéologie de Lyon : TerreTerre, planètes et environnement (CNRS/Université Claude BernardClaude Bernard Lyon 1/ENS de Lyon), le Musée royal de l'Ontario et l'université de Toronto au Canada ont publié le 17 décembre 2015 dans la revue Current Biology un article décrivant des fossiles exceptionnellement bien conservés de Waptia fieldensis, un arthropode de 5 à 10 cm de long ressemblant à une crevette actuelle, provenant des schistes de Burgess, en Colombie-Britannique (Canada). Ils ont montré que cet arthropode vieux de 508 millions d'années couvait un petit nombre d'œufs agglutinés sous sa carapace qui, sur son dosdos, juste derrière la tête, délimitait un milieu protégé des agressions extérieures et bien ventilé. Cela en fait le plus ancien exemple de soins parentaux connu avec certitude.
Des œufs révélés par la microscopie électronique
W. fieldensis possède, comme les décapodes actuels, une carapace recouvrant le céphalothorax, entre les yeuxyeux et l'abdomenabdomen. Grâce à des techniques d'imagerie et de cartographie d'éléments chimiqueséléments chimiques, les chercheurs ont caractérisé chez plusieurs spécimens fossiles de W. fieldensis des œufs et des embryons, disposés sur une seule couche entre cette carapace et le corps de l'animal. Les œufs couvés étaient relativement gros (jusqu'à 2 mm) et peu nombreux (24 au maximum, parmi les spécimens observés). La microscopie électronique et l'étude des compositions chimiques permettent de distinguer des zones qui pourraient correspondre à la membrane, à l'embryon lui-même, et aux réserves vitellines qui lui permettent de se développer (le « jaune » des œufs de poule). La quantité variable de ces réserves laisse penser que les embryons observés sont à différents stades de développement.
De minuscules arthropodes actuels, de la classe des ostracodes, portent aussi leurs œufs sous une carapace, comme le faisaient déjà leurs ancêtres il y a 450 millions d'années. Ces ostracodes, W. fieldensis ou encore Kunmingella douvillei (un fossile du célèbre gisementgisement chinois de Chengjiang, daté de 515 millions d'années) ont en commun une carapace enveloppante et protectrice. Il semble donc que cet attribut morphologique ait favorisé le développement d'une stratégie de soin parental chez les arthropodes primitifs.