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Notre plus vieil ancêtre connu à ce jour, Ardipithecus kadabba, a vécu il y a 5,8 à 5,2 millions d'années. Mais il n'a pas autant marqué les esprits que LucyLucy ou Ardi. Probablement parce que son squelette est loin d'être complet. Ardi, de son nom scientifique Ardipithecus ramidus, aurait vécu il y a 4,4 millions d'années tandis que les plus anciens ossements d'AustralopithecusAustralopithecus afarensis (espèce à laquelle appartient Lucy), datent d'environ 3,4 millions d'années. Hormis leur âge, une autre différence de taille sépare ces deux individus : la bipédie.
Lucy se tenait droite sur ses jambes et se déplaçait en marchant sur le sol. Tous ses doigts de pied se situaient donc dans le même plan, avec un gros orteilgros orteil non opposable. Ardi devait quant à lui être plus à l'aise en hauteur puisqu'il possédait un cinquième doigt mobilemobile et surtout opposable aux quatre autres. De nombreuses espèces d'australopithèques ont été découvertes. Certaines ont vécu en même temps mais leurs fossiles ont été trouvés en des lieux géographiques relativement éloignés. Jusqu'à ce jour, aucune preuve de cohabitation n'a été trouvée pour la période s'étendant de -3 à -4 millions d'années.
Des os appartenant au pied d'un hominidé non déterminé ont été découverts en Éthiopie et viennent bouleverser ces informations. Datant de l'époque de Lucy, ils prouvent que plusieurs espèces d'hominidés préhumains ont cohabité. Ces informations sont présentées dans la revue Nature de ce 29 mars 2012 par Yohannes Haile-Selassie du Cleveland Museum of Natural History (CMNH).
Vue dorsale de tous les éléments squelettiques de l'hominidé découvert à Burtele en 2009, dans la région centrale de l'Afar. Les os du gros orteil sont à gauche. Il date de la même époque que Lucy. © Adapté de Haile-Selassie et al. 2012, Nature
Différent de Lucy sur base du gros orteil
Les ossements ont été découverts le 15 février 2009 par Stephanie Melillo, près de la localité éthiopienne de Burtele, dans la zone d'étude de Woranso-Mille. Ils se composent de 8 éléments : 3 métatarsesmétatarses complets (orteil n° 1, 2 et 4), 1 métatarse incomplet (orteil n° 3), 3 phalangesphalanges proximales et enfin, 1 phalange intermédiaire. Ils appartenaient tous à un pied droit. L'analyse des articulations révèle que le gros orteil était relativement mobile, au point de pouvoir s'opposer aux autres. Il devait très certainement être mieux adapté à une locomotion arboricolearboricole, tout comme Ardi.
L'horizon géologique hébergeant les ossements a été daté grâce à la méthode argonargon-argon (40Ar/39Ar) par le Berkeley Geochronology Center. Il daterait de 3,469 ± 0,008 millions d'années. Ainsi, le possesseur du pied de Burtele vivait à l'époque de Lucy, mais il ne peut appartenir à son espèce. Plusieurs hominidés préhumains ont donc bien cohabité entre 3 et 4 millions d'années avant le présent.
L’environnement de l’époque propice à la cohabitation
L'analyse d'animaux fossiles (poissons, crocodilescrocodiles et tortuestortues) trouvés à proximité du site de la découverte, en plus de l'étude de paramètres physiquesphysiques et chimiques des sédimentssédiments de l'époque, fournit des indices sur l'environnement qui prospérait il y a 3,4 millions d'années. Il devait ressembler à une mosaïque de milieux, hébergeant à la fois des zones dégagées parcourues par des rivières ou les canaux d'un deltadelta et une forêt ouverte composée d'arbresarbres et d'arbustes. Rien ne s'oppose donc à la coexistence des deux espèces.
En l'absence de crânecrâne ou de dent, le pied de Burtele n'a pas été attribué à une espèce précise. Parmi l'ensemble des groupes d'hominidés préhumains, certains d'entre eux ont choisi de devenir de bons marcheurs en se déplaçant sur leurs deux jambes tandis que d'autres ont gardé un mode de vie plutôt arboricole. Selon Bruce Latimer, un coauteur de l'étude, vous pouvez d'ores et déjà deviner ceux qui ont fait le meilleur choix...