Une scène de vie il y a 300 000 ans. Voilà la découverte majeure faite par des scientifiques sur un site paléolithique allemand. Un tableau qui se dévoile sous la forme de traces de pas imprimées dans la boue d’un ancien lac. Des traces d’éléphants, de rhinocéros, mais surtout d’une petite famille d’Hommes de Heidelberg.
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Imaginez... Un vaste paysage d'Europe du nord, couvert d'une forêt de bouleaux et de pins, au sein de laquelle se nichent quelques petits lacs. Sur les berges boueuses de l'un d'entre eux se trouvent une horde d'éléphants ainsi que quelques rhinocéros et ongulés. Certains se baignent, d'autres se désaltèrent. Et au milieu de tout cela, un petit groupe humain. Une famille, en y regardant de plus près, qui arpente elle aussi les bords de ce lac, laissant derrière elle de profondes empreintes de pieds dans la boue épaisse. Où va-t-elle ? Cela, personne ne le sait, et personne ne le saura jamais.
Si cette scène peut paraitre fantaisiste, elle a pourtant bien existé. Un jour, il y a environ 300 000 ans, sur cette terre qui appartient aujourd'hui à la Basse-Saxe allemande. Cette image du passé, qui témoigne avec une étonnante précision de cet écosystème du Paléolithique, nous est parvenue sous la forme d'empreintes figées à jamais dans la boue de ce petit lac.
Les plus anciennes traces humaines découvertes en Allemagne
C'est ainsi une découverte majeure qui a été réalisée sur le site de Schöningen, dans le nord-ouest de l'Allemagne. De nombreuses empreintes de pas fossilisées ont en effet été découvertes sur ce site paléolithique déjà renommé. Des empreintes d'animaux, mais également d'humains. Leur étude approfondie, et surtout leur datation à 300 000 ans, a permis d'attribuer ces dernières à une famille d'Hommes de Heidelberg, une espèce du genre Homo depuis longtemps disparue et considérée comme l'ancêtre probable de Néandertal et de l’Homme de Denisova. Ces traces humaines seraient d'ailleurs les plus anciennes jamais trouvées en Allemagne.
Les empreintes ne sont pas les seuls indices ayant permis de reconstituer ce tableau. C'est en effet tout un ensemble d'analyses sédimentologiques, paléontologiques et paléobotaniquespaléobotaniques qui ont aidé les scientifiques à déterminer la faunefaune et la flore ayant occupé cette région d'Europe il y a 300 000 ans. Les traces de pieds ont, quant à elles, permis de caractériser plus précisément le petit groupe humain ayant arpenté les berges de ce lac peu profond. Trois traces ont été en effet identifiées. Deux d'entre elles appartiendraient à de jeunes individus. La troisième serait celle d'un adulte. Pour les scientifiques, il s'agirait donc d'une excursion en famille plutôt qu'une sortie de chasse.
Des traces d’éléphants de 55 centimètres de long aux côtés des empreintes humaines
Que faisaient-ils là ? Les réponses à cette question resteront à tout jamais du domaine de la supposition mais les scientifiques suggèrent qu'ils auraient pu être en quête de nourriture, les bords du lac regorgeant de plantes, de fruits, de jeunes pousses et de champignonschampignons. D'autres sites datant du début et du milieu du PléistocènePléistocène où des empreintes de pas ont été retrouvées appuient l'idée que les homininéshomininés de cette époque s'installaient fréquemment à proximité de tels petits lacs peu profonds.
La découverte de Schöningen, dont les résultats ont été publiés dans la revue Quaternary Science Reviews, permettent d'entrapercevoir un fragment de ce qu'a pu être la vie d'une famille d'Hommes de Heidelberg. Les informations collectées permettent de mieux comprendre le comportement social et la composition de ces groupes d'homininés, de même que les interactions qu'ils ont pu avoir avec les autres mammifèresmammifères vivant dans le même environnement, notamment les éléphants. Les traces retrouvées sont d'ailleurs impressionnantes : avec une longueur de 55 centimètres, elles correspondent au Palaeoloxodon antiquus, qui est supposé être le plus gros animal terrestre de l'époque. Pour la première fois en Europe, les traces d'un rhinocéros (Stephanorhinus kirchbergensis ou Stephanorhinus hemitoechus) ont également été identifiées.