Une analyse du squelette sur une série de fossiles révèle que la respiration des dinosaures théropodes ressemblait à celle des oiseaux. Et ce n’est pas rien ! Plus complexe et plus efficace que celle des mammifères, la respiration des oiseaux est considérée comme une adaptation au vol. Elle a dû pourtant apparaître bien plus tôt et incite à penser que ces dinosaures, Velociraptor et autres Oviraptor, étaient très actifs…
Un Velociraptor mongoliensis attaquant un Protoceratops andrewsi © Todd Marshall

Un Velociraptor mongoliensis attaquant un Protoceratops andrewsi © Todd Marshall

Les Maniraptores (appartenant à la grande famille de théropodes), ces dinosaures bipèdes dont les pattes avant sont presque transformées en mains, ne respiraient pas comme les lézards mais comme les oiseaux actuels. La révélation n'est pas si surprenante puisque les oiseaux actuels sont les descendants de théropodes. Mais le travail publié cette semaine dans les Annales de la société royale britannique éclaire d'un jour nouveau la vie de ces dinosaures carnivores et hyperactifs.

L'étude a porté sur une série de fossiles mais aussi sur les oiseaux actuels pour reconstituer l'histoire de l'apparition d'une curieuse caractéristique aviaire : une longue excroissance sur chacune des côtes, perpendiculaire à l'axe de l'os, et appelée apophyse uncinée. A quoi sert-elle ? Longtemps, les physiologistes en sont restés à une explication émise en 1960 et selon laquelle ces apophyses, en appuyant chaque côte sur la suivante, serviraient à rigidifier la cage thoracique, évitant qu'elle ne se déforme trop pendant les énergiques mouvements des ailes. L'explication a été remise en cause en 2005 : ces apophyses amélioreraient l'efficacité de l'inspiration et de l'expiration.

<em>Oviraptor philoceratops</em> et ses magnifiques apophyses.<br />© J. R. Codd, P. L. Manning, M. A. Norell, Steven F. Perry

Oviraptor philoceratops et ses magnifiques apophyses.
© J. R. Codd, P. L. Manning, M. A. Norell, Steven F. Perry

Voilà qui nous ramène à une spécialité aviaire. Les oiseaux, en effet, ne respirent pas comme nous. L'air inspiré suit un circuit complexe et ne ressort qu'à la deuxième expiration, ce qui améliore les échanges gazeux. L'anatomie elle-même diffère. Les poumons des oiseaux n'ont pas d'alvéoles mais se prolongent dans le corps par des sacs aériens, dont certains se glissent à l'intérieur des os creux.

Respiration puissante pour une vie trépidante

Ces apophyses se rencontrent chez de nombreux dinosaures théropodes, y compris chez ceux qui ne font pas partie de la lignée conduisant aux oiseaux. On les retrouve également chez un reptile actuel, le Sphénodon. Quant aux oiseaux, ils en ont tous, à l'exception des manchots et des kiwis. Les chercheurs britanniques ont étudié la répartition de ces apophyses chez les oiseaux actuels et dans tous les maniraptores, dont font partie Oviraptor et le Vélociraptor, popularisés par le film Jurassic Park. Chez les oiseaux actuels, ces apophyses n'ont pas toutes la même longueur : elles sont courtes chez les coureurs (comme l'autruche ou le casoar), longues chez les plongeurs (comme les pingouins) et intermédiaires chez tous les autres.

Quelques apophyses uncinées… En A, celles d’un casoar à casque (<em>Casuarius casuarius</em>), un coureur.   En B, celles d’un Hibou Grand Duc d’Europe (<em>Bubo bubo</em>). En C, celles d’un plongeur, le Pingouin torda (<em>Alca torda</em>). En D et E, celles, respectivement <em>d’Oviraptor philoceratops</em> et de <em>Velociraptor mongoliensis</em>.<br />© J. R. Codd, P. L. Manning, M. A. Norell, Steven F. Perry

Quelques apophyses uncinées… En A, celles d’un casoar à casque (Casuarius casuarius), un coureur.   En B, celles d’un Hibou Grand Duc d’Europe (Bubo bubo). En C, celles d’un plongeur, le Pingouin torda (Alca torda). En D et E, celles, respectivement d’Oviraptor philoceratops et de Velociraptor mongoliensis.
© J. R. Codd, P. L. Manning, M. A. Norell, Steven F. Perry

Jonathan Codd et son équipe se sont ensuite penchés sur la morphologie de ces animaux pour comprendre le rôle de cet équipement osseux. Chez les oiseaux, le mouvement du sternum à bréchet (sur lequel s'attachent de puissants muscles) aide à propulser l'air au fond des sacs aériens et cette poussée est mécaniquement transmise par les apophyses qui appuient sur les côtes. Les dinosaures maniraptores sont dépourvus de bréchet sur le sternum mais ils disposaient de côtes supplémentaires, abdominales (ou gastralias). Selon les chercheurs britanniques, le fonctionnement étaient mécaniquement équivalent et les apophyses uncinées avaient donc aussi un rôle d'amélioration de la respiration.

Ces dinosaures bipèdes devaient trouver un avantage à optimiser leurs échanges respiratoires, ce qui implique une vie active et des courses rapides. Ce travail indique également que cette respiration améliorée est apparue avant que les premiers oiseaux ne découvrent le vol battu.