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La connaissance de la massemasse d'un organisme fossile revêt une importance toute particulière pour les paléobiologistes. Ce paramètre leur permet en effet de réaliser des études biomécaniques, afin notamment de définir la vitessevitesse de course d'un dinosaure, ou physiologiques, par exemple pour étudier une éventuelle thermorégulation. Mais comment estimer un tel paramètre à partir d'ossements vieux de dizaines de millions d'années ?
Plusieurs méthodes existent et ont déjà été appliquées, mais elles souffrent bien souvent de la même critique : elles ne sont pas totalement objectives ! Autre problème, leur manque de fiabilité. Certaines formules ont parfois été utilisées pendant des années pour estimer la masse de tous les dinosaures, indépendamment de leurs dimensions, alors qu'elles ne donnaient des résultats justes que pour quelques classes de taille. En 2009, une étude a ainsi montré que l'Apatosaurus louisæ pesait en réalité 18 t et non 38 t.
L'une des solutions envisagées pour réduire la part de subjectivité dans les études consiste à avoir recours à des modélisationsmodélisations utilisant des mesures tridimensionnelles réelles. C'est la solution qu'a envisagée William Sellers avec ses collègues de l'University of Manchester. Grâce au scannage de squelettes par un laserlaser et à un traitement informatique, ils ont retrouvé la masse de 14 espèces de grands mammifères actuels. La même méthode a été appliquée à un brachiosaure, un dinosaure gigantesque ayant vécu voici 161 à 145 millions d'années. Le résultat, publié dans Biology Letters, est sans appel : sa masse a été surestimée dans le passé, parfois d'un facteur 4.
Le squelette de l'ours polaire ursus maritimus (à gauche en haut) a été scanné par un laser puis reconstruit virtuellement (squelette en vert). Un modèle informatique s'est alors chargé d'estimer l'enveloppe de chair qui devait entourer les os. Il est dès lors possible d'estimer la masse de l'animal. La même expérience a été menée sur le squelette d'un dinosaure Giraffatitan brancai (à droite). © W. Sellers et P. Manning
Des lasers pour estimer le poids des dinosaures
Les squelettes, certains provenant de musées, ont tout d'abord été scannés grâce à une méthode de télédétection par laser, ou LidarLidar, puis reconstruits virtuellement et en trois dimensions sous la forme de nuagesnuages de points (un point par mesure du laser). Cette image a été divisée en plusieurs régions : membres antérieurs, membres postérieurs, cou, tronc, etc. Pour chacune d'elles, une coque convexeconvexe, représentant le volumevolume minimal de chair qui devait être associée aux os, a alors été calculée. Les résultats obtenus ont ensuite été convertis en masses, partant du principe que la chair devait avoir une densité de 893,36 kgkg/m3 (donnée mesurée sur un cheval), puis additionnés pour obtenir la masse totale de l'animal.
Ce protocoleprotocole a été testé sur 14 espèces de mammifères telles que des rennesrennes, des ours polairesours polaires, des girafesgirafes ou encore des éléphants. Les résultats peuvent donc être comparés à des valeurs réelles. La différence entre calcul et réalité est énorme : le modèle a systématiquement sous-estimé la masse des animaux de 21 %. D'après les auteurs, ce pourcentage doit être ajouté à tous les résultats obtenus par calcul. De quoi revoir à la baisse la masse de tous les dinosaures connus... Quoi qu'il en soit, la méthode apparaît être fiable.
Par la suite, les scientifiques ont scanné le squelette d'un Giraffatitan brancai, un brachiosaure, exposé au Berlin's Museum für Naturkunde. Les estimations passées situaient sa masse entre 45 et 80 t. Selon William Sellers, ces chiffres pourraient maintenant être divisés respectivement par 2 ou par 4. Il a en effet trouvé une masse de 23.200 ± 2.200 kg (avec une densité de la chair de 800 kg/m3 et un intervalle de confiance à 95 %).
Cette méthode devrait maintenant être appliquée sur d'autres espèces de dinosaures. Elle restera bien sûr valable jusqu'à ce qu'une nouvelle technique la remette en cause...