L’étude des mammaliaformes, ces espèces aujourd’hui éteintes étroitement liées aux mammifères actuels, aide les scientifiques à comprendre les processus évolutifs qui ont conduit à diverses caractéristiques des mammifères. Des scientifiques viennent de découvrir en Chine l’existence de deux nouveaux mammaliaformes évoluant durant le Jurassique. Leurs études fournissent notamment des informations clés sur le passage évolutif des os de mâchoire reptiliens aux osselets de l’oreille moyenne des premiers mammifères, remodelant leur phylogénie.
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Si on ne sait pas précisément quand sont apparus les premiers mammifères, on sait en revanche que leur lignée est aussi ancienne que celle des dinosaures et qu'ils ont, à la différence de ces derniers, survécu à la cinquième extinction de masse il y a 66 millions d'années. Avant la fin de l'ère des dinosaures, les mammifères étaient tous de petites tailles, se spécialisant généralement en rongeurs, grimpeurs, nageurs ou planeursplaneurs. Ils dénotent des autres organismes de l'époque par leur métabolismemétabolisme à sang chaud, la présence de poils, l'allaitementallaitement des petits et la diversification de leur dentition (incisives, molairesmolaires, etc).
Les plus anciens fossiles de mammifères identifiés à ce jour datent du Jurassique (d'environ -200 à -145 millions d'années), et les scientifiques attribuent généralement l'apparition des premiers mammifères à une diversification évolutive des mammaliaformes, un cladeclade (groupe d'organisme défini par les paléontologuespaléontologues regroupant un organisme et ses descendants) apparu il y a environ 225 millions d'années à une période où tous les continents émergés étaient regroupés en un supercontinentsupercontinent, la Pangée.
Des sortes de musaraignes primitives découvertes en Chine
Grâce à leurs nouvelles découvertes, une équipe de paléontologues pense avoir réalisé un pas de plus dans notre compréhension de l'évolution des mammifères. Ils présentent leurs résultats dans la revue Nature. Ils ont excavé en Chine les fossiles de spécimens d'une nouvelle espèceespèce, nommée Feredocodon chowi, appartenant à la famille des Shuotheriidae. Les Shuotheriidae sont des mammaliaformes aujourd'hui éteints évoluants durant le JurassiqueJurassique, qui possédaient des molaires dites « pseudotribosphéniques » -- le terme tribosphénique faisant référence à des molaires équipées de trois bosses, ou cupsides. Ces dernières présentaient un « pseudotalonide », une protubérance des molaires inférieures servant à la mastication, située à l'avant du trigonide -- une autre excroissance située sur la partie supérieure des molaires inférieures. À titre de comparaison, les molaires des mammifères actuels présentent un motif tribosphénique où le talonide est situé derrière le trigonide et s'emboîte avec la molaire supérieure pour la transformation des aliments et la mastication.
En analysant les dentitions complètes des deux spécimens, les chercheurs ont proposé une nouvelle interprétation phylogénétiquephylogénétique : les molaires « pseudotribosphéniques » seraient en fait homologues au modèle molaire des Docodonta, un ordre de mammaliaformes aujourd'hui éteint. Les Shuotheriidae étaient pourtant traditionnellement regroupés phylogénétiquement avec les Australosphenida, une classe de mammifères comprenant entre autres les monotrèmesmonotrèmes. Ainsi, d'après les chercheurs, un organisme ressemblant au Morganucodon, un mammaliaforme insectivoreinsectivore, aurait donné naissance à trois grandes familles de mammaliaformes : les Docodontiformes (qui regroupent les Docodonta et les Shuotheriidae), les Allotheria et les Holotheria (d'où descendent les thériens, dont font entre autre partie les êtres humains et les marsupiaux).
De nouvelles pistes sur l’origine du cartilage de Meckel ?
Dans une seconde étude également publiée dans la revue Nature, les paléontologues se sont intéressés à la morphologiemorphologie des mandibulesmandibules de l'oreille moyenneoreille moyenne des premiers spécimens de Shuotheriidae précédemment cités, ainsi qu'à ceux d'un spécimen de Dianoconodon youngi, présentant de fortes ressemblances avec un Morganucodon. Les deux espèces semblent présenter des caractéristiques morphologiques qui soutiennent le passage évolutif des os de l'articulationarticulation de la mâchoire aux osselets de l'oreille moyenne chez les premiers mammifères. Les caractéristiques mandibulaires suggèrent que l'une des articulations à double mâchoire du Morganucodon ancestral commun aux deux spécimens a perdu sa fonction portante chez le Dianoconodon youngi, tandis que l'oreille moyenne mandibulaire était mieux adaptée à l'audition.
Les os postdentaires de l'espèce de Shuotheriidae sont en revanche plus avancés, présentant des caractéristiques adaptées à une fonction purement auditive. Selon les chercheurs, ces nouvelles preuves fournissent un aperçu dont le cartilagecartilage de Meckel (un cartilage impliqué dans le mouvementmouvement des mâchoires à partir duquel les vertébrésvertébrés ont évolué) ossifié a fonctionné comme un mécanisme de stabilisation, et renforcent fortement l'idée que l'évolution progressive de l'oreille moyenne des mammifères est un exemple classique de l'évolution des vertébrés. L'étude met l'accent sur l'extrême diversité des morphologies dentaires chez les premiers mammifères, indiquant des adaptations uniques (habitat, nutrition, etc) tout au long de leur développement évolutif.