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En 2010, Lee Berger (université de Witwatersrand) et ses collègues annonçaient la découverte d’une nouvelle espèce d’Hominidés suite à des fouilles réalisées en 2008 en Afrique du Sud, dans la grotte de Malapa : Australopithecus sediba. Cette semaine, les analyses de ces ossements font l'objet de cinq articles dans la revue Science. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elles suscitent le débat au sein de la communauté des paléontologuespaléontologues.
Il faut dire que les ossements retrouvés en 2008 sont assez particuliers, pour ne pas dire en contradiction avec les paradigmes actuels. Ce qui ne semble pas être discuté en revanche, c'est la datation de ces ossements. Elle a été réalisée en se fondant sur la chaîne de désintégration de l'uraniumuranium et sur le paléomagnétisme. Les ossements sont vieux d'un peu moins de 2 millions d'années, ce qui place A. sediba environ 1 million d'années après Lucy (A. afarensis) et le situe comme contemporain d'Homo habilisHomo habilis, le premier Homo. Ce résultat semble faire l'unanimité.
Contradictions de la tête au pied
Ce n'est pas le cas de l'analyse des ossements des pieds, des mains et des bassins qui tous exposent des caractéristiques tout à fait contradictoires, rendant périlleux le placement de cette nouvelle espèce au sein de l'arbre phylogénétique des Hominidés et semant le doute au sein de son organisation globale.
Les mains d'Australopithecus sediba, avec quelques-unes des caractéristiques phénotypiques, dont certaines sont semblables au genre Homo et d'autres aux Australopithèques. © Kivell et al. 2011 - Science - adaptation Futura-Sciences
Parmi les 220 ossements retrouvés, appartenant à au moins 5 individus de sexe et âge différents, la trouvaille la plus originale concerne probablement les os du bassin. Les paléontologues sont d'accord pour dire que la largeur du bassin (chez les femelles) est directement corrélée à la taille du cerveau. En effet, difficile pour un fœtusfœtus ayant un gros cerveau de passer par un bassin étroit. Mais les ossements de A. sediba semblent contredire cette quasi-certitude : la taille de son cerveaucerveau est comparable à celle d'autres Australopithèques tandis que le bassin semble aussi large que celui des Homo.
Bipédie et brachiation ?
Les ossements de la main sont également truffés d'incohérences. En effet, ils indiquent que le pouce est long et musclé, formant une pince avec l'index, ce qui est propice à la création ou à l'utilisation d’outils et rapproche donc A. sediba d'Homo habilis. Mais les ossements dévoilent aussi une capacité à la flexionflexion importante de la main, ce qui est cohérent avec la brachiation (déplacement en s'accrochant aux branches), un caractère archaïque. Cette thèse est également soutenue par la longueur des bras.
Tous ces paradoxes sont confirmés par l'analyse des ossements du pied. Le talon, étroit, est semblable à celui des grands singes, tout comme le tibiatibia. Mais le tendon d'Achille de A. sediba et sa voûte plantairevoûte plantaire suggèrent une démarche proche de celle des Homo bipèdes.
Nouvel ancêtre pour Homo erectus ?
Tout indique donc que A. sediba était bipède et qu'il conservait également un mode de vie arboricolearboricole. En outre, les rapprochements phénotypiques avec Homo habilis et plus largement l'ensemble du genre Homo, notamment concernant la main, font de A. sediba un candidat très sérieux pour être l'ancêtre d'Homo erectus, comme le propose Lee Berger.
Si certains paléontologues n'osent guère s'avancer jusque là si rapidement, ils conviennent que cette découverte et les contradictions qui l'accompagnent sont intéressantes et nécessitent des analyses plus approfondies pour déterminer la place exacte d'Australopithecus sediba dans l'histoire de l'Homme.