Une équipe de chercheurs vient de publier dans Plos One l’étude d’un morceau d’ambre exceptionnel provenant du Mexique. Par une approche innovante permise par la tomographie X, elle révèle des interactions entre insectes eusociaux datant de plus de 15 millions d’années.

au sommaire


    Les inclusions biologiques dans l'ambre, très souvent représentées par des insectes et autres arthropodes, fascinent depuis longtemps les Hommes et apportent, lorsque les ambres sont translucidestranslucides, des informations exceptionnelles sur la biodiversité passée de notre planète. Une équipe de l'Institut de Systématique évolution biodiversité (MNHN, CNRS, UPMC, EPHE) vient de publier dans la revue Plos One, une étude consacrée à un morceau d'ambre exceptionnel du Mexique, conservé dans les collections du Muséum national d'histoire naturelleMuséum national d'histoire naturelle. Celui-ci comporte plusieurs inclusions d'insectes (syninclusion) avec, pour la première fois, des interactions évidentes entre fourmis et termites datées du milieu du Miocène (15 millions d'années).

    En effet, on sait qu'à l'heure actuelle, principalement dans les zones intertropicales, les fourmis légionnaires sont particulièrement friandes d'autres insectes eusociauxeusociaux (fourmis, termites) sur le nid desquelles elles accomplissent de véritables raids. Par ailleurs, différents genres de fourmis ont pour habitude de s'installer dans les nids de termites du genre Nasutitermes, et d'y cohabiter pacifiquement, pour des raisons encore mal comprises, mais qui sont sans aucun doute d'ordre mutualiste (chacun profite de la présence de l'autre) ou commensale (relation de non-réciprocité, mais qui n'est pas d'ordre parasitaire). Certaines observations suggèrent que fourmis et termites sont même capables de s'associer pour défendre le nid commun.

    A : vue d’ensemble du morceau d’ambre et de ses inclusions.
 B : reconstruction 3D du morceau d’ambre avec ses inclusions (en fausses couleurs) ; en bleu : termites du genre <em>Nasutitermes</em> ; en violet : fourmis du genre <em>Azteca</em> ; en rouge : fourmi légionnaire <em>Neivamyrmex</em>. © CNRS, David Coty

    A : vue d’ensemble du morceau d’ambre et de ses inclusions.
 B : reconstruction 3D du morceau d’ambre avec ses inclusions (en fausses couleurs) ; en bleu : termites du genre Nasutitermes ; en violet : fourmis du genre Azteca ; en rouge : fourmi légionnaire Neivamyrmex. © CNRS, David Coty

    Un raid de fourmis légionnaires contre des termites

    Dans le cas de ce morceau d'ambre du Mexique, les chercheurs ont découvert la présence de plusieurs fourmis du genre Azteca, plusieurs termites du genre Nasutitermes et une fourmi du genre Neivamyrmex (fourmi légionnaire) saisie dans la résine avec un termite entre ses mandibulesmandibules. Les chercheurs suggèrent donc que cette scène figée dans la résine est le vestige d'un raid de Neivamyrmex sur une colonie d'Azteca et de Nasutitermes en interaction.

    En observant ce morceau d'ambre sous tomographietomographie à rayons Xrayons X, cette équipe de chercheurs s'est rendu compte, pour la première fois, que les différentes coulées qui composent le morceau d'ambre, difficilement observable à l'œilœil nu, étaient visibles sur les coupes obtenues par CT scan. En croisant cette information avec la densité respective de chaque spécimen, les chercheurs posent ici les bases d'une méthode qui permet de mieux reconstruire les processus taphonomiques (qui interviennent après la mort d'un organisme, comprenant donc les processus de fossilisationfossilisation et de formation des gisementsgisements fossilesfossiles) et donc d'être plus précis dans l'interprétation des paléocomportements qui peuvent être étudiés via les inclusions dans l'ambre.