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Des séquences génétiques issues de rétrovirus sont bien intégrées dans le génome de certains humains actuels, comme ils l'étaient chez Néandertal ou l'Homme de Denisova. Pourtant, une étude parue l'an passé clamait le contraire. © Adrian Cousins, Wellcome Images, cc by nc nd 2.0
Pour comprendre ce qui va suivre, il faut remonter le temps de quelques années. En 2010 d'abord, lorsque les génomesgénomes de deux espèces humaines aujourd'hui disparues, l'Homme de Néandertal et l'Homme de Denisova, ont été décrits. Ces publications ont donné de la matièrematière aux scientifiques pour creuser un peu plus les similitudes et les divergences entre les différents groupes humains, ce qui a par exemple permis à Jack Lenz et ses collègues de la faculté de médecine Albert EinsteinEinstein (université Yeshiva, New York) de publier une étude intéressante dans Current Biology en juin 2012.
Ces chercheurs sont partis sur les traces d'infections ancestrales par des rétrovirus, des virus qui, comme le VIHVIH, infestent les cellules puis s'insèrent dans leur génome. On estime que ces séquences exogènesexogènes composent entre 5 et 8 % de tout notre ADNADN, et sont notamment retrouvées dans une partie de ce que l'on appelait autrefois l'ADN poubelle, des régions du génome qui ne codent pas pour des protéinesprotéines.
Leur analyse a révélé la présence de 14 de ces séquences rétrovirales chez les deux groupes humains, mais pas chez nous. Une façon d'estimer la séparationséparation entre les lignées humaines à 400.000 ans à peu près, ce qui sous-entend que Dénisoviens et Néandertaliens partagent une parenté plus grande entre eux qu'avec nous.
Des rétrovirus qui n’ont pas disparu de notre génome
Cependant, une contre-expertise menée par Robert Belshaw (université de Plymouth) et Gkikas Magiorkinis (université d'Oxford) sème le trouble et remet en cause les résultats précédents. Leur analyse, tout juste publiée une fois encore dans Current Biology, montre en effet que des Hommes d'aujourd'hui portent eux aussi les marques des infections rétrovirales ancestrales.
L'Homme de Néandertal, ici représenté, est apparu avant l'Homme anatomiquement moderne, et les deux espèces se sont rencontrées au point qu'elles se sont même hybridées. Pas étonnant donc de retrouver des traces d'infections virales du passé dans notre génome ! © Fuzzyraptor, Flickr, cc by nc sa 2.0
Cette fois, les auteurs ont séquencé le patrimoine génétiquegénétique de 110 personnes touchées par le cancer. Sur les huit rétrovirusrétrovirus sur lesquels ils ont focalisé leur attention, ils ont retrouvé les traces de sept d'entre eux. Ils pensent que d'ici quelque temps, à force de creuser, ils finiront par mettre en évidence les autres séquences.
Pourquoi de telles différences sur un sujet similaire ? Tout vient de la méthodologie. Dans l'étude de 2012, les chercheurs s'étaient fiés à la séquence génétique humaine de référence, conçue à partir du mélange de génomes de différents êtres humains, pour laquelle chaque position correspond aux informations d'une seule personne. Il faut croire que par malchance, les individus utilisés aux positions concernées ne possédaient pas les séquences d'ADN rétroviral retrouvées chez les Dénisoviens et Néandertaliens.
Des infections toujours actives en nous ?
Ces résultats qui ne sont pas dénués de conséquences. D'une part parce qu'ils permettent de revisiter la préhistoire humaine, et révèlent qu'elle est probablement plus complexe que le laissaient augurer les conclusions précédentes. D'autre part, ils montrent également que le génome humain de référence ne permet pas de conclure sur la présence ou non d'un gènegène, et que pour en attester l'absence chez tous les Hommes modernes, il faut plutôt échantillonner un panel plus large, comme cela a été fait par Belshaw et Magiorkinis.
Ces deux scientifiques veulent désormais orienter leurs recherches de façon à comprendre à quel point cet ADN rétroviral est répandu parmi les populations humaines d'aujourd'hui, et voir si les virus sont toujours actifs. On sait déjà qu'ils sont pathogènespathogènes chez d'autres animaux, comme les souris, et qu'ils se montrent actifs chez des personnes victimes de maladies des neurones moteursneurones moteurs. Mais on n'a jamais pu prouver qu'ils engendrent des maladies chez l'Homme. Peut-être l'occasion de nouvelles révélations qui changeraient certaines données de la médecine.