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La question de la fonte des calottes polaires et de son impact sur le climat est centrale mais confuse. Depuis 1998, les scientifiques ont publié une trentaine d'estimations différentes conduisant à une véritable anarchie dans la prévision de la hausse du niveau de la mer. Dans son 4e rapport, le Giec prévoit pour 2100 une augmentation du niveau de la mer variant de la dizaine de centimètres au mètre ! De ce véritable bain d'incertitudes est né un projet international qui fournit pour la première fois l'évaluation la plus précise actuellement.
Le taux d'amincissement annuel de la calotte glaciaire du Groenland entre 2003 et 2008, mesuré par l'altimètre laser IceSat. © L. Sorensen et R. Forsberg, Imbie
Le projet Imbie réunit 47 scientifiques de 26 laboratoires différents répartis dans le monde entier. L'équipe internationale, menée par Andrew Sheperd et Erik Ivins, a réalisé le travail titanesque de rassemblement de toutes les données de fontefonte des calottes de la période 1992-2011 et fournit aujourd'hui une estimation des plus précises. Mettant fin à 20 ans d'incertitudes, les chercheurs rapportent que depuis 1992, la fonte des calottes glaciairescalottes glaciaires a contribué à 11,1 mm de hausse du niveau de la mer. Les calottes contribueraient ainsi à un cinquième de la hausse globale.
Les résultats, publiés dans le journal Science, confirment en outre que le Groenland, comme l'Antarctique, perd de la massemasse. Actuellement, la fonte des pôles est 3 fois plus rapide (0,95 mm d'équivalent d'eau par an) que durant les années 1990 (0,27 mm d'équivalent d'eau par an). Les deux tiers de la fonte globale des calottes proviennent du Groenland, qui aurait en moyenne perdu 152 gigatonnes par an.
Série temporelle du bilan de masse annuel de la surface (SMB) de l'Antarctique, une des composantes du bilan de masse global. Le SMB est simulé par le modèle RACMO2 et couvre la période 1979-2010. Le panneau en haut à gauche montre le SMB pour l'année donnée, et le panneau en haut à droite affiche la différence entre le SMB pour cette année et la moyenne 1979-2010 SMB. Le panneau du bas montre le total SMB de la calotte glaciaire antarctique pour chaque pas de temps. Cliquer pour voir l'animation. © Jan Lenaerts, University of Utrecht
Calottes polaires : une coopération internationale
À partir de 10 missions satellite différentes, les chercheurs ont comparé les données obtenues par les 3 méthodes possibles : l'altimétrie, l'interférométrieinterférométrie et la gravimétriegravimétrie. Divisés en 3 groupes de travail, les chercheurs ont réussi à concilier les différences entre toutes les études antérieures en analysant et combinant les périodes temporelles et les régions géographiques des études. Chaque méthode a ses forces et ses faiblesses. Jusqu'à présent, les scientifiques utilisaient chaque méthode indépendamment des autres. Les combiner permet donc d'écarter toutes les données qui ne concordent pas.
C'est la première fois que les spécialistes des calottes polaires comparent leurs différentes méthodes pour les mêmes dates et lieux. « Le succès de cette entreprise est dû à la collaboration de la communauté scientifique internationale, et aux capteurs satellitaires précis mis en place par nos agences spatiales. Sans ces efforts, nous ne serions pas en mesure de dire aux gens avec confiance comment les calottes glaciaires de la Terre ont changé, d'une part, et de mettre fin à l'incertitude qui existe depuis de nombreuses années d'autre part » explique Andrew Sheperd.
Si les résultats de l'étude sont cohérents avec les prévisions du Giec, l'accélération de fonte de cette dernière décennie n'était pas prévue par les modèles climatiques. Pourtant, l'impact de la perte de masse des calottes dans la variation du niveau de la mer est majeur. C'est une plus grande incertitude dans les modèles de prévision climatique, une telle précision dans l'estimation est donc un grand pas pour la prévision numériquenumérique. Le projet Imbie est une contribution directe à l'élaboration du 5e rapport du Giec.