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Les thons rouges du Pacifique, Thunnus orientalis, sont des poissons océaniques particulièrement véloces, pouvant nager à la vitessevitesse de 80 km par heure. Une nouvelle étude publiée dans la revue Pnas par Daniel Madigan de l'université de Stanford rappelle aujourd'hui que ce sont également des animaux migrateurs. Ils se reproduisent dans le Pacifique ouest et vivent dans le Pacifique est.
Des thons pêchés au large des côtes américaines ont en effet présenté un taux anormalement élevé de particules radioactives. Ils auraient été contaminés dans les eaux japonaises, elles-mêmes polluées par la catastrophe de Fukushima Daiichi du 11 mars 2011. Ces poissons, en quittant les eaux du Pacifique ouest après y avoir vécu au maximum leurs deux premières années de vie, auraient ainsi transporté cette pollution sur plusieurs milliers de kilomètres.
Les consommateurs de thons peuvent tout de suite se rassurer. Les quantités de radionucléidesradionucléides mesurées sont inférieures aux normes sanitaires nipponnes et donc sans danger pour la santé. Les isotopesisotopes mis en cause cumuleraient une radioactivité 30 fois inférieure à celle du potassiumpotassium 40, un radio-isotope naturellement présent dans l'environnement, et qui atteint en moyenne chez les poissons 347 ± 49 becquerelsbecquerels par kgkg. La pollution n'a augmenté que de 3 % la radioactivitéradioactivité présente dans la chair de ces poissons.
Le logo jaune indique le lieu de la catastrophe de Fukushima Daiichi survenue le 11 mars 2011. Les différentes flèches représentent les trajets migratoires réalisés par plusieurs espèces animales au départ des eaux nipponnes : le requin saumon (lignes supérieures avec de petits traits), le puffin fuligineux (longue ligne en traits), le thon rouge du Pacifique (lignes pleines) et la tortue Caouanne (tracé pointillé). © Madigan et al. 2012, Pnas
L'isotope radioactif césium-134 mis en cause
Les analyses ont été menées sur des muscles blancs de quinze thons rouges pêchés en août 2011 au large de San Diego. Elles ont souligné la présence anormalement élevée de césium-134 (4,0 ± 1,4 becquerels par kg) et césiumcésium-137 (6,3 ± 1,5 becquerels par kg). Ce dernier est présent dans l'eau depuis la réalisation d'essais nucléaires par divers pays.
Le césium-134 a une duréedurée de vie relativement courte de deux ans. Il disparaît donc rapidement après avoir été déchargé dans l'environnement, par exemple lors d'incidents nucléaires. Durant les mois qui ont précédé l'étude, une seule contaminationcontamination des milieux naturels a eu lieu, à Fukushima. Il n'y aurait donc qu'une seule source de pollution possible.
Pour valider cette hypothèse, les résultats ont été comparés à d'autres mesures réalisées sur des thons rouges ayant migré avant la catastrophe. Les taux post-Fukushima sont dix fois plus importants. Des analyses complémentaires ont également été réalisées sur des thons albacores (Thunnus albacares) ne fréquentant que les eaux du Pacifique est durant leur vie. Aucune élévation anormale de la quantité de césium n'a été observée après le drame du 11 mars 2011, confirmant l'origine géographique de la pollution.
Un outil de suivi des espèces migratrices
Ainsi, des espèces migratrices agiraient en tant que vecteurs biologiques pour ce type de pollution en la propageant parfois sur plusieurs milliers de kilomètres. Ce rappel démontre une fois de plus les interconnexions existant entre plusieurs écorégions relativement éloignées. Selon une estimation, les thons rouges du Pacifique pêchés au États-Unis en 2011 auraient transporté près de 1 % du césium libéré au Japon.
Tout n'est pas négatif. Les auteurs de cette publication proposent en effet d'utiliser cette pollution pour étudier plus en détail les migrations réalisées par divers animaux vivant dans les eaux japonaises (pinnipède, baleines, etc.). Le calcul du rapport entre les deux radio-isotopes de césium permet par exemple, grâce à l'exploitation des temps de demi-vietemps de demi-vie, de calculer le timing des déplacements. Ainsi, les thons capturés pour les besoins de l'étude ont mis quatre mois pour effectuer la traversée de part en part de l'océan Pacifique.