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Région nord-est de l'océan Indien où s'est déroulé le tsunami du 26 décembre 2004, alors qu'il était survolé par le satellite Jason-1, lors de sa 129è orbite (ligne noire). Les histogrammes, en bleu, montrent les variations de rugosité calculées grâce aux données radar. Les courbes reproduisent la progression de la vague du tsunami, les chiffres de 1 à 5 indiquant le nombre d'heures après le séisme. © National Geophysical Data Center/NOAA
Variations de la rugosité de la surface de la mer induites par le tsunami de 2004 des îles Andaman et de Sumatra : c'est le titre d'un article publié dans la dernière édition de la revue Natural Hazard and Earth System Sciences. Il détaille l'étude réalisée par l'équipe de Oleg Godin, un chercheur de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric AdministrationNational Oceanic and Atmospheric Administration), à Boulder, dans le Colorado.
Ces océanographes ont étudié finement les images radar de ce satellite, capable de mesurer très précisément les variations du niveau de la mer. Constamment surveillés par quelques satellites d'observation des océans, comme le couple Jason-1 et Jason-2, grâce à leurs altimètres de précision, mais aussi par des réseaux de bouées, ces mouvementsmouvements verticaux de l'eau donnent des indications sur les vents et les courants. Ces deux méthodes peuvent détecter la vague d'un tsunami arrivant sur une côte mais il faut que les bouées ou les satellites se trouvent au bon endroit au bon moment. Les altimètres des satellites, notamment, ne mesurent l'altitude que verticalement, donc sur la mince ligne qu'ils survolent. De plus, la détection qu'ils permettent est tardive. Le séisme sous-marin à l'origine d'un tsunami engendre de violentes secousses au niveau du plancherplancher océanique qui se propagent ensuite très vite, jusqu'à 500 km/h, mais en restant à grande profondeur. En surface, le phénomène est alors à peine perceptible.
En 2004, déjà, Oleg Godin et son équipe avaient proposé une troisième méthode d'analyse des images radar capable de détecter bien plus tôt les effets d'un tsunami.
Une ombre fugace et funeste
Par une étude théorique, Godin et ses collègues ont montré que l'état de surface de la mer devait changer. De nombreuses petites vagues - les océanographes parlent de rugosité -, assombrissant légèrement l'aspect de la mer, devraient engendrer des turbulencesturbulences dans les basses couches de l'atmosphère. Des instruments radar capables d'observer verticalement mais aussi obliquement, donc sur une bande assez large, devraient pouvoir repérer une telle variation de l'état de surface de la mer. Une analyse statistique permettra ensuite de déterminer si elle est due à des phénomènes météorologiques ou à un tsunami naissant.
L'équipe s'est alors attelée aux images enregistrées par le satellite Jason-1 lors du terrible tsunami de décembre 2004. Au moment de cet événement, l'engin, en effet, se trouvait justement au-dessus de l'océan Indien. Godin a entrepris d'analyser les données du satellite pour vérifier sa méthode. Mais Jason-1 ne voit que verticalement et ses images ne sont donc pas idéales pour tester la méthode d'analyse de la rugosité.
Il a fallu plusieurs années à l'équipe pour décrypter les données radar acquises par Jason-1 durant le passage du tsunami et pour les comparer avec d'autres images satellitaires de la même région obtenues à d'autres périodes. Ce sont les résultats de ce patient travail qui viennent d'être publiés. Ils montrent une nette variation de la rugosité de la surface de l'océan juste avant l'apparition de la vague géante en surface. Avec un nombre suffisant de satellites dotés de radars efficaces, on peut espérer, estiment les auteurs, détecter un tsunami très tôt, suffisamment à l'avance pour organiser l'évacuation des populations en danger.
La technique reste cependant à mettre au point. Il faut notamment bien établir le lien entre, d'une part, la taille et l'intensité de cette ombre, et, d'autre part, la puissance réelle du tsunami qui s'annonce.